Recevoir le Saint-Esprit
Pâques, c’est bien plus qu’un événement, c’est une clef de lecture pour entendre le sens de notre vie, c’est-à-dire pour entendre quelle direction nous devons prendre pour vivre une vie vivante. Nous nous trouvons aujourd’hui – le 12 mai 2024 – coincé·e·s entre l’ascension et la Pentecôte. Et la lecture d’Actes 1.1-11 nous permet de relier ces deux temps, comme si Dieu passait son temps à construire des ponts, à créer des liens, pour surtout ne jamais séparer trop fondamentalement ce qui est singulier. Et pour nous interroger : que signifie « recevoir le Saint-Esprit » ?
Forty
Jésus est ressuscité, donc, et il se balade sur la terre de Palestine, avec ses amis. Un road-trip local de quarante jours. 40… ça vous dit quelque chose ?
Les 40 jours et 40 nuits que Noé et ses très nombreux amis ont dû passer sous une pluie abondante, dans un grand bateau, avant d’attendre que les eaux baissent pour révéler une terre toute nouvelle. Les 40 ans que Moïse a passés à garder les moutons de son beau-père (lire aussi Exode 3), avant de voir le buisson qui brûlait sans se consumer, et d’entendre Dieu lui donner sa vocation.
Il y a aussi les 40 jours et 40 nuits que Moïse à passés sur le mont Sinaï avant de recevoir les tablettes de pierre. Les 40 jours et 40 nuits supplémentaires que Moïse a passés pour intercéder auprès de Dieu pour le salut de son peuple après l’épisode du veau d’or avant d’obtenir le pardon de Dieu. Les 40 ans que le peuple a passés à tourner en rond dans le désert avant d’arriver en terre promise. Et les 40 jours que les espions de Moïse ont passé à explorer le pays de Canaan avant de venir faire leur rapport dans lequel ils ont parlé d’un pays qui ruisselait de lait et de miel.
40, c’est aussi le cri de Jonas, dans la ville de Ninive : « encore 40 jours, et Ninive sera détruite ! », avant que Dieu finalement ne sauve tous les êtres vivants de la grande ville. 40, c’est le nombre de jours que Jésus à passés dans le désert à être tenté par le diable avant de commencer son ministère.
Pâques et l’Ascension – un rappel
Il y a encore d’autres passages bibliques qui évoquent ce chiffre, comme une durée difficile – certains diraient « d’épreuves » – avant de recevoir la promesse de Dieu. Dans Actes 1, nous avons lu que Jésus, après avoir été ressuscité, traîne avec ses amis pendant 40 jours, avant de retourner au Père.
A la fin de cette période spéciale, il y a un repas. Jésus aimait beaucoup manger avec les gens. Et c’est au cours de ce repas qu’il dit quelque chose qui devrait être très important pour nous : « Dans peu de jours, vous serez baptisés dans l’Esprit saint ».
Rappelons au passage, c’est toujours utile, que la survenue de l’Esprit était le signe, dans la tradition juive, de la fin des temps. C’est pourquoi les disciples demandent : « Est-ce en ce temps-ci que tu rétabliras le règne pour Israël ? » Un juif normalement constitué aurait forcément posé cette question, car la promesse, c’est qu’à la fin des temps, le royaume d’Israël serait restauré.
Mais Jésus, quand il entend cette question qui montre leur inquiétude pour l’avenir, les replonge dans les temps présents, et dit : « Dans peu de jours, vous serez baptisés dans l’Esprit saint… Vous recevrez une force quand l’Esprit saint descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde ». J’entends : « Vous pensez à la restauration du royaume des Juifs, mais Dieu n’est pas un pense-petit : il vise beaucoup plus loin. Préparez-vous à entrer dans ses projets ! »
Et puis c’est l’ascension : Jésus s’élève dans les airs, léger, léger, léger…
Le Saint Esprit de la Pentecôte
La Pentecôte est là, comme une graine prête à germer, dans le récit de l’ascension selon les Actes.
La Pentecôte, c’est le moment où le Saint-Esprit est déversé sur les croyants. On focalise souvent sur Actes 2 pour parler de la Pentecôte, et c’est un récit fondateur, mais il existe d’autres récits de Pentecôte : la Pentecôte n’est pas un événement unique dans l’histoire biblique, et on pourrait par exemple parler d’Actes 4, où Pierre et Jean rejoignent leurs amis, prient ensemble et bim ! Ils sont tous remplis du Saint-Esprit, ou encore d’Actes 10, avec ce qui se passe chez Corneille, où le Saint-Esprit descend sur tous ceux qui sont là à écouter le discours de Pierre.
Mais il y a bien d’autres passages, même dans le premier testament, je ne vais pas vous en faire la liste, vous avez des bibles et vous avez accès à internet vous aussi ! Et puis, si vous avez envie de le lire ou de relire, j’avais écrit cet article il y a deux ans, qui s’appelle « Pentecôte, ou l’Esprit de la paix« .
La question qui me semble fondamentale, là, c’est : à quoi ça sert de recevoir le Saint-Esprit ? En avons-nous vraiment besoin ?
Pour certains, l’Esprit donne des pouvoirs surnaturels, comme parler en langues, guérir les malades, dire la bonne aventure ou faire apparaître des paillettes d’or dans nos poches… Pour d’autres, la réception de l’Esprit ne change rien à notre vie personnelle ni à l’ordre du monde. Et moi, où est-ce que je me situe ? C’est la question que vous devriez vous poser, au moment où nous nous apprêtons à fêter Pentecôte.
Recevoir le Saint-Esprit – un projet
La Bible établit un lien entre le Saint-Esprit et la capacité de faire et de vivre des choses extraordinaires.
Il est écrit que c’est par l’Esprit de Dieu que des êtres humains ont opéré des guérisons et annoncé des prophéties. Et c’est par l’Esprit de Dieu aussi que des cœurs se sont repentis et tournés vers Dieu. Des miracles, comme on dit.
C’est aussi par l’Esprit de Dieu que nous reconnaissons que nous avons été adopté·e·s par Dieu, que nous sommes des fils et des filles du Créateur, et que nous pouvons l’appeler notre Père. C’est par ce même Esprit que nous devenons de plus en plus semblables à lui en Esprit.
Je tiens là le point principal de notre question, mais comme vous n’avez pas très bien suivi, je le répète : c’est par l’Esprit de Dieu que nous devenons de plus en plus semblables à lui.
Les liens entre Jésus et l’Esprit
Jésus le Christ est, en théologie chrétienne, l’incarnation de Dieu. Dieu fait chair, véritablement Dieu et véritablement homme. C’est comme ça que la théologie classique le définit.
Ne croyez surtout pas que Jésus était une sorte de demi-dieu ou de superman avec des super pouvoirs. Jésus n’est pas Dieu : il est dieu ET humain. C’est-à-dire que Dieu s’incarne dans les limites et les contraintes du monde tel que nous le connaissons.
Proclamer un Christ crucifié, c’est proclamer un Christ limité par le fait de l’incarnation. Et cette limitation, nous la connaissons bien, nous qui sommes des humains et des humaines !
Jésus, image de Dieu dans notre monde, est la source de notre inspiration. Le Saint-Esprit nous transforme, pas à pas, à son image, afin que nous reflétions sa gloire. C’est ce que je lis dans la 2ème lettre de Paul aux Corinthiens : « Le Seigneur, c’est l’Esprit. Et là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté. Nous tous, le visage dévoilé, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur : ainsi nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur, et nous passons d’une gloire à une gloire plus grande encore. Voilà en effet ce que réalise le Seigneur, qui est l’Esprit ».
Nous sommes engagé·e·s, depuis le moment béni où nous avons reçu la foi, sur ce chemin de transformation personnelle.
Se laisser inspirer
Mais il ne s’agit pas du tout de se demander : « Que ferait Jésus à ma place ? » On ne peut pas imiter Jésus en essayant de l’imaginer dans notre situation, parce que Jésus n’est pas une figure statique que les chrétiens seraient censés imiter. Le Christ est un personnage eschatologique, c’est-à-dire qu’il est un personnage qui annonce ce qui sera, lorsque le Royaume de Dieu sera établi.
Il l’annonce, ça veut dire que ce n’est pas encore là. Il l’annonce, ça veut dire que c’est encore à l’état de graines. Une graine ne ressemble pas du tout à la plante qui va en sortir, mais tout le potentiel de la plante est là. Jésus annonce l’être nouveau. La nouvelle création. Le Royaume de Dieu.
Une éthique chrétienne ne contraint pas notre chemin à suivre un modèle. Mais une éthique chrétienne implique des libertés dont l’étendue n’est pas déterminée, sauf en un seul point : cette éthique ira toujours dans le sens de l’amour qui se donne, de l’amour généreux, de l’amour extravagant.
L’Esprit, comme une ouverture
Quand on nous dit que Jésus faisait des miracles, on nous montre qu’il ouvre de nouvelles possibilités pour toute la création. Nous avons là une source d’inspiration.
Ce n’est pas un modèle d’adaptation à la nature qu’il nous donne, mais une inspiration qui donne naissance à la transformation de la nature.
Les évangiles témoignent du début de la transformation du monde. Regardez, ce sont des graines !
Quand on lit que les malades sont guéris, c’est le début de la transformation. Quand on lit qu’il n’y a plus ni homme, ni femme en Jésus-Christ, ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni libre, c’est le début de la transformation. Quand on entend que nous avons été pardonné·e·s, c’est le début de la transformation.
Jésus n’a pas tout transformé, mais il nous a invité·e·s à le suivre. Et suivre Jésus, ça veut dire affirmer que le monde peut changer.
Affirmer que si la nature est sauvage, nous pouvons ne pas nous conduire comme des sauvages.
Nous avons le choix de ne pas subir nos pulsions et de ne pas les faire subir au reste des vivants.
Conclusion pour préparer la Pentecôte en 2024
Voilà ce que signifie « avoir reçu l’Esprit de Dieu » : c’est de vivre cette transformation.
Dieu exige de nous que nous transformions le monde. Le Dieu qui exige est aussi celui qui nous rend capable. Par le pouvoir du Saint-Esprit nous pouvons envisager de nouvelles façons de vivre sans violence, même dans un monde tragiquement partagé entre les forces de la vie et les forces de la mort.
Recevoir le Saint-Esprit, c’est renoncer à la logique de la nature qui nous enferme et du « on ne peut rien faire, c’est comme ça, nous sommes sans puissance », ou du « on a toujours fait comme ça, c’est notre nature, c’est notre culture ».
Vivre selon l’Esprit de Dieu, c’est regarder à la promesse de Dieu en Jésus le Christ, Dieu qui va éliminer la violence, Dieu qui va éliminer la cruauté, Dieu qui va tout réconcilier par lui et en lui.
Recevoir l’Esprit, c’est chercher à vivre dès aujourd’hui de cette promesse, en faisant ce que nous pouvons pour libérer tous les êtres qui souffrent de la cruauté de ceux qui les oppriment.
Vivre de l’Esprit, c’est chercher à vivre l’être nouveau, dès aujourd’hui. Voilà ce que c’est, à mes yeux, la Pentecôte !
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