Les prêtres de Dieu
Le christianisme proclame que nous sommes tous et toutes les prêtres de Dieu. Si vous allez dans la première lettre de Pierre, vous avez ceci : « Approchez-vous du Seigneur. Laissez-vous bâtir, vous aussi, comme des pierres vivantes, pour construire un temple spirituel. Vous y formerez une communauté de prêtres appartenant à Dieu, vous lui offrirez des sacrifices spirituels, qu’il accueillera avec bienveillance par Jésus-Christ… Vous, vous êtes la lignée choisie, la communauté royale de prêtres qui appartient à Dieu. »
Un autre exemple dans le livre de l’apocalypse : « Tu as racheté pour Dieu des gens de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de tout pays. Tu en as fait, pour servir notre Dieu, un royaume de prêtres, et ils régneront sur la terre ».
Nous sommes, vous êtes des prêtres. La Réforme, en son temps, a réactivé cette notion de prêtrise de tous et de toutes, en parlant de sacerdoce universel. Le sacerdoce, c’est le mot compliqué qui est synonyme de prêtrise. Mais qu’est-ce que ça veut dire : « nous sommes tous prêtres » ? C’est un peu difficile à comprendre, parce que ce que nous connaissons comme prêtrise nous semble vraiment en décalage avec la manière dont les Écritures nous parlent de Jésus. Voici comment je l’entends, à l’aide de ce très beau passage de Jean 10.11-18. Là, Jésus nous parle du bon berger et de son troupeau.
Dieu aime le monde
Comment Dieu a-t-il montré qu’il nous aimait ? En donnant la vie de Jésus pour nous, qui sommes ses moutons. C’est Jean 3.16 : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique ». Donner – offrir – c’est-à-dire, dans le contexte de l’évangile : livré à la mort. Et c’est aussi Romains 5 : « Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs ».
C’est bien par la mort du messie que Dieu a démontré son amour.
Et ce messie est mort dans d’atroces souffrances. Pâques, ce n’était pas une mort rapide. C’est en endurant concrètement le rejet, le mépris, la souffrance morale et la souffrance physique qui mènent à la mort que Dieu a démontré son amour pour le monde.
Le monde, tiens, parlons-en…
Certains sont tentés d’y lire « pour tout le monde », c’est-à-dire pour tous les êtres humains. Mais il faut vraiment voir plus grand : Dieu n’est pas un pense-petit.
Le monde, en grec, c’est cosmos. C’est le même terme qui désigne l’univers. Paul écrit, dans sa lettre aux Colossiens, que Dieu « a voulu réconcilier l’univers entier avec lui ». Dans sa lettre aux Éphésiens il écrit que le projet de Dieu « consiste à rassembler tout ce qui est dans les cieux et sur la terre » en Christ.
Donc si je lis bien, l’amour de Dieu est pour tous les êtres humains et même pour toute la création. L’œuvre de Dieu à la croix n’est pas seulement pour les êtres humains, mais pour toute la création.
Et la souffrance ?
A la croix, Dieu a participé à la souffrance du monde. Dieu s’est livré à la cruauté de la condition terrestre. Il a revêtu le tout de la condition d’être vivant.
Dieu est le créateur de toute vie, il est celui par qui tout l’univers vivant se perpétue. Il est la source de l’être. Alors bien sûr, il partage toute la souffrance du monde.
Les théologiens ont longtemps dit que Dieu ne pouvait pas souffrir, mais toute la Bible dit le contraire. Ton Dieu est un dieu souffrant.
Quand tu souffres, Dieu souffre avec toi. Parce qu’il est comme ça, il est la source de ton être, et il vit ce que tu vis. Il y a entre toi et Dieu une communion que l’on ne peut pas déchirer. Tu peux renier Dieu, et ne plus vivre la joie d’être son fils ou sa fille. Mais tu ne peux pas empêcher Dieu de vivre avec toi. Vous êtes liés par un lien indestructible, Dieu est lié de cette manière avec toute sa création.
Et quand un être souffre, Dieu souffre. Quand un être pleure, Dieu pleure avec lui. Et bien sûr, quand un être rit, Dieu rit avec lui.
Dans ce qui s’est passé à la croix, je vois que Dieu participe véritablement à la souffrance de ses créatures. Dietrich Bonhoeffer disait que « seul un Dieu souffrant peut être secourable ». Donc là où il y a souffrance, de quelque sorte et de quelque importance que soit cette souffrance, Dieu souffre aussi.
Prêtres de Dieu
La prêtrise, c’est le rappel de l’activité souffrante de Dieu dans le monde, qui débouche sur la rédemption des autres. Dieu ne souffre pas pour sa propre rédemption, ça n’aurait aucun sens, il souffre pour la rédemption des autres.
A la suite du Christ, nous devons chercher à restaurer l’ordre là où règne le désordre, et à rétablir la paix là où règne la dysharmonie. C’est pourquoi nous pleurons avec ceux qui pleurent et que nous nous réjouissons avec ceux qui se réjouissent. Et que « si une partie du corps souffre, toutes les autres souffrent avec lui, si une partie est honorée, toutes les autres se réjouissent avec elle ». C’est pourquoi nous nous aidons les uns les autres à porter nos fardeaux : nous obéissons ainsi la loi du Christ. Nous nous souvenons de ceux qui sont en prison, comme si nous étions prisonniers avec eux. Et nous nous souvenons de ceux qui sont maltraités, puisque nous avons, nous aussi, un corps exposé à la souffrance.
Nous nous réjouissons d’avoir part aux souffrances du Christ. « De même que nos souffrances, en union avec le Christ, sont très grandes, de même nous recevons aussi du Christ un très grand réconfort. Si nous sommes dans la détresse, c’est pour votre réconfort et votre salut ; si nous sommes réconfortés, c’est pour que vous receviez la consolation qui vous fera supporter avec persévérance les mêmes souffrances que nous endurons ». « Tout ce que je désire, c’est de connaître le Christ et d’être rendu semblable à lui dans sa mort ».
Tu vois, ce ne sont pas les versets qui manquent sur ce thème, qui montrent comment nous sommes reliés les uns aux autres, si nous sommes en communion.
Être prêtre
Alors voilà. Pour moi, être prêtre, ce n’est pas un titre mystique, ce n’est pas une fonction abstraite, ou une barrette sur l’épaule qui montre que nous, contrairement aux autres, nous sommes les maîtres spirituels de ce monde.
Être prêtre, c’est porter les souffrances de ceux qui souffrent avec ceux qui souffrent, pour les soulager de leurs souffrances. C’est accepter de souffrir un peu pour leur permettre de goûter à la joie de la libération.
C’est, comme le dit la lettre aux Ephésiens, puisque nous sommes les enfants que Dieu aime, de nous efforcer d’être comme lui. Que notre façon de vivre soit inspirée par l’amour, comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous, comme une offrande et un sacrifice dont l’agréable odeur plaît à Dieu.
Être comme Dieu…
Dieu qui aurait pu ne pas souffrir. Dieu qui aurait pu se plaire dans ses privilèges et trouver des tas de bonnes raisons de ne pas venir souffrir avec nous. Il aurait pu nous abandonner à notre sort. Il aurait pu nous ignorer.
Mais parce qu’il nous aimait, il est venu, il a souffert et il nous a communiqué sa joie profonde. La joie d’être sauvés, et la joie de secourir les autres. La joie de porter nos fardeaux ensemble.
Ce Dieu qui, par amour, souffre avec nous pour nous guider dans la vie vivante et vivifiante.
Renoncements
C’est Dieu qui est le riche par excellence, et il s’est fait pauvre pour nous faire bénéficier de sa richesse. Et ce Dieu-là nous demande d’en faire autant, de nous faire pauvres, de nous dépouiller de nos privilèges, de renoncer à nos besoins, même, pour permettre à d’autres de vivre. Parce que le disciple n’est pas plus que le maître. Marcher dans les pas du Christ, annoncer qui est Dieu – par nos paroles et par nos actions, et montrer son amour à tout l’univers, voilà ce que c’est qu’être prêtre.
Oui, il nous demande d’être des prêtres pour tous les êtres qui souffrent. Il nous appelle à rétablir l’harmonie dans ce monde, telle qu’elle est semée dans les récits de la création, et telle qu’elle est annoncée par les prophètes quand ils parlent du Royaume à venir. Rétablir la paix en renonçant à notre confort pour le communiquer à celles et ceux qui souffrent. Car il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime… à l’image de ce bon berger qui donne sa vie pour son troupeau qu’il aime.
Pour rappel, j’avais écrit en octobre 2021 cet article sur le sacerdoce universel, dans une toute autre perspective. Relier les deux m’a semblé intéressant, à toi de voir si ça l’est vraiment !
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