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Comment je suis devenu pasteur (3)
En 2021, je vous avais livré deux articles qui racontaient comment je suis devenu pasteur. Dans le premier, j’évoquais surtout ma vie d’Église, et dans le second, ma vie professionnelle. Chose promise, chose due, me revoici avec la formation des pasteurs pour sujet.
Critique de la formation des pasteurs
Depuis quelques années, j’entends beaucoup de gens se plaindre de la formation des pasteurs. Chacun y va de son petit couplet, bien entendu. Voici pêle-mêle ce que j’entends, parfois dans des bouches différentes, parfois dans les mêmes bouches. Il y en a pour tous les goûts.
- La formation des pasteurs est beaucoup trop longue. Il faudrait pouvoir les former plus rapidement.
- La formation des pasteurs est trop intellectuelle. Ils manquent de sens pratique.
- Nous n’avons pas besoin de théologiens, mais de personnes qui savent animer des réunions / organisent la vie de l’Église / visitent les paroissien·ne·s / font le culte tous les dimanche / connaissent bien le fonctionnement de l’Église protestante unie de France / représentent notre paroisse auprès des instances républicaines / dirigent la paroisse / fassent tout ce qu’il y a à faire dans la paroisse…
- Quand les proposants débarquent, ils ne connaissent rien à la vie d’une paroisse.
- Il faudrait que les pasteurs puissent faire leur master en alternance.
- Quand ils arrivent en paroisse, les pasteurs ne savent même pas ce que ça veut dire, être pasteur.
- La formation des pasteurs n’est vraiment plus adaptée aux besoins de notre Église.
Ces réflexions (il en manque, mais je me méfie des listes à la Prévert) ne sont pas toujours dénuées de fondement, mais j’aimerais vraiment qu’on sorte des approximations afin qu’on sache exactement de quoi on parle, et qu’on réfléchisse un peu au problème de fond qui se pose, concernant la formation des pasteurs. Je vais donc parler de mon expérience de formation, avant de donner mon avis sur la question. Peut-être que ce point de vue tout personnel pourra apporter une petite lumière à cette question. Peut-être pas. A vous d’en juger.
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Reprendre ses études
Je me suis donc inscrit à la faculté de théologie protestante de Strasbourg, dans un cursus de licence à distance. Pourquoi ce choix ? Parce que je ne connaissais aucune autre faculté de théologie protestante qui délivre un diplôme reconnu par l’État. Et que ce diplôme, il me le fallait si je voulais changer de métier. J’ai appris bien plus tard qu’il existait une deuxième faculté (l’IPT, dont je parlerai tout-à-l’heure), qui – grâce à un accord avec l’université de Strasbourg – délivrait une reconnaissance de diplôme.
Mes 3 années de licence à distance convoquent chez moi des souvenirs mitigés. D’abord, pour le côté « positif », je peux dire que le fait de reprendre mes études était vraiment très stimulant. J’ai appris beaucoup de choses dans un domaine qui me fascine depuis longtemps (l’étude de la Bible et de ce qui est relié à l’univers biblique). J’ai appris à me débrouiller avec l’hébreu et le grec ancien, j’ai découvert que la théologie, c’était un univers qui était en dialogue avec les autres départements scientifiques (histoire, linguistique, sociologie, philosophie, etc.) et que la manière dont je remettais en question l’historicité des récits bibliques était justifiée – mais que je n’avais pas les outils pour les penser de manière scientifique.
Étudier à distance, c’est une vraie chance, quand on recommence un cursus d’études à 38 ans. Comme il est en général impossible de financer une telle démarche, c’est une modalité qui permet d’étudier tout en continuant son activité professionnelle. Une semaine par an je devais me rendre à Strasbourg, en fin d’année universitaire, pour passer des examens. C’était l’occasion de rencontrer le personnel enseignant, ainsi que d’autres étudiant·e·s. Pour moi, ces rencontres étaient des moments forts.
L’endurance…
Il faut dire – j’en profite pour aborder les côtés négatifs – que les études à distance sont éprouvantes. D’abord, le rythme : pour réussir ses études, il faut vraiment s’y mettre. Je me levais le matin, la tête dans les bouquins, puis j’allais travailler (j’étais jardinier municipal). Sur le temps du repas de midi, j’emportais un truc à manger, et « confortablement » installé dans ma bagnole, j’étudiais pendant une heure, avant de reprendre le boulot. Je finissais ma journée, puis m’installais à mon bureau pour passer ma soirée et une partie de mes nuits la tête dans mes cours. Le week-end, je ne comptais pas mes heures. Je crois que j’avais calculé qu’en moyenne, je passais 70 à 90 heures par semaine à étudier, en plus de mes 35 heures de boulot. Et ça, si c’était incroyable en terme de plaisir intellectuel, c’était éprouvant, physiquement et mentalement. J’aurais pu fournir moins d’effort je crois, en faisant l’impasse sur certaines matières.
Les études à distance, donc, c’est très bien, mais il y a des manques. Par exemple, on n’a pas toujours accès à une bibliothèque théologique à proximité de chez soi. Autant vous dire qu’à Quimper, on trouve une bibliothèque catholique (qui est très bien fournie, mais en théologie catholique, évidemment !) et puis c’est tout. Il faut acheter des ouvrages, et être en relation avec des personnes qui sont d’accord de nous prêter ou de nous scanner des articles pour avoir accès aux informations. On y passe beaucoup de temps et il n’est pas évident de nouer des relations à distance, pour des personnes de ma génération.
L’isolement…
La relation avec les enseignant·e·s n’est pas simple non plus. Spéciale dédicace ici à Madeleine Wieger et Regine Hunziker-Rodewald pour le temps qu’elles ont pris pour m’accompagner durant cette licence, par échanges de mails, en visio et au téléphone. Je ne nommerai pas celles et ceux qui daignaient tout juste répondre aux mails (sur le ton méprisant qui convient pour me faire comprendre que j’étais stupide de faire ces études à distance…). Et la moyenne des profs échangeaient peu, ce qui se comprend, car leur temps disponible est très limité. Donc la difficulté que je pointe du doigt ici, c’est que la relation avec les enseignant·e·s – qui est quelque chose de très important quand on suit des études – est difficile, quand on se trouve à l’autre bout de la France.
La relation avec les autres étudiant·e·s aussi, d’ailleurs. On sympathise beaucoup plus lentement, et les liens s’en ressentent. Les dynamiques de convivialité, de sympathie, d’entraide et de réflexion (réfléchir ensemble, ça fait vraiment partie des études) sont très peu présentes, si on ne vit pas nos études sur le campus. Au fond, je me suis rendu compte que les études à distance c’est très bien pour ce qui concerne l’acquisition de connaissances et de diplômes, mais qu’en terme de relations et de formation complète, c’est lacunaire. Ceci est d’autant plus vrai que le domaine de la foi nécessite le développement des relations. Or, on apprend surtout à se débrouiller sans les autres. On se confronte à des idées de personnes qui ont écrit, mais qui ne dialoguent pas avec nous. On est isolé. Quand j’allais dans mon bureau, je disais que j’allais « dans ma grotte », c’est dire ce que j’éprouvais.
Encore de la fatigue…
Enfin, la semaine de regroupement, qui était vraiment stimulante, pour le coup, en terme de relations, était excessivement épuisante pour moi. Les longs trajets et le manque de temps pour me poser et me ressourcer abîment considérablement ma santé. Comme mes congés n’étaient pas des temps de repos, mon corps a accusé une perte d’énergie incroyable, et je sais que je ne la récupérerai jamais. Je devais bien évidemment prendre une semaine de congés pour m’y rendre (pas de repos pour Lionel Thébaud). Payer le trajet (Quimper-Strasbourg, c’est amusant), payer le logement pour une semaine, payer mes repas… c’est un coût financier que je n’avais pas anticipé en m’inscrivant à la fac ! Et l’intensité de cette semaine annuelle était vraiment épuisante.
Mon mémoire de licence a sans doute été le projet le plus passionnant de ces trois années. J’ai travaillé sur l’interdit des idoles dans le Décalogue, avec Regine Hunziker-Rodewald, et j’étais passionné par ce que je faisais. Là encore, je ne comptais pas mes heures, plongé que j’étais dans les textes en hébreu, dans les commentaires et dans mes entretiens avec ma directrice de mémoire.
Bon, j’imagine que d’autres ont vécu ces choses différemment, peut-être que je m’investissais trop, émotionnellement et physiquement, mais je n’ai jamais su faire autrement. Je garde un bon souvenir de cette licence, malgré ces quelques lignes, parce que le gain que j’en retirais me semblait bien supérieur aux désagréments. Néanmoins, je sais bien, aujourd’hui, que cumulé à ce que j’avais déjà vécu avant au travail et dans d’autres circonstances de ma vie, ça a accéléré un processus de dégradation du corps (on appelle ça un vieillissement précoce, je crois) qui est irréversible.
J’ai déjà évoqué la maladie professionnelle. J’aurais pu profiter de cet événement pour me limiter à mes 70-90 heures d’études hebdomadaires. Or, je l’ai vu comme une occasion d’étudier plus. J’ai remplacé mon temps de travail par du temps d’études. Je n’ai pas été très raisonnable.
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Le master
Entre temps, j’ai découvert qu’il existait une faculté de théologie protestante à Paris : l’IPT. Je n’avais pas envie d’y aller, parce que je voulais poursuivre à Strasbourg : même si j’avais à cœur de devenir pasteur, je voulais un master reconnu par l’État, ce que l’IPT ne pouvait pas m’offrir. Cependant, la réalité m’a rattrapé : poursuivre mes études impliquait de m’y engager à temps plein. Pas de master à distance. Et l’accès à une bibliothèque théologique était indispensable pour le master. Il me faudrait donc déménager pour suivre ces études en présentiel. Mais pour ça, il fallait que je démissionne. Et ça, ça posait la question du financement de mes études – car je vivais avec femme et enfants.
J’ai négocié avec mon employeur – une mairie – qui avait mis en place des dispositions pour mieux se séparer de ses fonctionnaires. Pour moi, ça tombait bien. Le marché était le suivant : je donnais ma démission et je partais avec deux années de salaire. En contrepartie, je ne retournais pas travailler dans la fonction publique pendant 5 années. Si je ne respectais pas le contrat, je devais rembourser mes deux années, bien sûr. Ce qui excluait de facto une prise de fonction dans le ministère pastoral en Alsace – ce qui m’aurait bien tenté. En effet, les ministres en Alsace dépendent du ministre de l’Intérieur et sont assimilés à des fonctionnaires, en raison du Concordat. Je devais me résoudre à viser le ministère au sein de l’Église protestante unie de France.
C’est pour ces raisons que je me suis inscrit en master à l’IPT. Et c’était une très bonne chose pour moi, au final. J’ai effectué beaucoup de démarches pour pouvoir assurer la réussite de ces études, et ce n’était vraiment pas simple. Tout d’abord, j’ai demandé à bénéficier d’une bourse d’études qui me permettrait de suivre le cursus sans avoir à m’inquiéter de la douloureuse question financière. J’en parle ici, avec Emeline Daudé : attention, c’est ma toute première video et je suis mort de trouille ! Ça date de 2019…
La terre tremble
Donc cette demande d’aide a été un facteur de stress immense pour moi – on n’imagine pas le chamboulement que ça a été. Le timing qui était le mien – en prenant en compte le préavis que je devais respecter pour donner ma démission ainsi que les modalités de rencontre avec la Commission des Ministères de l’EPUdF – faisait que j’ai dû sauter dans le vide : j’ai donné ma démission sans avoir l’assurance que mes études seraient financées.
Quand j’ai rencontré la CDM pour leur exposer mon projet de suivre un master en théologie, dans l’optique d’être pasteur, c’était vraiment impressionnant : l’entretien se fait devant 10 personnes, qui évaluent si, oui ou non, on a le profil recherché. Trajet Quimper-Paris en train, fatigue, stress, entretien type « entretien d’embauche », ma théologie n’était pas très assurée, mon projet me semblait fou, ma prise de risque énorme, bref, ça n’allait pas du tout.
Je suis ressorti de l’entretien avec la sensation que mon cœur était devenu liquide. Avec le sentiment d’avoir tout perdu. D’avoir agi de manière inconsidérée. Mais vous le voyez : la CDM a validé mon projet !
En parallèle, il me fallait trouver un logement sur Paris, pour moi et ma petite famille. C’est la paroisse du Vésinet qui m’a installé dans une maison, adjacente au temple, dans laquelle il y avait eu auparavant une personne chargée d’effectuer le gardiennage et l’entretien des locaux, en échange d’un loyer de 400€ mensuels et de services rendus. C’était un énorme changement de paradigme pour une famille qui n’avait jamais quitté le Finistère. Je ne vous décris pas les galères, il y aurait de quoi écrire un roman.
La joie des études, le poids de la vie
J’ai donc suivi les cours boulevard Arago, et je dois dire que c’était un bonheur immense. Vivre mes questionnements théologiques avec d’autres m’a énormément stimulé. J’avais des étoiles dans les yeux. J’ai fait mon mémoire de master 1 sur le thème passionnant : L’utilisation des images en milieu judéen au tournant de notre ère… C’est à cette occasion que j’ai rencontré Thomas Römer, que j’ai trouvé très accessible et accueillant, alors qu’à mon avis, il s’occupe plutôt des doctorants, pas des étudiants en master… A cette occasion, il m’a ouvert un accès illimité à la bibliothèque du Collège de France, que j’ai fini par appeler « ma deuxième maison », et je lui en suis infiniment reconnaissant. J’ai aussi rencontré d’autres chercheurs et chercheuses,mais je n’en dresserai pas la liste ici, ce serait trop long. Mais je les porte en moi, et leur suis reconnaissant. Spéciale dédicace tout de même à Corine Lanoir, ma directrice de mémoire!
Entre le master 1 et le master 2, j’ai fait une suffragance dans le Poitou vendéen, mais j’ai déjà évoqué cet épisode. Au début de ma deuxième année de master, je me suis séparé de la mère de mes enfants. La période a été très difficile pour tout le monde. En ce qui me concerne, je commençais un stage auprès du pasteur Christian Baccuet, à Pentemont-Luxembourg. 3 semaines de stage, 1 semaine de cours, un changement de rythme en pleine période de contestation sociale intense (Gilets jaunes). Dans cette atmosphère tendue et stressante, il fallait que je trouve une logement d’urgence. C’est la fondation Bersier qui m’a offert un toit, dans une chambre de bonne située avenue de la Grande armée, au-dessus du temple de l’Étoile. De mon petit 11m² je voyais la Tour Eiffel. Jamais je n’aurais imaginé vivre un truc pareil.
Et puis le COVID est arrivé, tout a été bloqué, et mon stage a pris une tournure originale. C’était à proprement parler lunaire. Enfermé dans 11m² dans une ville dont l’ambiance me faisait penser à The Walking Dead était fantastique, et en même temps extrêmement difficile. Du coup, côté études, j’ai vraiment apprécié ma première année de master, mais il était temps que la seconde année s’arrête. Et elle s’est arrêtée, en effet, lorsque mon diplôme a été validé, que la CDM a validé mon projet et que la paroisse de Chartres, Beauce et Perche a accepté de me recevoir comme pasteur proposant, avec celle qui allait devenir mon épouse : Léa.
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Des études nécessaires ?
Je ne crois pas que les études de théologie soient inadaptées. Je ne crois pas qu’il faille tout changer : la formation théologique des pasteurs est solide, passionnante et bien menée. Il y a sans aucun doute quelques modifications à apporter, mais il ne faut pas exagérer tout ceci.
Il faut d’abord se rappeler qu’en Alsace-Moselle, le cursus de master est une formation de recherche en théologie, et une fois le diplôme obtenu, celles et ceux qui veulent devenir ministres du culte passent 3 années en paroisse pour apprendre la réalité paroissiale (ce stage en 3 ans est appelé « vicariat »). En « France de l’Intérieur », la première année de master est une année de recherche, la deuxième année, une année de stage pratique, puis les deux années qui suivent l’obtention du diplôme sont appelées « proposanat », où le pasteur a la charge du ministère tout en parachevant sa formation.
Si l’on voulait que les ministres arrivent en paroisse avec une expérience plus importante de la vie paroissiale, il faudrait :
- soit réduire la qualité théologique de leur formation (en ce cas, il serait difficile de demander aux pasteurs d’être des théologiens…)
- soit augmenter la durée de leurs études (ce qui aurait augmenterait les effets de la « crise des vocations »)
C’est donc une question difficile, à laquelle notre institution est sensible. Mais la formation, à moi, me semble adaptée aux réalités que nous rencontrons. En revanche, ce qui me semble inadapté, c’est les représentations des paroissien·ne·s concernant le ministère pastoral.
Un problème de vision
Souvent, je rencontre des gens qui désirent que le pasteur soit le permanent de la paroisse : il devrait participer à toutes les rencontres, organiser toute la vie paroissiale, ranger et faire le ménage, recevoir le courrier et les colis, ouvrir les lieux, faire des travaux, assurer le suivi des travaux, entretenir les relations diplomatiques avec les autorités locales et religieuses, être le représentant médiatique de la communauté, faire le caté, faire tous les cultes, animer tous les groupes, faire de la radio, être sur les réseaux sociaux, faire les visites, aller à l’hôpital, assurer tous les actes pastoraux, être le technicien de service (informatique, sono, lumière, chauffage…), ne pas déroger à la tradition protestante (mais laquelle ???) tout en innovant pour attirer de nouvelles personnes, etc. Je pourrais en rajouter mais ce n’est pas nécessaire.
Je suis persuadé que beaucoup de gens, dans les paroisses, n’ont pas conscience de la place réelle de la spiritualité dans notre société, ni des enjeux qui sont attachés au ministère pastoral. Mais surtout, ils ne voient pas les enjeux qui sont attachés aux ministère de l’Église – c’est-à-dire qu’ils n’ont pas conscience de l’engagement auquel ils sont appelés.
Exiger du pasteur qu’il fasse tout ce qu’on n’a pas envie de faire, c’est courir droit vers la disparition de l’Église, à coup sûr. Et accuser les pasteurs de ne pas être assez bien formés, c’est refuser de voir comment chacun·e pourrait apporter sa pierre à l’édifice. C’est refuser de voir l’épuisement qui guette les ministres, refuser de prendre en considération le nombre de ministres en dépression, en burn-out ou – plus simplement – celles et ceux qui ont baissé les bras et qui n’ont plus le feu.
La formation de l’Église
Ainsi, il y a bien des réformes à exercer concernant la formation. Par exemple, j’aurais bien aimé qu’il y ait des mises en situation, dans les cours, pour que nous puissions appréhender un peu mieux quelle place les ministres peuvent/doivent prendre au sein d’un conseil presbytéral. J’aurais bien aimé qu’on nous forme un peu plus au fonctionnement concret d’une paroisse, tant sur les finances que sur les dispositions (ce qui se fait, ce qui ne se fait pas).
En parallèle, j’aimerais que les personnes qui composent le conseil presbytéral soient formées, elles aussi. Des formations existent, mais si elles sont encouragées, elles ne sont pas obligatoires. Or, la plupart des conseillers ne connaissent pas le fonctionnement de notre Église. Ils ne réalisent pas ce que signifie la responsabilité spirituelle du conseil. Ne comprennent pas la notion de collégialité, ou de représentativité. Certains ont été formés il y a 15 ans, mais n’ont jamais fait la mise à jour, alors que la situation a changé.
Je ne veux mettre la pression à personne, en vérité. Mais on ne peut pas faire porter à une seule personne la responsabilité de la bonne marche d’un collectif.
Cette question de la formation est vraiment importante, mais on doit l’aborder avec sensibilité. Parce que ce n’est pas simplement une question technique. Nous sommes en Église, et nous devons veiller à ne pas verser dans une logique d’entreprise, où le pasteur ne serait plus qu’un technicien. L’Église est un organisme vivant et sensible, et comme un corps composé de plusieurs membres très divers, elle doit trouver sa propre place dans le contexte qui lui est donné. Sa formation doit prendre en compte ses particularités et ne pas céder aux techniques pré-élaborées qui la transformerait en une sorte de machine, une usine à gaz.
Les études, la formation, pour les ministres comme pour les paroissien·ne·s, sont des étapes précieuses et indispensables à la bonne marche de l’Église. Travailler au présent sur ces questions, c’est poser les jalons d’un avenir pertinent pour l’Église en France. C’est mettre en œuvre le double principe du sacerdoce universel et de la réforme incessante de l’Église.
C’est vivre le protestantisme, de manière pratique.
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Comments (6)
Ulmann jean-Michel
29 décembre 2024 at 19:30
Cher Lionel, le récit de tes années de formation m’a ouvert les yeux sur la face cachée de ton métier. Mais, précisément, est-ce un métier, une profession ou un choix de vie, une raison d’être, un état d’esprit, que sais-je? Es-tu pasteur du matin au soir, 35 heures, ou à chaque instant de ta vie, de jour comme de nuit. Question subsidiaire: comment ta femme et tes enfants, comment tes amis vivent-ils ton engagement? Comment jardines-tu tes jours?
Cet exercice ne sera pas étalonné en « indice de satisfaction ».
Belle et heureuse année, cher Lionel
jmu
Jeanwendling@gmail.com
30 décembre 2024 at 15:50
Merci Lionel
J’ai lu avec grand intérêt ton itinéraire, et tes galères…
Merci pour ta confiance … et je crois que Dieu honore ceux qui entendent son appel et qui décident de relever les défis!
Garde le cap, et qu’avec Léa, vous alliez loin. Décidément, il faut tracer notre chemin et inventer la suite, confiants que Dieu nous conduit toujours encore, toujours même au travers de nos galères !!!
J’ai aimé la conclusion sur la formation dans l’église… Je crois qu’on entre dans la vie professionnelle avec un déficit de formation. (Et j’attendais avec impatience cette entrée dans le ministère!) Mais c’est sans doute le cas dans toute profession. Je n’ai pas arrêté de me former, et maintenant que je suis en retraite, je continue à « servir », et à me former, et c’est passionnant!
Je pense aussi que le minimum indispensable, c’est la lecture personnelle et quotidienne de la Bible et la vie de prière … (=ressourcement perso)
Soyez bénis!
Fraternellement
Jean W
Lionel Thébaud
30 décembre 2024 at 17:46
Merci Jean pour ton message.
Oui, un oui grand et absolu à la formation permanente. Des pasteur.e.s et des paroissien.ne.s !
Quant à la lecture quotidienne de la Bible et la vie de prière (terme que j’aime peu, mais j’en ai pas trouvé d’autre pour le moment), trois fois oui ! Hélas, il arrive que le sac soit si lourd que ce temps mis à part manque. Ca a été mon cas pendant un trop long moment, où je n’avais plus l’énergie de me ressourcer : dès que je me posais, je dormais. Et ça devenait triste.
Mais aujourd’hui, les choses vont bien mieux, et j’apprends à être bien plus vigilant dans mes engagements.
Un jour, peut-être, j’écrirai quelque chose là-dessus d’ailleurs.
Soyez bénis à votre tour, tous les deux !
Lionel Thébaud
30 décembre 2024 at 17:37
Merci JMU, encore merci ! La question que tu poses (es-tu pasteur du matin au soir, etc.) je la pose aussi fréquemment aux gens malades (es-tu malade 35 heures ou à chaque instant?), aux riches et aux pauvres, aux gens qui n’ont pas fait d’études, aux pères et aux mères, aux époux et aux épouses, etc. La réponse n’est jamais simple. Mais à chaque fois, j’entends que le cumul des fonctions est bien souvent trop lourd, car quand on est malade et pauvre et maman… etc. Je ne parle même pas de la difficulté qu’il y a à supporter le regards d’une société face aux origines…
Tes questions ont une grande valeur lorsque, comme tu le dis, elles n’induisent pas un jugement et un indice de satisfaction. Mais il est nécessaire de les regarder en face et de jardinier nos jours du mieux possible. Et parfois, le jardin nous submerge, parce que la fatigue, ou l’invasion de pucerons, ou le gel, le trop de pluie… bref, tu connais tout ça aussi bien que moi !
Bises, et je te souhaite une année chaleureuse !
Dysli Emmanuelle
29 décembre 2024 at 21:48
Merci pour cet article. D’abord pourquoi je n’ai pas eu la chance de faire un master avec toi
Pour ta conclusion je suis tout à fait d’accord. Avec toi. Nous avons un besoin en formation à l’accompagnement, as-tu eu vent de quelque chose. Pour l’instant on s’intéresse au du de Strasbourg mais comme on a le temps je cherche d’autres options. Certains sont intéressés par l’accompagnement du deuil car il y a des grands vides dans ce domaine. Voilà.merci encore. Emmanuelle
Lionel Thébaud
30 décembre 2024 at 17:42
Hahaha ! Je ne sais pas si faire ton master avec moi aurait été une chance pour toi !!! Demande à ma promo, tu entendras sans doute que c’était pas du gâteau… Faut supporter le caractère du bonhomme (et ses délires…)
Pour les formations, je crois bien qu’il y a des choses en préparation, mais tout ça prend du temps, bien évidemment. Je sais que les collègues fournissent de gros efforts. Mais je sais aussi que ce sera critiqué. Forcément.
Je pense en effet qu’il faudrait développer les formations aux actes pastoraux (qui pour le moment semblent être inclus dans un package « formation à la prédication », mais nombre de prédicateurs et prédicatrices ne se sentent pas équipé.e.s pour faire les actes pastoraux. Ce qui pose un souci quand il n’y a pas de pasteur disponible… et qui, de toute manière, pose le souci du sacerdoce universel !