Suivre le Christ
Suivre le Christ, c’est autre chose qu’une simple adhésion intellectuelle à des valeurs ou à des idées vagues. C’est un engagement exigeant.
Il y a un passage capital, dans les évangiles, que l’on trouve par exemple dans l’évangile selon Luc, au chapitre 9, aux versets 18 à 27. Jésus délivre deux enseignements : le premier concerne les disciples qui étaient avec lui, et le second enseignement s’adresse à tous. Jésus indique ce que signifie suivre le Christ.
Qui suis-je ?
Jésus est avec ses disciples, mais comme souvent, on ne sait absolument pas qui sont ces disciples ni combien ils étaient – mais on sait que Pierre était là, donc on peut facilement imaginer que, parmi les disciples présents, il y avait ceux qu’on appelle « les Douze ».
Le premier enseignement répond à la question : Qui est Jésus, au dire des foules ? On voit là comment chacun des disciples présents répond en fonction des rumeurs qui se répandent.
Tu es Jean le Baptiseur. Tu es Élie qui est revenu. Ou encore tu es un prophète, un de ceux qui est mort autrefois et qui est ressuscité.
Les croyances ont souvent quelque chose d’incohérent, de magique aussi, et d’irrationnel.
Mais pour vous, qui suis-je ? Et là, Pierre répond : tu es le Christ de Dieu (c’est-à-dire tu es le messie de Dieu, celui qui a été oint pour une mission particulière).
Il s’agit là aussi d’une croyance, une attente que le peuple alimentait par des récits ancestraux. On attend que Dieu envoie un homme particulier qui viendrait délivrer le peuple. Le peuple aspire à la liberté. Il ne veut plus être opprimé. On veut vivre libre. Enfin libre.
Là, Jésus ne refuse pas le titre de Christ, mais il ordonne aux disciples de se taire à ce sujet. Et il leur enseigne une vérité concernant le Christ. Une vérité que même nous, chrétiens et chrétiennes du 21è siècle, avons tendance à oublier. Alors que nous connaissons très bien l’histoire. Ou bien parce que nous connaissons très bien l’histoire.
Une question de nécessité
« Il faut », dit Jésus. Ça veut dire qu’il y a un chemin obligé, un chemin tracé, une porte par laquelle il faut entrer, il n’y a pas le choix, il n’y a aucune alternative…
« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup ; les anciens, les grands-prêtres et les spécialistes des Écritures le rejetteront ; il sera tué et, le troisième jour, il ressuscitera ».
Il faut… L’idée d’un messie qui souffre ne correspondait absolument pas aux croyances et aux attentes de l’époque. Jésus vient perturber la vision que les disciples avaient du Christ. Il vient les choquer en apportant une notion étrangère à ce que leur cœur désirait. Il anéantit la manière dont ils portaient l’espérance dans leurs cœurs.
Ailleurs, Pierre dira même « A Dieu ne plaise, cela n’arrivera pas » ! Et Jésus informe Pierre que c’est le satan qui parle ainsi, et non pas un disciple de Jésus… Il faut, parce que c’est ainsi que les choses doivent se passer. Parce qu’il n’y a pas d’autre choix, si je veux faire la volonté de mon Père qui est au cieux. Il faut parce que sinon je ne remplis pas ma mission, mon appel, ma vocation.
Souffrir ?
L’idée de la souffrance – pour soi et pour les autres – est insupportable. A quoi bon souffrir et être mis à mort, si c’est pour être ressuscité après ? Ça n’a aucun sens.
Nous, quand nous voyons quelqu’un souffrir, nous nions la nécessité de souffrir. Nous ne cherchons pas seulement à soulager sa souffrance (ce qui est une bonne chose : Dieu soit béni pour les antalgiques et les anesthésiants!), mais nous mettons énormément d’énergie à nier la souffrance des autres. La notre aussi, au passage.
Non tu ne souffres pas, tu exagères, tu surjoues, il ne faut pas que tu te tortures ainsi, ne sois pas trop dur avec toi… vous connaissez ces phrases. Vous les avez entendues – et elles ne vous ont jamais fait du bien – et vous les avez prononcées – alors que vous savez qu’elles ne font pas du bien.
La souffrance nous gêne et nous cherchons à la nier pour la faire disparaître. Erreur ! Il faut. C’est ainsi. C’est la condition humaine. Vivre ce n’est pas rechercher le confort maximum, vivre c’est traverser la souffrance avec la confiance en Dieu.
Et Jésus indique qu’il ne cherchera pas à échapper à la souffrance, parce qu’il sait qu’elle est inéluctable. Il prépare ses disciples à vivre eux aussi cette souffrance de voir celui qu’on aime souffrir, et mourir.
Mais Jésus le dit : il faut. Il faut ! L’évangile est une bonne nouvelle uniquement pour celles et ceux qui veulent faire la volonté de Dieu.
Si quelqu’un…
Le deuxième enseignement s’adresse « à tous ». Nous ne savons pas qui sont ces « tous » et c’est très bien comme ça : nous mettons dans le « tous » tout ce que nous voulons y mettre. Moi, par exemple, je m’inclus dans ce « tous ».
Si quelqu’un veut me suivre… Jésus ne dit pas ça en l’air ! Il dit ça précisément après avoir dit à ses disciples qu’il allait souffrir et mourir et ressusciter ! Donc suivre Jésus, c’est suivre un messie qui va à l’abattoir, ce n’est pas rien, ça veut dire aller nous aussi à l’abattoir. Il n’y a pas grand-monde qui voudrait suivre un messie pareil. Les disciples, dans un premier temps, ne l’ont pas suivi jusque là.
Suivre un messie qui va à la mort, dit Jésus, c’est lui être fidèle et conformer sa vie à la sienne. Suis-je fidèle à Jésus ? Est-ce que ma vie est conforme à la sienne ? Est-ce que j’essaye seulement de la conformer à la sienne ? Rien n’est moins sûr. Parce que je redoute la souffrance. Je sais qu’elle est inévitable – « il faut » – mais je fais tout mon possible pour l’éviter.
Attention, l’évangile ce n’est pas la promotion du dolorisme : on ne nous encourage pas à prendre du plaisir dans la souffrance, ni à rechercher la souffrance, il s’agit d’autre chose. Il est question ici d’une souffrance que nous n’éviterons de toute façon pas, si nous voulons suivre Jésus.
Le seul moyen d’éviter cette souffrance, c’est de ne pas le suivre. Le choix décisif se trouve exactement à cet endroit.
Mais si nous voulons suivre Jésus, il faut nous attendre à ce que la vie ne soit pas pavée de pétales de roses. Si quelqu’un veut me suivre, qu’il s’abandonne lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Examinons ces trois étapes.
Qu’il s’abandonne lui-même.
Il ne s’agit pas de ne pas s’écouter, ni de nier nos propres besoins ou nos propres désirs. Il s’agit d’accepter d’appartenir au Christ.
En fait, je ne m’appartiens plus moi-même. J’ai le contrôle sur ma vie, mais je choisis d’obéir à Dieu plutôt qu’à moi-même. Je soumets tout ce que je suis à l’Esprit de Dieu qui vit en moi.
Quand je lutte entre la mission que Dieu me donne et ce que je préférerai faire, si ces deux choses ne sont pas conciliables, je mets mon énergie à obéir à Dieu plutôt qu’à mes préférences personnelles.
Quand je lutte entre obéir au désir que Dieu a mis en moi et obéir aux plaisirs de cette vie, quand les deux sont en opposition, alors je mets mon énergie à laisser de côté les plaisirs pour entrer dans le désir de Dieu.
Quand j’hésite entre faire ce que Dieu me dit et faire ce que les autres me disent, quand il y a incompatibilité entre mon appel personnel et les attentes des autres sur moi, alors je déçois les attentes des autres pour entrer dans le service que Dieu m’a demandé.
Et ça, c’est s’abandonner soi-même, parce que c’est reconnaître que c’est au Christ – et au Christ seul (sola Christus) que nous appartenons. En faisant ça, nous suivons le chemin du maître, qui a beaucoup souffert. Ne croyez pas que la souffrance du maître était une souffrance physique. Il a beaucoup souffert physiquement, oui, bien sûr, mais sa souffrance morale était au moins aussi grande. Par exemple, il s’est senti abandonné de tous ceux qu’il aimait. Y compris de Dieu lui-même.
Et si vous voulez suivre le Christ, alors vous le savez, vous aurez à souffrir aussi de la souffrance des disciples, c’est inévitable.
Qu’il prenne sa croix chaque jour.
Prendre sa croix, c’est aller jusqu’à la mise à mort. C’est un peu radical. Mais ce que Jésus indique ici, c’est que si nous voulons vraiment suivre Jésus, ce n’est pas du bout des lèvres que ça peut se passer. C’est un engagement qui peut aller jusqu’à la mort.
On peut en mourir, de cet engagement, et c’est toute l’histoire de ces gens qui sont morts à cause de leur foi. Il ne s’agit pas seulement de la mort physique – même si c’est celle-ci qui est le risque que nous craignons le plus – mais il s’agit aussi de la mort symbolique, celle qui fait qu’on peut se retrouver dans le plus grand des désespoirs à cause de notre foi, dans la nuit sombre, où on ne sait même plus où on va.
Il peut aussi s’agir de la mort sociale, de la mort de nos illusions, et tant d’autres choses qui nous arrivent et qui nous font prendre conscience qu’il n’y a pas grand-chose qui tienne vraiment le coup, dans notre vie. La mort de nos certitudes. Il faut avoir conscience que ça peut aller jusque là, et bien sûr que c’est horrible, bien sûr que c’est d’une tristesse déconcertante, mais la question qu’il faut se poser c’est : est-ce que mon amour pour le Christ va jusque là ?
Je ne suis pas sûr de répondre oui à cette question, mais je dois me la poser. Et si je réponds par l’affirmative, alors…
Qu’il me suive.
Parce que je ne peux pas suivre Jésus le Christ si j’appartiens à un autre que lui, et si je ne suis pas prêt à aller jusqu’au bout avec lui. Parce que je dois savoir que si je cherche à gagner ma vie, je la perdrai. Que si j’ai honte de lui appartenir, lui non plus ne sera pas fier de m’accueillir auprès de lui.
Examinez en vous-mêmes quels sont les nombreux renoncements que vous devez opérer si vous voulez suivre le Christ.
Je me dis que le renoncement principal, c’est de renoncer à nos propres certitudes.
Le deuxième c’est sans doute de renoncer à la reconnaissance que les autres peuvent nous donner. On est toujours à la recherche du paraître, on veut montrer à quel point on est des gens super, et vous savez les protestants ont ceci de mieux que les autres… etc. Mais renoncer à ces paillettes ou à ces paravents, c’est entrer dans la vie véritable, que l’évangile appelle la vie éternelle. Jésus est venu nous libérer de ces choses, de l’obligation du paraître, et il est écrit que là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Mais je constate que tous autant que nous sommes, nous avons peur de la liberté.
Une vision de l’Évangile
Mes amis, vous le voyez : l’évangile n’a pas grand-chose à voir avec le développement personnel. L’évangile est une bonne nouvelle, mais ce n’est pas une recherche du confort. Il y a un effort à fournir.
L’évangile ce n’est pas se prélasser dans son bain en attendant la fin du monde. La Bonne nouvelle est exigeante. Difficile.
La bonne nouvelle de l’évangile c’est que Dieu nous aime inconditionnellement, mais on n’est pas au pays des Barbapapa.
Nous devons renoncer à nous-mêmes pour obéir à la petite voix intérieure qui nous explique que nous devons faire ceci ou cela, et ne pas faire autre chose. Cette petite voix que nous devons cultiver dans le secret de nos chambres – ou de tout autre lieu qui nous permet d’alimenter notre relation avec Dieu. Cette petite voix à laquelle il faut obéir, envers et contre tout, envers et contre nous.
C’est beaucoup plus simple de suivre les enseignements des gourous des temps modernes, qui nous disent qu’en respirant bien comme il faut nous allons ouvrir nos chakras et qu’allumer une petite bougie suffit à être dans la voie divine.
Je n’ai rien ni contre les chakras ni contre les bougies, ça peut aider si l’on veut, mais il ne faut pas passer à côté de l’évangile. Il ne faut pas passer à côté de Jésus le Christ. Ou alors, il ne faut pas se dire chrétien.
Si on cherche le confort d’une idéologie rassurante, il faut chercher ailleurs que dans le christianisme. Parce que la voie du Christ est une voix qui implique tous les aspects de notre vie. Parce que celui qui a donné sa vie pour que nous ayons la vie a dit : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il s’abandonne lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive ».
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