Calme et tranquille

14 mai 2023Lionel Thébaud

Les valeurs d’une société et d’une époque sont parfois tyranniques. Une des valeurs actuelles, c’est la paix. En effet, il faudrait sans cesse être en paix, paisible, calme et tranquille, toujours être sans passion, sans colère, sans débordement d’amour aussi. Calme et tranquille.

Dans les milieux spirituels, la recherche de la paix intérieure est un but ultime. Mais on ne sait pas très bien ce que c’est que la paix intérieure. C’est pourquoi je voudrais, bible en main, dépoussiérer un peu cette notion, afin de nous permettre d’y voir plus clair sur ce que le dieu biblique a prévu de nous donner, comme paix. Parce que la paix (Shalom) est une notion capitale dans le texte biblique.

Prenons ensemble connaissance du psaume 131, dans la traduction Nouvelle Français Courant.

Vous l’avez lu bien attentivement ? Si non, je vous invite à y retourner, et à le lire avec une très grande attention.

D’autres traductions tranquilles

Maintenant, on continue l’exercice, mais avec d’autres traductions, histoire de savourer ce texte. Prenez le texte de la dégustation : on ne prend que trop rarement ce temps, tout va toujours trop vite, alors que nous voulons comprendre (pas seulement avec la tête, mais aussi dans tout notre être) ce que signifie calme et tranquille. Mettons-nous tranquillement au calme et à l’écoute.

Voici comment Franck Lalou et Patrick Calame ont traduit ce psaume dans leur ouvrage Les Psaumes :

1 Chant des degrés, de David. Adonaï, mon cœur ne s’enfle pas, mes yeux ne sont pas hautains, et je n’évolue pas dans ce qui est trop grand et difficile pour moi.

2 N’ai-je pas calmé et apaisé mon être ? Comme l’enfant sevré sur sa mère, comme l’enfant sevré, sur moi est mon être.

3 Qu’Israël attende Adonaï, dès maintenant et pour l’éternité.

Enfin, voici comment Louis Segond l’a traduit (version 1910) :

1 Cantique des degrés. De David. Éternel! je n’ai ni un cœur qui s’enfle, ni des regards hautains; Je ne m’occupe pas de choses trop grandes et trop relevées pour moi.

2 Loin de là, j’ai l’âme calme et tranquille, Comme un enfant sevré qui est auprès de sa mère; J’ai l’âme comme un enfant sevré.

3 Israël, mets ton espoir en l’Éternel, Dès maintenant et à jamais!

Il faut lire ce psaume par la fin : c’est une prière au peuple de Dieu, qui est un nous, et que chaque « je » s’approprie. Tout le peuple est exhorté à compter sur Dieu et à n’espérer qu’en lui. Les deux premiers versets, eux, décrivent comment se joue cette espérance.

Alors justement, comment se joue-t-elle, cette espérance ?

La paix donnée par Dieu

La paix donnée par Dieu, ce n’est pas de la résignation. « C’est comme ça, on n’y peut rien », ce n’est pas la paix de Dieu. « Il faut serrer les dents, de toute façon, tu dois accepter ce qui t’arrive », ce n’est pas la paix de Dieu. « Il faut lâcher prise » – s’il s’agit de démissionner -, ce n’est pas la paix de Dieu.

La paix donnée par Dieu ce n’est pas l’humiliation. « Je ne suis rien, je n’ai pas de valeur, je ne peux rien faire », ce n’est pas la paix de Dieu. « Je suis le plus gros nul de l’histoire de la terre », ce n’est pas la paix de Dieu.

Et la paix donnée par Dieu ce n’est pas cette espèce de mysticisme qui dit qu’être passif devant Dieu mène à une plus grande révélation de sa personne. Laisser faire les choses sans prendre sa vie en mains, ce n’est pas la paix de Dieu.

La paix donnée par Dieu ce n’est pas regarder les choses de tellement haut ou de tellement bas qu’elles ne nous touchent plus. Ce n’est pas se sentir au-dessus des événements. Ce n’est pas se sentir écrasés par les événements. Ni la paix des hauteurs, ni la paix des profondeurs.

La paix donnée par Dieu, c’est plutôt cette capacité de regarder notre condition humaine, avec nos limites et nos possibilités, en comptant sur Dieu. Vivre cette paix donnée par Dieu, c’est abandonner nos espoirs vains et nos inquiétudes décourageantes, abandonner nos illusions et nos désillusions, abandonner l’orgueil et l’humiliation, pour s’ancrer dans le réel et assumer le monde réel.

La paix donnée par Dieu représente un véritable effort spirituel. Si je vis dans la paix donnée par Dieu, je n’ai plus besoin de chercher à me rassurer et à m’habiller de fausses sécurités.

Le péché et la paix

Le péché, c’est ce qui nous enlève la paix avec Dieu.

Dans ce psaume, le péché, c’est ne plus compter sur Dieu. C’est vouloir être plus spirituel.

Quand vous dites : « je ne veux pas être bassement matériel·le », vous niez les réalités, au lieu de les assumer avec Dieu. Quand vous regardez les choses de ce monde avec dédain et mépris, ça montre que ces choses vous attirent tellement qu’elles vous font peur. Ça montre qu’elles vous habitent autant que les personnes qui ne jurent que par elles.

Chercher à être supra-spirituel·le, c’est nous prendre pour plus que ce que nous sommes. C’est chercher à se prendre pour Dieu.

L’être qui vit de la paix que Dieu donne n’est plus déchiré entre ce qu’il aimerait avoir et ce qu’il a. Il n’est plus divisé entre ce qu’il aimerait être et ce qu’il est. Cet être n’est pas satisfait, mais il compte sur le Seigneur. Il n’est pas satisfait, mais il espère et assume la réalité qui se présente à lui. Cet être, réconcilié avec Dieu, est aussi réconcilié avec lui-même.

Où en êtes-vous ? Dans l’insatisfaction, à vouloir plus, à être mieux, à en faire toujours plus pour soulager votre conscience ? Satisfait·e, considérant que vous faites les choses tellement bien que Dieu doit vous bénir ? Avez-vous l’impression que rien ne peut vous toucher, parce que tout est éphémère et que rien ne vaut vraiment la peine d’attirer votre attention ?

Si ces questions vous rejoignent, regardez Jésus. Il n’avait pas ce mépris pour les choses du monde. Il a assumé tout ce qui pouvait traverser l’être : angoisses, colères, tristesses, fatigues, etc. Jésus n’a jamais nié ces choses, il les a assumées.

Voilà un être qui a vécu la paix que Dieu lui avait donnée.

Un être calme et tranquille

Maintenant, nous comprenons qu’accepter le réel peut nous aider. Notre être peut devenir calme et tranquille, si nous acceptons d’assumer le réel.

Rappelez-vous : vous êtes des pécheurs et des pécheresses. Rappelez-vous : vous avez été justifié·e·s, ce qui veut dire que vous êtes devenu·e·s justes. Pécheurs et justes. En même temps. Ce sont les deux facettes de la même réalité chrétienne.

Si vous ne voyez que la justice, alors vous niez que le péché vous colle à la peau. Si vous ne voyez en vous que le péché, alors vous niez ce que Dieu a fait de vous. Accueillir la paix que Dieu vous a donnée, c’est accepter votre double réalité : le péché, et la justice, en même temps. Et quand vous assumez ça, vous êtes réconcilié·e avec vous-mêmes. Et avec Dieu, pour le coup. Parce que tant que vous ne l’acceptez pas, vous luttez contre Dieu.

Alors votre être est apaisé. Au calme.

Ça ne veut pas dire que rien ne vous révolte ou que vous n’êtes pas préoccupé·e·s. Ça veut dire que vous faites confiance à celui qui est votre source. Que sa présence dans votre vie vous suffit, comme l’enfant dans les bras de sa mère. Il peut avoir faim, cet enfant, mais il sait que sa mère lui donnera ce dont il a réellement besoin.

Pour finir, relisons le psaume :

1Chant pour ceux qui montent à Jérusalem, de David. Seigneur, je ne suis pas orgueilleux, mon regard ne manifeste pas d’ambition. Je ne recherche pas des choses trop grandes pour moi, ni trop extraordinaires.

2Au contraire, je reste calme et tranquille, comme un jeune enfant apaisé près de sa mère. Comme cet enfant, je suis apaisé.

3 Israël, compte sur le Seigneur, dès maintenant et toujours !

Comments (1)

  • GAGIN

    15 mai 2023 at 11:03

    Merci.

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