Comment allons-nous vivre en paix ?

13 février 2022Lionel Thébaud

Qu’est-ce que « la fin des temps », ou « les temps de la fin » ? Au huitième siècle avant l’ère commune, les Hébreux rêvaient d’une période dans laquelle le Seigneur viendrait juger les nations et rétablir le règne d’Israël. Cette période n’aurait pas de fin : une nouvelle ère de paix véritable. Un Messie devait venir pour donner un coup de pied au derrière de l’envahisseur et régner pour toujours.

« La fin des temps » c’est donc le moment où vient le Messie pour rétablir l’ordre ancien. 8 siècles plus tard, les disciples de Jésus ont reconnu qu’il était le Messie attendu. Les disciples de Jésus ont cru que le Christ était venu donner un coup de pied au derrière du péché, détruire les œuvres du diable et régner à la droite du Père.

Pour les chrétiens donc, « la fin des temps » a commencé avec Jésus. Ça fait 2000 ans que nous sommes dans ces « temps de la fin ». 2000 ans que l’ère de la paix a été ouverte. Alors, qu’attendons-nous ? Ou plutôt, pourquoi attendons-nous ? Posons-nous plutôt la question : comment allons-nous vivre en paix ? Parce qu’il y a des choses à faire, et des attitudes à cultiver.

Quand on lit des choses concernant le jugement dernier, ce n’est pas du côté de la destruction et du malheur qu’il faut regarder, parce l’Évangile est une bonne nouvelle. Il faut regarder du côté de l’espérance.

Il y a une espérance très forte dans ce qu’on appelle « la fin des temps », c’est une espérance orientée vers la paix. Et un passage dans le livre du prophète Ésaïe évoque cette espérance d’une manière particulière. Voyons comment ce texte peut faire résonner cette espérance dans notre actualité.

La promesse de la paix

Parole d’Ésaïe, fils d’Amots, ce qu’il a vu à propos de Juda et de Jérusalem.
Un jour viendra où la montagne de la maison du Seigneur sera fermement établie au sommet des montagnes
et se dressera au-dessus des collines.
Alors tous les peuples afflueront vers elle.
Des foules nombreuses s’y rendront et diront :
« En route ! Montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob.
Il nous enseignera ce qu’il attend de nous, et nous suivrons ses chemins. »
En effet, c’est de Sion que vient l’enseignement du Seigneur, c’est de Jérusalem que nous parvient sa parole.
Il rendra son jugement entre les pays, il sera un arbitre pour des peuples puissants.
Avec leurs épées, ils forgeront des socs de charrue,
et avec leurs lances, ils feront des faucilles.
On ne lèvera plus l’épée un pays contre l’autre, on ne s’exercera plus à la guerre.
Vous, les descendants de Jacob, en route !
Marchons dans la lumière du Seigneur !

Ce passage d’Ésaïe a sans doute été écrit après la déportation assyrienne de 722 avant l’ère commune. Alors que le royaume d’Israël ne signifie plus rien au niveau politique, Ésaïe voit en vision toutes les nations se rassembler à Sion.

Sion, c’est un nom symbolique donné à Jérusalem. Ésaïe voit que l’avenir de Sion, c’est une humanité diverse et variée, venant de tous les peuples.

Le prophète annonce une grande migration, à la gloire de Dieu.

Comme si la venue des migrants participait au Bonheur National Brut.

Dieu, les nations et la paix

Dieu arbitre entre les nations. Il juge avec justice. Il considère que toutes ces nations sont un seul et même peuple.

8 siècles plus tard, l’apôtre Paul note, dans la lettre aux Galates, qu’en Jésus-Christ « il n’y a plus ni juif, ni grec, ni esclave ni libre, ni homme ni femme ». Dieu ne fait pas de différence entre les humains, car Dieu nous accepte tous et toutes tel·le·s que nous sommes.

C’est Dieu qui juge, c’est Dieu qui arbitre, ce n’est pas nous. C’est Dieu qui nous considère dignes (ou pas) d’être son peuple. Ce n’est pas nous qui en jugeons.

Nous ne pouvons pas nous juger les un·e·s les autres. Le mur de séparation qui divisait les Juifs et les non-Juifs est tombé, déjà dans le rêve d’Ésaïe, 700 ans avant Jésus.

L’arbitrage que Dieu a posé sur nous, c’est la marque de sa grâce : nous sommes réconcilié·e·s avec Dieu et nous sommes au bénéfice d’un amour inconditionnel qui doit faire tomber notre haine.

Parce que nous avons de la haine pour celles et ceux qui sont différent·e·s.

De la haine pour celles et ceux qui ne vivent pas comme nous.

Pour celles et ceux qui ne croient pas comme nous. Qui ne vivent pas chez nous.

Et quand ces personnes viennent chez nous, nous ne voulons pas les recevoir.

Ça me fait penser à ces rédacteurs du Lévitique qui ont écrit : « Quand un immigré viendra s’installer dans ton pays, ne l’exploitez pas ; au contraire, traitez-le comme s’il était un membre de votre peuple : tu l’aimeras comme toi-même. Rappelez-vous que vous avez aussi été immigrés en Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu » (Lévitique 19.33).

La paix et l’espace médiatique

Ce que j’entends dans les médias, c’est la peur de l’autre, une peur croissante, un message angoissant qui nous dit que la personne étrangère fuit son pays pour venir dépouiller le notre. Un message qui nous dit que les mineurs isolés sont des voleurs et des violeurs.

Il y a même des villes qui, il y a environs 6 ans, avaient affiché des panneaux sur lesquels on pouvait lire : « L’État nous les impose, ça y est ils arrivent… Les migrants dans notre centre-ville ! », en évoquant l’arrivée de familles syriennes sur le sol français.

La peur de l’autre.

Les gens ont peur du terrorisme, et pensent que les migrant·e·s sont des terroristes en puissance.

L’inconnu nous fait peur, et c’est normal. Mais nous, frères et sœurs, devons-nous avoir peur ?

Je crois que lorsque nous acceptons l’amour que Dieu a manifesté à notre égard, notre haine tombe. Nous parvenons à surmonter nos peurs. Nous parvenons à venir en aide à une famille syrienne, ou a des mineurs isolés, ou à toute personne que Dieu lui-même met sur notre chemin, dans la mesure de nos moyens humains et financiers.

L’autre me fait peur, mais je peux choisir de l’aimer. Je peux choisir d’apprendre à la ou à le connaître. Je peux choisir de l’accueillir malgré ses différences, et même malgré ses mauvais côtés. Parce que Dieu m’accueille malgré mes mauvais côtés.

C’est l’effet de l’amour de Dieu.

C’est ce que nous dit Ésaïe.

Cultiver le jardin pour vivre en paix

Les armes qui servaient pour la guerre seront inutiles. Nous en ferons des outils pour cultiver la terre. Nous apprendrons à cultiver le sol au lieu de faire la guerre.

Ésaïe nous parle de paix et de culture. Comme si le fait de travailler ensemble la terre maintenait la paix.

Quand on lit ces 5 versets, c’est très rapide, on peut avoir l’impression que Dieu, d’un coup de baguette magique, va transformer un monde égoïste, rempli de peur et de haine, en un monde gentil.

Mais ce n’est pas ça que je lis.

Je lis la difficulté d’être ensemble et le travail que nous avons à faire.

Celles et ceux qui travaillent la terre savent que la baguette magique n’existe pas, quoi qu’en disent les politiques. Il faut se retrousser les manches. Prendre les outils. Préparer la terre, semer, arroser, désherber, tailler, attendre, et si l’année n’est pas mauvaise, récolter, éventuellement faire sécher, avant de pouvoir partager et manger.

C’est du travail.

Mais c’est aussi beaucoup de plaisir. Et quand on effectue ce travail avec d’autres personnes, quand on ne porte pas ce fardeau tout seul, quel bonheur !

C’est le meilleur moyen de vivre en paix : travailler ensemble dans le jardin, à faire ce qu’il y a à faire. C’est comme ça qu’on apprend à se connaître et à apprécier les qualités des autres. Produire ensemble de la nourriture et partager cette nourriture avec celles et ceux qui en ont besoin.

C’est valable pour le jardin, c’est valable pour la culture, c’est valable pour tous les domaines de la vie en communauté. Nous pouvons décider de changer nos armes en outils. Pour cultiver. Pour bénir.

Comment être des artisans de paix ?

Et ainsi les nations ne se feront plus la guerre. Mieux, elles ne prépareront plus la guerre. Elles ne rassembleront pas leurs troupes aux portes de l’Ukraine ou bien de je ne sais quel pays.

Ainsi le monde ne disparaîtra pas, mais continuera de vivre, dans la paix.

La paix mondiale.

Pas une fausse paix comme les politiques nous la promettent depuis des lustres, mais une vraie paix, qui vient de nous, par la puissance du Dieu qui transforme les cœurs. Décision collective d’abandonner la haine, d’abandonner les armes, et de pratiquer l’amour du prochain.

Jésus était étranger dans ce monde et il n’a pas été accueilli. Il n’y avait pas de place pour lui dans les auberges. Et selon Matthieu sa famille a dû fuir en Égypte.

Adulte, il n’était toujours pas le bienvenu. On l’a mis à mort. On a rejeté le prince de la paix.

Et nous, nous qui étions étrangers et étrangères à la promesse, Dieu nous a donné son accueil, il nous a donné son pardon, et il nous a donné son Esprit.

Vivre sur la terre comme au ciel

Vous étiez étrangers, (…)
vous étiez exclus des alliances fondées sur la promesse divine (…).
Mais maintenant, par l’union avec Jésus Christ,
vous qui étiez alors loin,
vous avez été rapprochés par le Christ (…) qui est notre paix,
lui qui a fait de ceux qui sont Juifs et de ceux qui ne le sont pas
un seul peuple.
En donnant son corps,
il a abattu le mur qui les séparait et qui en faisait des ennemis
(…) pour former avec les uns et les autres,
un seul peuple nouveau dans l’union avec lui ;
c’est ainsi qu’il a établi la paix.
Par sa mort sur la croix,
le Christ les a tous réunis en un seul corps
et il les a réconciliés avec Dieu ;
(…) il a détruit la haine.
[Il] est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix,
la paix pour vous qui étiez loin
et la paix pour ceux qui étaient proches.
C’est en effet par le Christ que nous tous,
ceux qui sont Juifs et ceux qui ne le sont pas,
nous avons libre accès auprès de Dieu, le Père,
grâce au même Esprit saint.

Éphésiens 2.12-18.

Notre foi doit avoir des conséquences pratiques pour celles et ceux qui nous entourent.

Il y a une dimension politique forte dans l’Évangile : aimer son prochain comme soi-même, c’est hautement politique. Ça implique nos vies, nos relations, et la manière dont nous vivons ensemble.

En tant que chrétien·ne·s, nous avons un appel sur nos vies. Nous sommes appelé·e·s à la réconciliation. Nous devons cultiver la paix comme un jardin, de la même manière que Dieu a cultivé la paix avec nous. Sur la terre, comme au ciel.

Cette décision nous appartient.


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