Quelque chose vient…
Quelque chose vient. C’est comme une menace, comme un énorme bouleversement. Mais c’est comme une espérance aussi.
Nous aspirons à ce que tout soit changé, mais nous avons peur que tout change. Nous savons ce qui nous fait souffrir, mais que se passera-t-il si la cause de nos souffrances disparaissait ? Ce que nous ne connaissons pas nous fait peur, ce que nous ne pouvons même pas imaginer nous angoisse. Nous voudrions que le Royaume vienne, mais en même temps nous ne sommes pas pressés. Parce que nous avons peur de perdre tout ce que nous apprécions, peur de perdre notre confort, nos sécurités et nos assurances.
C’est normal d’avoir peur.
C’est normal d’hésiter, quand nous entendons parler du Royaume.
Nous avons tant de fois été trompés, roulés, moqués que nous ne voulons plus passer pour des crétins. Nous nous méfions. C’est normal.
Des rumeurs d’apocalypse
Le texte de Marc 13 (et notamment les versets 33 à 37 – merci de faire une pause et d’aller le lire ici) décrit la désolation dans laquelle se trouve le monde, et on entend des accents terribles, comme « attention, c’est bientôt la fin ! », « il va y avoir de grands malheurs, nation contre nation, royaume contre royaume, tremblements de terre, famines, et ce ne sera que l’apéritif ! », ou encore « prenez garde à ce que personne ne vous séduise ! », « préparez-vous à fuir ! », « le soleil va s’obscurcir, la lune ne brillera plus, les étoiles tomberont du ciel et les cieux seront ébranlés », « alors le Fils de l’homme viendra, on le verra dans la puissance et dans la gloire ».
Que ressentez-vous, en lisant cela ? Un malaise, non ?
Nous ne voulons pas entendre ce message. Nous ne voulons pas faire face à nos angoisses, d’autant que ces choses, là, on ne comprend pas très bien ce qu’elles veulent dire. Parce qu’après tout, chaque situation historique ressemble à ces choses. Dès qu’une guerre éclate, on a ces passages en tête. Dès qu’une catastrophe naturelle survient, on pense à ces versets. On peut les appliquer à chaque fois qu’un malheur nous arrive, individuellement ou collectivement. A chaque fois que la maladie ou la mort survient, à chaque fois qu’une rupture arrive, à chaque fois que tout s’écroule autour de nous… et pourtant, ce n’est toujours pas la fin.
Et là aussi, les paroles de Jésus sont à la fois claires et ambiguës : « ce ne sera pas encore la fin ». Le fils de l’homme est proche, il est à vos portes, mais il n’est pas encore là. C’est un suspense intenable, et il semble qu’au final il n’arrive jamais pour mettre le mot fin au dernier chapitre du grand livre.
Un évangile rose bonbon ?
On pourrait désirer un évangile propre. Vous savez, un évangile qui soit vraiment une bonne nouvelle, c’est-à-dire dans lequel on ne trouverait aucune parole angoissante, rien que des paroles chaudes, douces et sucrées, quelque chose qu’on puisse fièrement présenter à nos contemporains pour leur dire : « regardez, dans ce livre il n’y a que de la bonté et de l’amour, c’est du pur jus de love ».
Mais non, visiblement ce n’est pas ainsi que l’évangile prétend être une bonne nouvelle.
L’Évangile est une bonne nouvelle, mais pas pour tout le monde. L’Évangile est une bonne nouvelle pour celles et ceux qui reconnaissent qu’ils ne sont jamais assez, ou qu’ils ne font jamais assez. Pour celles et ceux qui se savent imparfaits, incomplets, pour celles et ceux qui sont conscients qu’il leur manque… qui sont pauvres, spirituellement.
Mais pour celles et ceux qui croient qu’il ne leur manque rien, l’Évangile ne peut pas être une bonne nouvelle. L’Évangile est la révélation de leurs manques, et c’est une très mauvaise nouvelle. Si l’Évangile était propre, il ne comporterait pas ce truc qui pique un peu, et qui dit : « tu n’es pas comme tu le prétends. Tu n’es pas la personne que tu voudrais être ».
Au cœur de la bonne nouvelle se trouve un descriptif de la réalité qui nous fait froid dans le dos : il y a de la violence dans le monde, il y a de l’oppression, des ténèbres, et Dieu combat le mal de manière active.
Le temps des crises
Le chapitre 13 de l’Évangile selon Marc est une bonne nouvelle pour un temps de crise. Car ce n’est pas le temps des cerises que nous traversons, c’est le temps des crises. Donc cet évangile devrait nous parler aujourd’hui.
D’abord, ce chapitre nous encourage à persévérer malgré les difficultés. Puis lorsque la machine s’emballera – car ne te fais pas d’illusions : la machine va s’emballer, c’est inévitable – prépare-toi à fuir. Est-ce que tu as pensé à te préparer ?
Le maître de la maison est parti, et il a confié le soin de sa maison à ses serviteurs. Il a confié à chacun son travail. La maison, c’est quoi ? Qui sont les serviteurs dont il parle ? Quel est le travail qui est confié ? C’est pas simple. De la même manière, il établit des gardiens de la porte, des portiers, dont le rôle est de veiller. A qui ce rôle de veilleur s’adresse-t-il ? Le texte n’est pas très clair.
Ce qui vient est comme…
« Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne les connaît, le Père seul le sait. (…) Ce sera comme lorsqu’une personne part en voyage : elle quitte sa maison et en laisse le soin à ses serviteurs ».
Il ne s’agit pas de trop focaliser sur les serviteurs et les gardiens. Il faut se focaliser sur le fait que ce qu’on attend viendra sans qu’on sache quand ça viendra. C’est ça, la pointe du message, qui est une parabole. La surprise. Pas forcément agréable, d’ailleurs.
L’important, c’est de veiller, afin de ne pas être surpris en train de dormir. Vraiment, c’est une image que je n’aime pas, parce que mon être a besoin de repos. Parce que le repos fait partie de la vie. Et parce que je déteste qu’on me mette la pression. Je me la mets déjà assez tout seul.
Quand je regarde le mot « veillez », en grec, c’est exactement le mot qui est utilisé pour dire la résurrection. Ça, ça change un peu la perspective. Jésus ne me demande pas de courir partout et de me préoccuper de tout, il ne me demande pas de ne pas prendre du repos, il me demande d’être ressuscité, d’être relevé, de me tenir debout.
Il me demande de ne pas m’endormir, de ne pas m’assoupir, d’être réveillé.
C’est une parabole, donc c’est une image. Ça ne parle pas de mon corps ou de ma fatigue, ça me parle de la foi qui m’habite. Il me demande de garder une foi active, et d’entretenir la foi. Il me demande de vivre en tant que ressuscité, en tant qu’être éveillé, réveillé, qui ne s’assoupit pas.
Si Dieu t’offre le salut, ce n’est pas pour t’endormir et te bercer d’illusions. C’est pour faire une différence dans ce monde.
L’égarement
Le texte nous prévient donc de ne pas nous laisser égarer. Vous entendez les sirènes de ceux qui vous promettent d’échapper aux malheurs ?
Ça dit : « n’y pensez pas et ça n’arrivera pas » ! Ne vous laissez pas égarer.
Ça dit : « il faut que tout le monde pense pareil et tout ira mieux ». Ne vous laissez pas égarer.
Ça dit : « le problème c’est les étrangers ! » Ne vous laissez pas égarer.
Le Seigneur nous dit de veiller. Ne nous laissons pas endormir par les discours charmeurs des vendeurs de rêve. N’arrêtons pas de travailler à vivre la grâce, dans notre quotidien. Ne nous reposons pas sur nos lauriers. L’Évangile nous invite à prendre notre garde, pendant la nuit, et à être sans cesse tendus vers le Christ.
Personne ne sait de quoi demain est fait. Peut-être que tout sera comme avant. Ou bien que tous nos problèmes trouveront une solution. Peut-être que ce que nous vivons aujourd’hui comme des problèmes nous paraîtra dérisoire et que des problèmes plus costauds surgiront. On n’en sait rien.
Il ne sert à rien de spéculer ou de se casser la tête sur l’avenir : à chaque jour suffit sa peine. En fait, il faut regarder aujourd’hui et vivre notre foi aujourd’hui.
Ce n’est pas simple, dans une société où il faut tellement tout planifier qu’on ne rêve que d’une chose, c’est de nous décharger de notre responsabilité. Mais Jésus nous le dit : nous devons veiller. Nous devons nous préparer. Dans la prière et dans l’action concrète.
Veillez et priez
Veiller dans la prière, c’est poser notre vie devant Dieu.
Notre vie est en Dieu et jamais nous ne pourrons tomber ailleurs que dans les mains de Dieu. Si j’ai de la valeur, ce n’est pas en vertu de ce que je suis ou de ce que je fais. Ce n’est pas non plus en vertu de la valeur que je me construis avec mes petits bras musclés.
Si j’ai de la valeur, c’est à cause du regard que Dieu porte sur moi. Il m’aime, je suis son enfant, et c’est ce qui fait que j’ai de la valeur. C’est valable pour moi, c’est valable pour toi, c’est valable pour lui, pour elle, pour nous et pour vous.
Notre vie est en Dieu, et nous devons passer du temps à vivre cette vie spirituelle. Nous devons y veiller ardemment, pour nous ancrer dans l’amour de Dieu.
Attendre ce quelque chose qui vient
Certains croient que c’est la fin du monde qui vient. D’autres croient que le Messie vient. D’autres encore croient que Jésus revient. Ou que la paix universelle vient. Ou que le fascisme revient. Bref, nous ne savons pas ce qui vient, mais nous l’attendons.
Mais nous savons que Jésus est déjà venu. Nous ne sommes pas au théâtre, nous ne faisons pas semblant. Nous attendons que Dieu réalise son royaume en nous.
Le fils de l’homme, quand il vient, ne vient pas seul. Il vient avec des troubles et des perturbations. Lui-même vient perturber la mécanique si bien huilée des toutes les oppressions et de tous les systèmes qui ne s’embarrassent pas de la complexité humaine. Il vient avec un jugement sur nos œuvres qui sont nulles devant lui. Il vient avec une parole qui nous déloge et nous met dans l’embarras. Parole qui, une fois que nous l’acceptons, devient bonne nouvelle pour nous.
Je vous invite à reprendre l’habitude de la prière personnelle. A reprendre l’habitude de lire nos textes et de les étudier avec d’autres. De vous laisser réveiller par ce que les textes nous disent.
Nous pouvons nous préparer, en veillant et en priant. Ainsi, l’Évangile en nous pourra résister quand l’épreuve surviendra.
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