La foi chrétienne est une mystique
Je me mets à genoux devant Dieu, le Père,
dont dépendent toutes les générations dans les cieux et sur la terre.
Je lui demande que, selon la richesse de sa gloire,
il fortifie votre être intérieur par la puissance de son Esprit,
et que le Christ habite dans vos cœurs par la foi.
Je demande que vous soyez enracinés et solidement établis dans l’amour ;
ainsi vous aurez la force de comprendre,
avec tous ceux qui appartiennent à Dieu,
combien l’amour du Christ est
large
et long,
haut
et profond.
Et vous connaîtrez alors son amour,
bien qu’il surpasse toute connaissance,
et vous serez ainsi comblés de toute la plénitude de Dieu.
À Dieu qui a le pouvoir de faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou même imaginons,
par la puissance qui agit en nous,
à lui soit la gloire dans l’Église et par Jésus Christ,
dans tous les temps et pour toujours !
Amen.
Ephésiens 3.14-21
Dieu s’expérimente.
La foi chrétienne est une mystique.
Ce terme (« mystique ») est compliqué, parce qu’on s’imagine les mystiques comme des êtres totalement déconnectés de la vie réelle, et on les prend pour des demi-dieux ou des demi-déesses. Voire pour des cinglé·e·s. Mais la mystique biblique est beaucoup plus simple et accessible que ce que notre imaginaire nous fait croire.
La mystique chrétienne c’est une vie en relation avec Dieu, tout simplement. C’est vivre la prière comme une prise de conscience de qui nous sommes à ses yeux. Être mystique, c’est vivre maintenant, aimer maintenant, être maintenant. C’est être présent dans la vie vivante et vivifiante. C’est être touché par le Dieu qui nous fait de plus en plus ressembler à lui-même, c’est-à-dire le Dieu qui fait de nous des êtres humains accomplis. C’est reconnaître que Dieu se rencontre toujours dans l’être humain, et qu’il est le fondement de l’être. En fait, c’est ça : vivre l’expérience de Dieu, c’est apprendre à connaître et à reconnaître notre « maître intérieur », à faire confiance à celui qui est le fondement de notre être.
Une mystique symphonique.
Il y a un truc qui peut paraître bizarre. C’est qu’en règle générale, quand on parle de mystique, ou d’expérience de Dieu, on parle d’une démarche plutôt individualiste. C’est la relation de moi avec Dieu.
Or, dans le cadre d’une vraie mystique, l’autre n’est jamais loin.
Dans un orchestre, chaque instrument a sa ligne de jeu musical. Selon les morceaux, les instruments peuvent jouer exactement les mêmes notes mais chacun avec ses sonorités particulières, mais ils peuvent aussi jouer des mélodies plus ou moins différentes, avec des rythmes plus ou moins différents, le tout étant que ça rende quelque chose d’harmonieux. C’est la partition qui va indiquer aux instruments la mélodie qu’ils doivent jouer. Chaque instrument a sa partition.
Écouter le Saint-Esprit, c’est une action individuelle. Mais dès que nous jouons notre partition au sein de l’orchestre, nous sortons de l’action individuelle, parce que nous sommes un orchestre. Et alors là, il nous faut apprendre à jouer avec les autres.
J’ai une perception du rythme qui n’est pas la même que celle de nos organistes. Il m’arrive de me tromper sur la durée d’une note. Et je dois apprendre à jouer ma partition de manière à ce que ce soit harmonieux avec les partitions des autres instruments. M’accorder avec les autres, ce n’est jamais nier qui je suis. C’est apprendre à ce que chacun et chacune trouve sa juste place dans l’expression de son unicité. C’est vrai pour la musique, mais c’est vrai pour tous les domaines de la vie.
S’ouvrir à la diversité.
La mystique du Saint-Esprit est une dynamique de relation. Cette expérience mystique est accessible à chaque personne, et même en-dehors de l’Église instituée. Cette mystique nous amène à laisser être celles et ceux qui ne partagent pas nos convictions, sans renoncer à l’unité de l’Église, sans renoncer même à l’unité du genre humain, voire de la Création tout entière. Parce que notre mystique nous permet de voir que Dieu, celui qui s’incarne en chaque être, est le seul maître.
Dans sa lettre aux Romains, Paul écrit :
Que celui qui mange de tout ne méprise pas celui qui ne mange pas de viande,
et que celui qui ne mange pas de viande ne juge pas celui qui mange de tout,
car Dieu l’a accueilli lui aussi.
Qui es-tu pour juger le serviteur d’un autre ?
Qu’il demeure ferme dans son service ou qu’il tombe, cela regarde son maître.
Et il demeurera ferme, car le Seigneur a le pouvoir de le soutenir.
Pour une personne, certains jours ont plus d’importance que d’autres, tandis que pour une autre ils sont tous pareils.
Que chacun soit bien convaincu de ce qu’il pense.
Celui qui attribue de l’importance à un jour particulier le fait pour honorer le Seigneur ;
celui qui mange de tout le fait également pour honorer le Seigneur, car il remercie Dieu pour son repas.
La personne qui ne mange pas de tout le fait pour honorer le Seigneur et elle aussi remercie Dieu.
Chacun, chacune, joue sa partition. Celui qui mange et celui qui ne mange pas peuvent vivre leur foi ensemble, pourvu que leur conscience soit au clair, et que l’autre soit laissé·e libre de manger ou de ne pas manger. Je vous invite à remplacer le verbe « manger » par autre chose, en fonction de la manière dont vous jugez les autres.
Il faut mettre un terme aux maîtres.
Le Saint-Esprit nous fait prendre conscience que nous ne sommes pas alignés, et ça nous rend tristes. Mais nous avons en même temps conscience que Dieu nous aime malgré tout et nous accueille sans nous condamner. Cette prise de conscience, c’est l’œuvre du Saint-Esprit en nous. C’est lui, et seulement lui, qui nous convainc de ces choses, nous n’avons pas besoin que quelqu’un nous avertisse de nos égarements. C’est pourquoi Jésus a dit à ses disciples : Ne vous faîtes pas appeler ‘maître’, car vous n’avez qu’un seul maître, et vous êtes tous frères. Le maître, c’est un agent qui se trouve à l’extérieur de nous et qui cherche à ce que l’individu se conforme à ses désirs. Et quand Jésus nous dit de ne pas jouer les maîtres, il montre que nous sommes tous et toutes tenté·e·s par le pouvoir. Nous voulons tous diriger la vie des autres.
Jésus nous enseigne aussi à ne pas avoir de maîtres. Et c’est là que ça devient intéressant. Nous n’avons qu’un seul maître, c’est Dieu en personne. Et sous son autorité, nous sommes ses disciples. Ce maître n’est pas comme les chefs de guerre ou les propriétaires d’esclaves. Notre maître est un dieu qui libère de l’esclavage et de l’oppression. C’est un dieu qui n’ajoute pas du poids au lourd fardeau de la vie que nous portons déjà. C’est un maître qui nous guide vers la liberté, et qui, petit à petit, au fur et à mesure que nous avançons dans notre relation avec lui, vient débarrasser notre être intérieur de ce qui l’encombre le plus.
Pour résumer, c’est un maître qui nous aide à comprendre qui nous sommes vraiment, et à respecter ce qui fait que nous sommes – toi et moi – des êtres uniques. Ce maître vient à notre rencontre, nous fait prendre conscience de notre chemin, et nous accompagne pour nous faire naître à nous-mêmes. Parce que ce maître veut non pas nous asservir, mais il veut être notre ami. Malheureusement, ce maître, ce Dieu, la religion nous a fait croire qu’il était extérieur à nous-mêmes. On imaginait Dieu au-dessus des nuages, le dieu-qui-voit-tout-et-qui-juge, menaçant, imposant à sa Création sa volonté suprême et sa loi. Un dieu extérieur, auquel il faut se soumettre.
Relisons maintenant le passage de la lettre de Paul aux Éphésiens qui se trouve au tout début de cet article. Je t’encourage à remonter le texte pour relire le passage, même si je sais fort bien que ce genre d’exercice est insupportable sur une page web, où tout doit aller très vite et être automatique. Mais c’est un exercice qui peut te faire du bien, là, maintenant. Il ne s’agit pas d’acquérir des connaissances, mais de progresser en compréhension spirituelle. Ce qui demande de prendre le temps de cheminer.
Maintenant que tu as (peut-être) relu le passage de la terre de Paul, je poursuis.
Paul indique que la puissance du Saint-Esprit fortifie notre être intérieur. Et que Christ habite dans nos cœurs par la foi. Il n’est pas question d’une puissance extérieure, mais d’une puissance intérieure.
Ce n’est pas un maître qui nous domine, c’est un maître qui fait partie de nous.
Dieu est le fondement de notre être. Il produit en nous le vouloir et le faire, ce n’est pas nous qui nous efforçons de faire le bien en nous empêchant de faire le mal : c’est Dieu qui change nos cœurs. La dynamique de la foi est là, le combat se passe dans la prière.
Si je n’avais pas de vie spirituelle, si je n’allais pas puiser à la source de mon être, alors oui, j’aurais besoin d’un maître extérieur qui me dise comment je dois me comporter, maître qui peut être la morale ou un directeur de conscience ou un père ou une mère. Mais Paul dit que les êtres spirituels n’ont pas besoin de ça. Le problème, c’est que depuis tout petit on nous apprend à obéir et à nous soumettre, mais on ne nous apprend pas à découvrir le fondement de notre être et à écouter sa voix. Pourtant, Jésus a dit : « mes brebis connaissent ma voix »… Est-ce qu’on apprend aux autres à entendre cette voix intérieure ? Savons-nous seulement l’écouter et transmettre ce savoir -faire ?
Puisque ce maître habite en chacun et en chacune de nous, nous n’avons pas besoin que quelqu’un nous dise quoi croire et quoi penser, ou comment nous comporter. C’est entre Dieu et nous que ça se passe. Bien entendu, nous ne sommes pas individualistes : nous ne nous désintéressons pas de ce que pensent les autres, parce que nous sommes un orchestre, mais ce que les autres pensent ne nous domine pas. Nous restons en relation, nous discutons, mais nous ne nous soumettons pas à la volonté des autres. Nous suivons la voix de notre berger, nous suivons le courant de notre source intérieure, et notre seul maître sait parler à ce qui fait que nous sommes uniques : il s’adapte à nos individualités et nous donne à jouer notre partition.
Et le pasteur dans tout ça ?
Et moi alors, en tant que pasteur, je sers à quoi ? A quoi servent les enseignements ?
Je suis celui qui, dans cette communauté, a pour mission d’aider les instruments à bien faire résonner leur partition, de manière harmonieuse. Comment ça s’appelle déjà ? Un… ah oui mince. Un « chef » d’orchestre. Tant pis, regardons la fonction et ne nous attachons pas à ce terme de « chef ».
Quand je prêche, je témoigne de ce qui se trouve au fond de mon cœur. Mais c’est toi qui écoute – ou pas.
C’est toi qui examine si ce que je dis est vrai pour ta vie – ou pas.
C’est la vérité du Saint-Esprit qui est en toi qui rend mes paroles effectives – ou pas.
Et si mes vérités s’accordent avec ta vie, alors seulement, tu apprends quelque chose. Ce n’est donc pas à mes paroles que tu te fies, mais aux paroles que le Saint-Esprit fait résonner en toi. Mon rôle est donc là : de débusquer les notes et les silences qui se trouvent écrites en toi. Et ce processus montre pourquoi on ne peut pas avancer seul dans la vie chrétienne. On a besoin de la communauté pour vivre notre relation personnelle avec Dieu.
Alors soyons rempli·e·s du Saint-Esprit et accueillons-le, lui seul, comme maître de nos cœurs. Déboulonnons les faux maîtres que nous nous sommes donnés, et refusons d’être les maîtres des autres. Soyons libres, par le Saint-Esprit, et laissons les autres libres de vivre leur expérience avec Dieu, même si nous ne la comprenons pas. Nous verrons que Dieu se débrouille très bien pour guider les autres sur leur propre chemin. Ayons la foi : faisons confiance à Dieu, qui sait prendre soin de ses enfants.
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