Deux mains tendent leurs index l'un vers l'autre, ce qui évoque le tableau de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. Dieu entre en relation avec l'être humain, et rien ne se trouve entre les deux index, comme pour dire que rien ne peut ni s'opposer à la relation, ni la faciliter.

Dieu en relation directe ?

1 mars 2022Lionel Thébaud

Si vous tapez sur internet « avoir une relation directe avec Dieu », ou bien « avoir une relation personnelle avec Dieu », vous allez tomber sur plein de sites qui vont vous donner des astuces pour développer votre relation avec Dieu.

Vous y trouverez des astuces dignes des techniques de développement personnel, et on va vous raconter que pour entretenir votre relation avec Dieu, il faut vous repentir de vos péchés, qu’il faut prier très souvent (certains vont même vous dire combien de temps par jour vous devez prier), qu’il faut lire la bible très souvent, et que si vous ne vous comportez pas bien vous provoquez une rupture entre Dieu et vous, rupture que seule l’imploration coupable du pardon de Dieu pourra réhabiliter.

De grâce, n’allez pas sur ces sites. Ou plutôt : si vous y allez, ne croyez pas ce qui y est écrit. Parce qu’à mon avis, les gens qui écrivent ces choses passent vraiment à côté du message de la bonne nouvelle de Dieu donnée par Jésus-Christ.

Une relation personnelle avec Dieu

En protestantisme, la notion de « relation personnelle avec Dieu » est très importante. En effet, les Réformateurs avaient compris que nous n’avions pas besoin d’intermédiaires entre Dieu et nous. C’est pour ça que nous ne prions pas les saints ou les anges : ils ne sont pas plus près de Dieu que nous, et nous sommes tous et toutes pareillement ses fils et ses filles.

Nous n’avons pas besoin d’avoir peur de Dieu, ni de craindre qu’il ne pourrait pas nous entendre. Dieu nous entend. Il nous accueille. Il vit en nous, par son Esprit. Et Paul nous rappelle que rien ne peut nous séparer de son amour, pas même le péché qui nous habite.

Le péché, je le rappelle, ce n’est pas les choses que nous ne faisons pas bien. Le péché c’est notre incapacité à être en relation avec Dieu, pour le dire simplement. Mais cette question a été résolue, et nous ne pouvons rien y faire : Dieu a décidé d’être en relation avec nous. Avec toi, directement. Sans que personne ne vienne filtrer les messages. Sans que personne ne puisse te dire comment établir la connexion. Sans même que tu aies besoin de « savoir prier ».

J’entends souvent des gens dire : « je ne sais pas prier ». Mais je réponds : « si tu sais t’exprimer, tu sais prier ».

La grâce seule nous fait entrer en relation

Le principe protestant concernant la relation à Dieu, c’est que Dieu a tout fait pour rétablir les choses et que rien ne peut nous priver de cette grâce. Si je ne parle pas à Dieu, ça ne l’empêche pas de me parler. Si je ne l’écoute pas, ou si je ne l’entends pas, ça ne l’empêche pas d’être là, près de moi, de vivre ce que je vis et de me mettre au bénéfice de sa grâce. Je n’y peux rien, tu n’y peux rien, c’est l’Évangile.

Alors des recettes, tu vas en trouver. Mais le problème des recettes, c’est que ça dit : « si tu fais bien ce qu’il faut, alors Dieu sera obligé de t’entendre quand tu parles ». Tu y crois, toi ? Des protestants qui retournent à la loi des œuvres ? C’est tout bonnement impensable. Et ainsi on pourrait manipuler Dieu ?

Pas de méthode, mais une dynamique personnelle

Les Réformateurs ont compris que la clé de la vie spirituelle se trouvait dans cette logique de relation personnelle avec Dieu. Et du coup, si c’est une relation personnelle, peut-il y avoir une méthode qui soit valable pour tout le monde ? Peut-on donner les 10 étapes de la relation personnelle avec Dieu ? Peut-on dire à l’autre : tu ne peux pas être en relation avec Dieu si tu ne fais pas ceci ou cela ?

Si j’ai une relation personnelle avec Dieu, alors ça veut dire que la relation entre dans le cadre de ma personnalité.

La Bible nous dit que Dieu parle de mille manières. Pourquoi d’après toi ? Parce qu’il s’adapte à nous. Il ne te parle pas en hébreu ou en langage fourmi. Il te parle de manière à ce que tu puisses comprendre ce qu’il te dit. Il n’utilise pas un langage théologique pour te parler, sauf peut-être si tu es théologien ou théologienne. S’il venait te dire : « Moi, Dieu, je me différencie et m’individue comme objet transcendant, inassimilable aux éléments subjectifs ou objectifs du monde », je pense que, comme moi, tu ne comprendrais rien, et que ça ne te toucherait pas.

Dieu le sait, et il va te parler une langue que tu comprends. Le problème, c’est que nous ne l’entendons pas souvent nous parler. Et on a raison de se méfier de quelqu’un qui viendrait nous dire : « j’ai entendu Dieu me parler » !

Lire un article court de Marc Pernot sur cette question.

En fait, tout ceci est assez subtil. Et je ne peux pas donner de règles. Tout ce que je peux faire, c’est témoigner de ce que je vis. Et ensuite, c’est à toi de réfléchir à la manière dont ça se passe pour toi.

Comment Dieu parle-t-il ? Quelques exemples de relation directe

Quand j’estime que Dieu me parle, c’est souvent par le biais des coïncidences. Par exemple, je me souviens de cette fois où j’avais besoin de 80€ pour payer une facture imprévue. Je me suis rendu chez quelqu’un, et en me garant sur le parking devant sa maison, je descends de la voiture et je trouve 80 euros sous ma roue. Sous ma roue. En descendant de ma voiture. Le truc improbable. A ce moment-là moi j’ai vraiment envie de croire que c’est Dieu qui a pourvu à mes besoins.

Ou encore, je discute avec quelqu’un, et je sors une phrase de manière spontanée, qui peut-être n’a rien à voir avec la discussion, et qui touche le cœur de la personne. Une phrase qui bouleverse complètement sa manière de voir les choses. On pourrait dire que je suis sensible à l’autre, on pourrait dire que j’ai des dons de télépathie ou encore que je manipule tellement l’autre qu’il s’est laissé persuader que je disais quelque chose d’important… mais moi, à ce moment – et c’est lié à ma croyance – je me dis que c’est Dieu qui a mis ses paroles dans ma bouche.

Dernier exemple, et ça vous est sans doute déjà arrivé, je me promène dans la nature – en forêt, en montagne ou en bord de mer – et d’un coup je suis saisi par une immensité. Je m’émerveille de la beauté du lieu et de l’instant. Je me sens spectateur privilégié d’un truc que je n’arrive pas à définir. Là aussi, c’est un phénomène psychologique bien connu, mais à ce moment je vis quelque chose de très particulier avec Dieu. Peut-être avez-vous déjà vécu des choses de ce genre, on pourrait ajouter plein d’événements, comme quand on lit la Bible, ou qu’on écoute de la musique, etc.

Un exemple n’est pas un modèle !

Mais attention. Ce que je vis dans ces moments de proximité avec Dieu, c’est moi qui le vis. Je le vis parce que je suis qui je suis, et qu’au moment où je le vis, je suis sensible à ces choses. A d’autres moments je suis sensible à autre chose, voire même je ne suis sensible à rien !

Il serait complètement absurde que je te dise : si tu veux entendre Dieu, va en forêt ! Ou : si tu reçois de l’argent par un moyen inhabituel, c’est Dieu qui te parle ! Absurde. Il n’y a que toi qui puisse attribuer ça à Dieu ou pas. Parce que c’est une relation… personnelle ! Si Dieu ne t’a pas convaincu que c’était lui, ce n’est pas moi qui pourrais te convaincre ! On ne devrait pas calquer sur les autres le mode relationnel qui nous habite. A ce titre, je t’invite à lire (ou à relire) ce texte que j’ai écrit il y a quelques temps : la foi chrétienne est une mystique.

Une personne, pas un individu seulement

Enfin, si notre relation est personnelle, elle n’est pas individuelle pour autant. Nous nous influençons, lorsque nous sommes ensemble, et nous nous ouvrons à d’autres sensibilités et à d’autres manières d’être sensibles.

C’est là que nous voyons que nos prières peuvent être spontanées, ou qu’elles peuvent être réfléchies et écrites avant d’être dites, et qu’elles peuvent être lues aussi parce qu’elles ont été écrites par d’autres, voire même récitées. Nous pouvons nous servir des mots des autres pour porter nos propres prières, ou pour nous inspirer nos propres mots. Je connais des gens qui refusent absolument toute prière écrite ou récitée (il y a des chrétiens qui ne prient jamais le Notre Père par exemple), et je connais des gens qui ne prient jamais de manière spontanée.

Et vous savez quoi ?

Ça ne me dérange absolument pas !

Dieu n’est pas moins avec ces gens, et ces gens ne sont pas moins spirituels que moi !

Dieu désire que tu trouves ton style relationnel

Parce que, et je termine là-dessus, ce qui compte avant tout, c’est d’assumer notre vie spirituelle, dans une conscience libre devant Dieu.

Dieu, qui se fait tout à tous, Dieu qui rejoint le plus petit d’entre nous. Dieu qui s’incarne en chacun et chacune de nous, par son Esprit. Dieu, qui fait que nous sommes chrétiens, que nous sommes chrétiennes, et qu’en même temps nous portons des couleurs si différentes.

Eh quoi ?

Il y en a parmi nous qui aiment les épinards, et d’autres qui ne les aiment pas. Il y a des gens qui ne peuvent pas manger de crème fraîche parce que ça les rend profondément malades. Imaginez que Dieu nous dise : « je ne vous parlerai que si vous mangez tous des épinards à la crème ». Imaginez un Dieu qui ne prendrait pas en compte nos sensibilités. Un Dieu qui nous forcerait à être autre chose que ce que nous sommes.

Je vous le dis en vérité, nous avons de la chance d’être dans une Église protestante qui assume le fait que notre relation avec Dieu est une relation personnelle. Une Église qui refuse que quiconque serve d’intermédiaire entre Dieu est les êtres humains. Une Église qui rappelle que les pasteurs, les conseillers presbytéraux, les gens qui prient beaucoup, les gens qui font beaucoup de choses pour les autres, bref, qui refuse que les gens que nous voudrions élever en modèles soient des gourous.

Une Église qui te dit : va, et cultive ta propre relation avec ton Dieu, tel.le que tu es, librement.

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