La convivialité
Nous voulons une paroisse plus conviviale, où les gens se sentent bien, où les gens auraient envie de venir et de s’investir. Parce que nous percevons à quel point c’est important, la convivialité.
Attention !
Mais je ne voudrais pas que notre motivation soit trop superficielle.
Je ne voudrais pas que nous passions à-côté du véritable objectif.
Le véritable objectif ce n’est pas la convivialité. Ce n’est pas non plus de faire des membres, ou de rapporter de l’argent. Le véritable objectif, c’est de développer une communauté – une communauté spirituelle. Ça veut dire une communauté qui témoigne du Christ dans toutes les dimensions de la vie.
Et on ne peut pas témoigner du Christ si nous n’agissons pas avec l’Esprit du Christ.
Quand Paul écrit aux Colossiens…
Lisons ce qu’écrit Paul, dans sa lettre aux Colossiens, au chapitre 3 et aux versets 12 à 17.
Paul commence son propos en posant une pierre d’angle : « Dieu vous a choisis, vous lui appartenez, et il vous aime ». Nous ne le répéterons jamais assez : il s’agit, sans cesse, de réaffirmer à toute créature que Dieu l’aime. Pas seulement aux personnes qui fréquentent notre paroisse. Pas seulement aux personnes que nous reconnaissons comme des frères ou comme des sœurs. A toute créature.
C’est le cœur de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, dans un monde gouverné par la performance et la culpabilité. Dieu nous annonce son amour inconditionnel et gratuit.
Attention, si son amour est gratuit, la manière dont nous allons répondre à cet amour a un coût. Je ne peux pas, en étant chrétien, me dire « Dieu m’aime, youpi, je m’en vais tuer mes ennemis ». Ou « puisque Dieu m’aime, tout va bien, je n’ai pas besoin de me forcer à écouter celui qui souffre ».
L’amour de Dieu a des conséquences sur nos vies : non seulement cet amour nous libère de la crainte et de la culpabilité, mais en plus il nous donne envie de participer au mieux-être du monde. Il nous incite à sortir de notre nombrilisme. Et si la foi ne produit pas ça en nous, c’est que nous n’avons pas vraiment reçu son amour.
Comme quoi, ça peut être totalement gratuit et avoir un prix.
Le prix : un effort
Et justement, le prix, pour une communauté chrétienne, voilà que Paul en parle, en donnant des encouragements concrets. Ça commence par cette phrase : « Revêtez-vous d’affectueuse bonté, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience ».
Il est question ici de la vie communautaire : puisque Dieu nous a choisi·e·s et qu’il nous aime, alors, nous ne sommes plus seul·e·s. Nous vivons dans la foi avec d’autres. Ces autres que nous n’avons pas choisi·e·s, ces autres que nous n’aurions jamais choisi·e·s, mais ces autres que Dieu a choisi·e·s pour que nous vivions la marche de la foi ensemble.
Voilà le coût de l’amour de Dieu : nous sommes obligé·e·s, si nous voulons être chrétien·ne·s, de composer avec d’autres qui parfois nous insupportent. Des gens que nous n’avons pas envie de voir. D’autres qui vont passer leur temps à se plaindre. Ou encore des gens qui ont une culture tellement différente de la nôtre qu’on se demande ce que leur protestantisme a en commun avec le notre.
Est-ce que ça vous parle ? Vous pensez à des noms ? C’est très bien. Parce que Paul nous rappelle que si nous avons à nous plaindre de quelqu’un, c’est le pardon qui est de mise. Je vous encourage maintenant à prier pour ces personnes afin que le pardon soigne vos relations. Je vous laisse une minute pour déposer ces noms-là devant Dieu, dans le silence de vos cœurs.
Une fraternité conviviale
Dieu souhaite que ses enfants apprennent à vivre ensemble.
Le mot « fraternité » est un beau mot, qui rejoint précisément ce que la Bible dit des relations entre chrétien·ne·s. Cependant, bien souvent, le mot « fraterniser » a perdu son sens : on pense bavardages, contacts, repas, moments de détente.
Je ne méprise pas ces choses, vous vous en doutez : je trouve qu’elles manquent souvent dans nos communautés. Nous manquons de lieux qui permettent la rencontre. Néanmoins, en développant la convivialité, ne nous trompons pas de cible : la véritable fraternité va au-delà de ces rencontres.
La fraternité, c’est des relations profondes. On y vit l’expression de l’amour désintéressé, des discussions honnêtes et franches, du partage généreux, de l’écoute, du réconfort, de la consolation. On y vit les conflits, les erreurs, les emportements, le pardon, la réconciliation, la confiance.
Toutes ces choses, la Bible appelle ça : la communion fraternelle.
Une convivialité fraternelle
Un mot sur ce qu’on appelle la communion en théologie. Paul utilise un terme que vous avez peut-être déjà entendu : KOINONIA. Qu’on traduit par communion. KOINOS veut dire « commun », et le verbe qui en découle signifie « mettre en commun ».
Communier, au sens profond, c’est mettre en commun. Voyez comme on a tort de parler de communion comme on le fait souvent, et qui est une expression très contemporaine au fond, quand nous disons, en sortant d’un concert : « nous étions en communion ».
Pour Paul, la communion n’est pas un sentiment. La communion pour Paul ce n’est pas un concept abstrait qui reste au stade des pensées ou des émotions. Ça se traduit par des actes concrets de mise en commun, de partage, au cœur même des relations.
Quand nous prenons la Cène, nous partageons ensemble le pain et le vin. C’est quelque chose que nous mettons en commun. C’est une communion. Mais ce n’est pas tant le pain et le vin qui fait que nous sommes en communion : c’est que le pain et le vin nous renvoient à Jésus-Christ, qui s’est donné pour nous, et c’est lui que nous avons en commun. C’est lui notre communion. La Cène n’en n’est que le signe.
La communion fraternelle
Si je reprends le dictionnaire du Nouveau Testament de Xavier Léon-Dufour, la communion est « participation au Christ, à l’Esprit, à la nature divine, dans une même vie de foi. Elle se traduit dans l’union fraternelle, la mise en commun des biens, la collecte en faveur des Églises dans le besoin ». Voyez que la communion fraternelle se traduit par des actes concrets, qui peuvent aller du symbole à l’implication personnelle.
Le but de la convivialité, c’est de permettre la communion fraternelle, c’est-à-dire une mise en pratique d’un concept qui, trop souvent, reste dans le domaine des idées – et pour moi, les idées qui ne trouvent pas de mains pour les mettre en œuvre, ce n’est rien d’autre que de l’idéologie. Et c’est des paroles vaines.
En général, nous regardons une réunion sous l’angle de la performance : on est content quand on réunit 40 personnes, et on se plaint quand on réunit 3 personnes. On se dit que ça ne vaut pas le coup. Mais la réalité, c’est qu’au-delà d’une dizaine de personnes, la fraternité est très difficile : elle n’est déjà pas simple en petit groupe, mais en grand groupe elle est impossible. Les personnes les plus effacées ne participent pas, et les personnes les plus assurées dominent.
Jésus s’était entouré de 12 personnes avec lesquelles il allait fraterniser, pas plus. Ce que j’en retire, c’est qu’il vaut mieux avoir une multitude de petits groupes, plutôt que de viser des rencontres qui réunissent le plus grand nombre de personnes possible. Rappelez-vous que Jésus est au milieu de ceux qui sont assemblés en son nom, même s’ils ne sont que deux. Ou trois.
C’est le verset qui est sur le fronton du temple de Chartres. Jésus dit : « Où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. »
Des rencontres conviviales
Je disais que le but de nos rencontres, c’est la communion fraternelle. Ce n’est pas une vue de l’esprit, la communion fraternelle. La communion n’est pas quelque chose de superficiel.
Ce qui est superficiel peut nous aider à nous rencontrer, et il faut parfois plusieurs rencontres superficielles avant de s’ouvrir à l’autre, mais tant que nous en restons au niveau superficiel, nous n’avons pas agi en tant que chrétiens.
Quand nous commençons à parler de nos blessures, de nos sentiments, de nos échecs, de nos doutes, de nos craintes, de nos faiblesses, quand nous nous exposons en disant ce que nous croyons vraiment, et quand nous demandons de l’aide aux autres… alors on touche le sens de la communion fraternelle.
Quand on entend l’autre nous dire ses difficultés et que nous nous sentons impuissants, alors nous touchons à cette expérience spirituelle que l’on appelle la communion fraternelle.
Des liens conviviaux
Nous mettons l’accent sur la convivialité parce que nous savons que c’est ce qui manque pour établir un lien entre les membres de notre paroisse, mais ce lien ne sera fort et durable que si nous parvenons à vivre l’inconfort de la relation personnelle.
Dans certaines assemblées, au lieu d’une atmosphère de franchise et d’humilité, on use de stratagèmes, on se cache derrière des faux-semblants, on joue les très spirituels, on joue des coudes, on en reste à de la politesse et à des conversations banales, ou alors on se cherche des noises parce qu’on veut la place de l’autre.
Ou, parfois on trouve ça aussi, on ne fait que parler des choses que nous avons à faire pour la paroisse.
C’est seulement lorsque nous exposons franchement nos vies que nous expérimentons la communion fraternelle. C’est quand nous arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt. Et pour ça, il nous faut du courage et de l’humilité. Du courage pour affronter notre peur d’être démasqué, d’être rejeté, et d’être blessé une fois de plus. De l’humilité pour reconnaître que nous ne sommes pas suffisants, et que l’autre – rien que par son écoute – peut nous aider.
Il ne s’agit pas de tout se dire bien évidemment, notre vie privée doit rester privée. Mais il s’agit d’oser nous faire confiance dans certains domaines qui appartiennent au privé. Pour que nous soyons vraiment des frères et des sœurs en Christ. Parce que mon frère, ma sœur, c’est la personne de qui je me fais le frère, ou la sœur.
Le pardon
Et c’est dans cette atmosphère de vraie communion que l’on peut vivre le pardon mutuel.
La miséricorde.
On peut, là, se dire les choses en toute franchise et en toute humilité, et on peut se demander pardon, et on peut se pardonner. On peut exposer nos blessures et les soigner ensemble, par des paroles d’amour et par la prière. Je l’avais déjà évoqué lors de la fête de Pentecôte en 2021.
N’oubliez pas que pardonner, ça ne veut pas dire faire confiance. Pardonner, c’est tirer un trait sur le passé.
Faire confiance, c’est se projeter dans l’avenir. Pardonner, ça peut se faire instantanément (je ne dis pas que c’est facile).
Faire confiance, ça prend du temps : je ne peux pas faire confiance à quelqu’un qui continue d’avoir un comportement blessant.
Pour finir, je cite le texte de Paul, pour que vous le lisiez à nouveaux frais.
Un texte convivial
Dieu vous a choisis, vous lui appartenez, et il vous aime. C’est pourquoi revêtez-vous d’affectueuse bonté, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres ; et si l’un de vous a une raison de se plaindre d’un autre, pardonnez-vous réciproquement, tout comme le Seigneur vous a pardonné. Et par-dessus tout, ayez de l’amour, ce lien qui vous permettra d’être parfaitement unis. Que la paix du Christ règne dans vos cœurs ; c’est en effet à cette paix que Dieu vous a appelés, en tant que membres d’un seul corps. Soyez reconnaissants ! Que la parole du Christ, avec toute sa richesse, habite en vous. Instruisez-vous et avertissez-vous les uns les autres, avec une pleine sagesse. Chantez à Dieu, de tout votre cœur et avec reconnaissance, des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés par l’Esprit. Tout ce que vous faites, en paroles ou en actions, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en remerciant par lui Dieu le Père.
Paul, lettre aux Colossiens, 12-17
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