Pentecôte, ou l’Esprit de la paix

25 mai 2021Lionel Thébaud

Un jeune garçon demande un jour à son rabbin :
– Rabbi, rabbi, pourquoi les êtres humains sont-ils tous si différents ?
Le rabbin répond :
– Parce qu’ils sont tous à l’image de Dieu.

Dans la tradition chrétienne, la fête de la Pentecôte nous parle de la naissance de l’Église. Moi, cette année, ça me parle plutôt de la manière dont Dieu établit la paix dans nos relations, malgré nos différences.

Nous avons l’habitude, pour Pentecôte, de lire le récit qui se trouve dans le deuxième chapitre des Actes des apôtres. Que s’y passe-t-il ?


Jésus est mort. Il est mis au tombeau. Puis le tombeau est trouvé vide.


Jésus apparaît en tant que ressuscité à ses disciples, puis à d’autres gens. Et Luc, en écrivant son évangile ainsi que le livre des Actes, nous dit que Jésus, au bout d’un moment, s’en va dans les airs, c’est l’ascension.

Quelques jours après, c’est la fête de la Pentecôte, il y a plein de monde dans les rues de Jérusalem, parce que Pentecôte, ça veut dire cinquantième : c’est une fête qui a lieu 50 jours après la fête de la Pâque juive. Dans le judaïsme ancien, il s’agit d’une fête agricole qui célèbre les moissons. Ce n’est que vers le 2è siècle avant notre ère que les Pharisiens en ont fait la fête du don de la torah – c’est-à-dire l’épisode où Moïse reçoit les commandements sur le mont Sinaï.

Il y avait donc des Juifs qui venaient de partout pour cette fête, et 120 disciples – dont Marie, la mère de Jésus, ainsi que d’autres femmes – sont réuni·e·s dans une pièce, à l’étage d’une maison. Peut-être fêtent-ils Pentecôte à leur manière. Et d’un coup, ils entendent comme le bruit d’un vent violent qui remplit l’endroit où ils sont. Et ils voient, sur la tête de chaque personne présente, comme des langues de feu.

Les rédacteurs de ce récit ont essayé de trouver des mots pour décrire une expérience spirituelle, mais ce n’est pas facile de rendre par des mots ce type d’expérience. On nous dit alors qu’ils ont tous été remplis de l’Esprit Saint et qu’ils se sont mis à parler dans d’autres langues que leur langue maternelle, « selon ce que l’Esprit leur donnait d’exprimer ».

Dans Jérusalem il y avait plein de gens, des gens qui venaient d’ailleurs, pour la fête de la Pentecôte. C’étaient des Juifs de la Diaspora : il en venait de Mésopotamie, de Judée, de Rome, de Lybie, d’Arabie, de Babylone, d’Égypte, bref de partout.

Et ces gens ont entendu le bruit du vent violent. Ils se sont assemblés en foule, et là, surprise ! Ils entendaient les disciples parler dans la langue du pays d’où ils venaient. Alors forcément, ils ne comprenaient pas ce qui se passait. Il y a ceux qui s’étonnaient, et ceux qui se moquaient en disant que les disciples étaient soûls. Et là, Pierre s’est mis à prêcher à la foule, et il y a eu beaucoup de gens qui se sont mis à croire à la bonne nouvelle de Jésus-Christ.

Voilà comment le livre des Actes nous raconte l’histoire de la venue du Saint-Esprit sur les disciples.




La réception de l’Esprit.


Pour les premières communautés chrétiennes, la Pentecôte marque la réception du Saint-Esprit par les croyants. C’est le livre des Actes qui indique que l’événement a lieu lors de la fête de la Pentecôte – mais les évangiles et les lettres ne le précisent pas. En Jean par exemple, Jésus apparaît à ses disciples, après avoir rencontré Marie-Madeleine, le soir du dimanche de Pâques. Citation :


Le soir de ce même dimanche, les disciples étaient réunis dans une maison.
Ils en avaient fermé les portes à clé, car ils craignaient les autorités juives.
Jésus vint et, debout au milieu d’eux, il leur dit :
« La paix soit avec vous ! »
Après ces mots, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus répéta :
« La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. »
Après cette parole, il souffla sur eux et leur dit :
« Recevez l’Esprit saint !
Ceux à qui vous pardonnerez les péchés seront pardonnés ;
ceux à qui vous refuserez le pardon ne l’obtiendront pas. »

Jean 20.19-23


Le Jésus ressuscité souffle sur eux, en disant : « recevez le Saint-Esprit ». On n’attend pas la fête de Pentecôte ici, ni même l’ascension. Avec le don du Saint-Esprit, les croyant·e·s sont devenu·e·s – individuellement, bien sûr, mais surtout collectivement – une habitation de Dieu, par son Esprit.

Le Saint-Esprit nous permet d’être en communion avec Dieu, ce qui ne fait pas de nous des êtres extraordinaires, mais des gens rendus sensibles à la volonté de Dieu, avec un cœur qui veille à ne pas se laisser durcir par les pressions de la vie. Cette année je veux mettre l’accent sur la paix que produit le Saint-Esprit.




La paix avec Dieu.


D’abord, tu es en paix avec Dieu.

Jésus arrive dans le lieu où sont rassemblés ses disciples et il les salue : Shalom, la paix soit avec vous. Et il répète : la paix soit avec vous. Parce que c’est important.

Paul nous dit : « par le Christ, Dieu agissait pour réconcilier le monde avec lui, sans tenir compte des fautes humaines » (2 Corinthiens 5.19). Voici ce que c’est que l’annonce de la grâce : Dieu a établi la paix entre le monde et lui-même.

Nous qui sommes injustes et injustifiables, parce que nous ne faisons pas le bien que nous voulons et que nous faisons le mal que nous ne voulons pas faire, il nous a rendus justes à ses yeux, en refusant de faire le compte de ce que nous ratons. Au contraire, il nous ouvre les yeux sur nos échecs, et il nous relève, en nous accompagnant sur notre chemin. Petits pas après petits pas. En respectant notre rythme, mais en nous faisant avancer.

Paul, sans sa lettre au Romains, chapitre 5, écrit :


Nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ.
Par Jésus, nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement…
Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui.

En cette fête de Pentecôte, il est temps de réaliser combien Dieu a fait la paix avec nous. Profitons-en pour nous demander si nous avons confiance en Dieu. Croyons-nous vraiment que nous sommes dans une relation paisible avec Dieu ? Est-ce que nous ne sommes pas parfois en train de nous demander si Dieu ne nous punit pas ? S’il n’est pas en colère contre nous ? Avons-nous reçu l’assurance d’avoir été pardonnés ?

Si ce n’est pas le cas, il peut être bon de prendre le temps d’y réfléchir, chez vous, et pourquoi pas d’en discuter avec votre pasteur.



Être en paix avec soi-même.


Ce qui découle de la paix avec Dieu, c’est quand-même le fait d’être en paix avec soi-même.

Les lettres de Paul, qui nous expliquent comment nous avons été invité·e·s à des relations pacifiées avec Dieu, ont pour objectif de faire cesser notre angoisse d’être désapprouvé·e·s par lui. Il nous dit en gros : « ce n’est pas la qualité ou la quantité de ce que tu fais qui importe. Que tu réussisses ou que tu échoues n’enlève rien à l’amour que Dieu te porte. Si tu réussis tu ne seras pas plus aimé de Dieu. Si tu échoues tu ne seras pas moins aimé. »

Ce message de la grâce est vraiment une bonne nouvelle.

Ce n’est pas la récompense qui nous pousse à faire de bonnes œuvres. Et nous ne sommes pas en compétition avec les autres. Nous pouvons être nous-mêmes, et nous pouvons donner le meilleur de nous-mêmes sans avoir à nous demander si ça suffira pour contenter Dieu.

Dieu ne cherche pas la performance, il cherche des cœurs sincères et humbles.

Il cherche des cœurs transformés par son Esprit.

Il cherche des cœurs qui ne dominent pas les autres, et qui ne se laissent pas non plus écraser.

Il cherche des êtres qui se tiennent debout, en toute simplicité.



La paix avec les autres.


Enfin, je veux parler de la paix avec les autres.

Regarde bien ce qui se passe dans Actes 2. Des gens de toutes les langues connues des communautés juives de l’époque sont là. Des gens qui entendent la bonne nouvelle dans leur langue. Des gens qui viennent de partout pour faire la fête. Et si Pentecôte est bien une fête juive (Shavouot), le Saint-Esprit a une vocation universelle qui réunit les différences. Ça c’est pour le livre des Actes.

L’évangile selon Jean fait le lien entre la réception du Saint-Esprit et le pardon : « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés seront pardonnés », dit Jésus après avoir soufflé sur ses disciples.

Pardonner les péchés ! Rien que ça ! Le truc impossible à faire – on ne peut pas pardonner le mal que l’on nous fait – Dieu le rend possible en faisant habiter son Esprit en nous. Dieu nous donne le choix de vouloir pardonner ou de ne pas vouloir pardonner. C’est entre nos mains, ça, de vouloir ou de ne pas vouloir pardonner. Imaginez un monde où Israéliens et Palestiniens se mettaient à vouloir se pardonner mutuellement…

Bien sûr que l’histoire est impardonnable ! Mais ce n’est pas la question. La question c’est : jusqu’à quand va-t-on entretenir le cercle de la violence ?

Voilà ce que produit le Saint-Esprit : il produit le vouloir pardonner.

Il produit le désir de rétablir des relations saines entre les gens, parce qu’il produit le désir de vivre dans une paix véritable.

L’autre n’est pas à considérer comme un ennemi : il est un autre moi, avec lequel je dois apprendre à vivre et à dialoguer. Après, si l’autre ne veut pas être en paix avec nous, c’est une autre histoire. Nous sommes invité·e·s à être des artisans de paix.

Je cite Paul en 2 Corinthiens :


Nous ne considérons plus personne d’une manière purement humaine…
Si quelqu’un est uni au Christ

[ATTENTION ! on parle de toi, là, pas de l’autre !]
il est une nouvelle création…
Cette réalité nouvelle vient de Dieu, qui nous a confié la tâche d’en amener d’autres à la réconciliation avec lui.
Il nous a établis pour annoncer cette œuvre de réconciliation que Dieu a opérée avec le monde.
Nous sommes donc des ambassadeurs envoyés par le Christ.


Et en Romains, Paul nous rappelle que cette espérance ne nous déçoit pas. Pourquoi ? Parce qu’il a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit Saint qu’il nous a donné.




Un message de Pentecôte inhabituel.


Drôle de message de Pentecôte pour moi !

J’ai l’habitude d’entendre des messages qui parlent du miraculeux, de l’extraordinaire, du caractère violent et spontané du souffle de Dieu. Mais cette année, le Saint-Esprit nous prend là où nous ne l’attendions pas. Et ça tombe bien puisque Jean, encore lui, nous livre une parole étrange à propos du Saint-Esprit.

Ça se trouve dans cet épisode où Jésus parle à Nicodème de la nouvelle naissance, qui est une manière d’exprimer la réception de l’Esprit Saint. Jésus dit :


L’Esprit, comme le vent, souffle où il veut ;
tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d’où il vient, ni où il va.
Voilà ce qui se passe pour toute personne qui naît de l’Esprit de Dieu.

J’espère que nous entendrons l’appel du Saint-Esprit et que nous allons progresser dans la paix.

Dans la relation que nous entretenons avec Dieu, dans la relation que nous avons avec nous-mêmes, librement, et dans les relations que nous tissons avec les autres.

J’espère surtout que nous, en tant que communauté chrétienne, nous parviendrons toujours à dire nos différences et à travailler ensemble avec ces différences. Qu’en agissant ainsi nous arriverons à accueillir les personnes qui, comme nous, sont en recherche d’autre chose, d’un autre style de vie et d’un autre style de relations. Que notre communauté sera capable d’être ouverte sur le monde pour influencer la manière dont les gens vivent ensemble en paix. Car Paul dit, en Romains 14.17 :


Le règne de Dieu n’est pas une affaire de nourriture et de boisson ;
[sous-entendu, le royaume n’a rien à voir avec ce qu’on a le droit de manger ou pas]
il consiste en la justice, la paix et la joie que donne l’Esprit Saint.


Soyons remplis du Saint-Esprit, et pratiquons la justice, la paix et la joie.

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