Reconnaissance de ministère

2 février 2023Lionel Thébaud

J’exerce le ministère de pasteur depuis juillet 2020 à la paroisse de Chartres, Beauce et Perche, mais je suis, depuis dimanche 29 janvier, officiellement reconnu comme l’un des pasteurs de l’Église protestante unie de France. Car ce dimanche-là, j’ai vécu ma reconnaissance de ministère.

Cet article a pour but de faire mémoire de cet événement. Vous y trouverez du texte – beaucoup de texte, l’article est très long – et des photos, ainsi que les illustrations qui ont jalonné ce moment très spécial. Il est destiné aux personnes qui ont vécu ce moment et qui veulent se souvenir, ainsi qu’aux personnes qui auraient voulu venir mais n’ont pas pu. Vous pardonnerez ainsi (c’est une prière et non un ordre) le côté fastidieux de la lecture. Bien entendu, toute personne curieuse peut lire ce qui suit sans scrupules ! Et en même temps, une bonne partie de ce culte a été enregistrée : vous pouvez l’écouter ici, sur Radio Grand Ciel.

A ce stade de l’écriture de ce billet  il faut que j’explique ce que c’est-il-donc qu’une reconnaissance de ministère. Dans mon Église, on utilise depuis 2013 le terme « ordination/reconnaissance de ministère ». Ordination signifie « entrer dans l’ordre de l’Église ». C’est un acte important, qui permet à un pasteur de se revendiquer de son Église, et à une Église de revendiquer son pasteur, aussi. C’est le renforcement du lien institutionnel. Mais pour moi, le terme « reconnaissance de ministère » est ce qui me touche le plus : d’une part je me reconnais comme participant pleinement au ministère pastoral, et surtout les autres me reconnaissent comme étant pasteur de cette Église.

Les autres, ce sont d’abord les gens de la paroisse que je sers. Ce sont ensuite mes collègues. Et ce sont aussi toutes les personnes de mon entourage (famille, ami·e·s, etc.) qui reconnaissent que je suis à ma place. Ce côté relationnel, de la reconnaissance de ministère, voilà ce qui fait le plus sens pour moi.

Une lente maturation

Cette reconnaissance de ministère, j’y pense depuis longtemps. Je la prépare depuis 6 mois.

D’abord, se pose le problème du lieu. Le temple de Chartres ne peut pas contenir plus de 120 personnes. Le premier réflexe, à ce stade du problème, c’est de demander à nos cousins catholiques de mettre une église à notre disposition. Mais parmi mes invités, beaucoup de gens ne comprennent pas les différences entre catholiques et protestants. Vivre une telle célébration chez les catholiques n’aurait, à mon avis, qu’ajouté à la confusion.

Après avoir visité une dizaine de salles des fêtes et comparé les prix, je ne trouvais rien qui convienne. C’est un paroissien qui m’a conseillé de contacter le cinéma de Chartres, Les enfants du Paradis. Ce nom m’a paru idéal pour une reconnaissance de ministère.

En parallèle, je cherchais une chorale gospel pour m’accompagner dans ce culte spécial. J’ai d’abord sollicité des amies de Quimper qui ont mis sur pied Parenthèse Gospel, mais comme je m’en doutais, le trajet Quimper-Chartres était plutôt irréaliste, financièrement parlant. Après avoir un peu galéré, je suis tombé par hasard sur une chorale à Saint Chéron des Champs, à 15 minutes de chez moi : les Gospel Friend’s. Le courant est bien passé – heureusement, sinon je devais changer mes plans.

Il ne me restait plus qu’à organiser le culte et à demander aux membres du conseil presbytéral de prendre en charge tout ce qu’il ne m’était pas possible de réaliser.

Le culte de reconnaissance de ministère

Cet événement unique dans la vie d’un pasteur se déroule pendant un culte protestant, c’est à dire en suivant la liturgie traditionnelle de mon Église. Ce que j’aime, avec la liturgie, chez nous, c’est qu’à partir de l’ossature, on peut jouer (jouer, c’est mettre du jeu, c’est-à-dire créer des espaces qui permettent l’articulation des éléments, des espaces qui laissent passer le souffle et le mouvement). Alors j’ai profité du fait d’être au cinéma pour parsemer la liturgie de références cinématographiques. Bref, d’une part c’était un moment solennel, et d’autre part j’ai mis mes couleurs dans ce culte, ce qui pour certaines personnes a pu paraître étrange (mais je l’assume totalement).

Au final, c’est 230 personnes qui se sont réunies dans ce lieu improbable pour célébrer le culte de reconnaissance de mon ministère.

C’était une journée très réussie, non seulement parce que j’ai sué sang et eau pour penser ce moment particulier, mais aussi parce que beaucoup de gens ont permis à cet événement d’avoir lieu : les intervenant·e·s, les paroissien·ne·s, le personnel du cinéma, chaque personne qui s’est déplacée et qui a accepté d’entrer dans l’esprit du moment, les nombreuses personnes qui m’ont envoyé des messages de soutien et d’affection, et bien entendu, Léa, ma chérie, ma fiancée, qui a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que je vive ces instants le mieux possible (ce qui lui a fait porter une partie de mon stress).

Ci-dessous, rien que pour vous, je rapporte les éléments du culte, avec certains des textes qui ont été partagés.

Accueil

Emilie Lebailly, présidente du conseil presbytéral de la paroisse protestante de Chartres, Beauce et Perche, accueille les personnes présentes. Elle explique que nous sommes, en tant qu’église locale, constitués en association cultuelle (loi 1905) et que nous sommes dotés d’un conseil presbytéral et d’un bureau.

La reconnaissance de ministère d’un pasteur est un événement pour le pasteur bien entendu, mais aussi pour la paroisse, qui se réjouit fortement de voir de tels projets aboutir.

Emmanuelle Seyboldt, pasteure et présidente du conseil national de notre Eglise n’a pas pu se joindre à nous en raison d’un calendrier chargé. D’autres personnalités ont été empêchées de venir, mais il aurait été fastidieux d’en dresser la liste.

Pour certains, le culte qui va suite sera un peu trop religieux et solennel. Bon, c’est un événement religieux, hein… Mais pour d’autres, ça pourrait ne pas être assez solennel, pas assez sérieux. C’est Lionel qui l’a préparé, alors bon !

Dans un culte, c’est Dieu qui est au centre. Mais le culte prend la couleur qu’on lui donne. Et Lionel a mis ses couleurs dans la préparation de ce moment. D’ailleurs, avant de commencer le culte, il aime bien, en général, raconter une histoire en guise d’ouverture. C’est un moment qui n’est pas encore le culte, et en même temps c’est un moment qui nous prépare à entrer dans le culte. Et aujourd’hui Lionel a choisi de vous raconter une histoire particulière : celle du pasteur qui va vivre sa reconnaissance de ministère dans les minutes qui viennent !

Et pour honorer ce lieu ainsi que l’équipe qui gère ce lieu, il a choisi d’illustrer cette histoire par quelques références cinématographiques. Et si vous reconnaissez les films qui s’affichent à l’écran, vous avez le droit de dire à haute voix le titre du film !

Ouverture

Voici une histoire vraie.

Ma grand-mère était polonaise, et elle a eu – comme beaucoup de monde – de sacrées déboires dans sa vie. Mais lorsqu’elle est arrivée en France au début de l’âge adulte, elle s’est convertie à Jésus dans une église des Assemblées de Dieu.

Et quoi qu’on puisse dire de mémé Charlie, c’est quand-même grâce à elle que je suis protestant aujourd’hui. En effet, j’ai fait une expérience spirituelle très forte en 1997, c’était comme rencontrer Dieu si vous voulez.

Un énorme volte-face qui a complètement changé ma vie. Enfin complètement… c’est un peu exagéré : disons qu’avant ça, je vivais ma vie sans Dieu, et qu’à partir de ce moment-là, Dieu m’invitait à vivre ma vie sous son regard bienveillant. Avec cette rencontre, il y a des choses que je ne voulais plus faire, et des choses que j’ai eu envie de faire. C’est ça qui a changé dans ma vie : je ne pouvais plus vivre comme si Dieu n’était pas avec moi. Et j’ai commencé un parcours spirituel difficile…

… âpre parfois, où j’ai appris les rudiments de la foi dans des églises évangéliques charismatiques (pardon j’ai oublié de vous fournir un lexique à l’entrée), mais où j’ai aussi appris à subir et combattre les abus spirituels de personnes qui, sous couvert d’autorité, manipulaient et blessaient pour imposer leur volonté.

Parallèlement, je vivais exactement la même situation au travail. Quand des gens me disent que croire en Dieu c’est choisir la facilité, je les invite à essayer, pour voir… Bref, à ma conversion, j’avais la certitude qu’un jour je serai pasteur. Mais quand j’ai vu ce que c’était un pasteur…

… je me suis dit : « ah ça, non, jamais je ne pourrai être ça ». Autant j’étais passionné des textes bibliques, autant j’avais une crainte terrible de devoir prendre la vie des gens en charge, parce que je ne voulais pas être un manipulateur. Vous comprenez ?

J’ai eu une vie professionnelle très variée : agent d’entretien, ouvrier agro-alimentaire, agent de bibliothèque, animateur, traducteur, jardinier, j’en passe et des meilleures, et tout ça n’avait pas beaucoup de sens : je sentais que je me faisais broyer par une machine complexe. Jusqu’au jour où j’ai eu la bonne idée de vouloir un diplôme universitaire. Je me suis inscrit en théologie à Strasbourg à distance, et en première année je devais faire un stage découverte, soit dans une église, soit dans une association reliée à une église. Et voici ce qui s’est passé dans ma tête :

Après 14 ans de vie dans des églises charismatiques, je me suis rendu compte que ces églises n’étaient pas des lieux pour moi : je n’y trouvais pas ma place.

Pendant 5 ans j’étais sans église et je m’en portais très bien : avec quelques potes, on se retrouvait des fois en semaine pour lire la bible ensemble et discuter de ce qu’elle nous disait. Et honnêtement ça me suffisait : je n’avais pas besoin d’église. Mais devant l’impératif de faire un stage, je me suis dit : c’est bête de me dire protestant et de ne rien connaître au protestantisme historique.

Je vais voir si une église réformée saura m’accepter en stage. Et là, je frappe à la paroisse de l’Église protestante unie de Quimper, et Hervé Stücker, le pasteur de l’époque, ainsi que le conseil presbytéral de la paroisse, m’accueillent les bras grands ouverts. Très vite, ils m’expliquent le fonctionnement de l’Église et ils me donnent des responsabilités dans la paroisse. Je m’y sens vachement bien.

Mais je n’ai pas besoin d’Église pour vivre ma foi, donc je reste dans le cadre de mon stage – et vous savez, quand je m’implique quelque part, ce n’est pas juste « en passant » : je prends toutes les occasions qui me sont données pour en apprendre le plus possible, je n’apprends pas sans m’impliquer… Bref, à l’issue du stage, moi qui n’avais pas besoin d’Église, je me rends compte que je suis…

… tombé amoureux de cette Église, et je me suis dit : « voilà un lieu où je peux vivre ma foi tel que je suis ». Ce qui m’avait touché dans cette église unie, c’était l’idée que les gens étaient d’accord de ne pas être d’accord…

… et que c’était ok, on pouvait construire quelque chose ensemble quand-même. Et là, c’est le déclic : mon projet, pour ces études de théologie, ce n’est pas seulement d’obtenir une licence. Mon projet, à partir de ce moment, c’est de devenir pasteur (je ne vous raconte pas le sentiment d’imposture qui habite les pasteurs). Je termine ma licence à Strasbourg puis je poursuis mon master à l’institut protestant de Paris.

5 années d’études extraordinaires, où je me régale – et où je ne compte pas mes heures. La dernière année d’études est une année de stage. C’était une année très difficile, vous vous en souvenez sans doute : on a eu les Gilets Jaunes – et à Paris c’était costaud

– puis le COVID est arrivé. Panique partout. J’étais dans la paroisse de Pentemont-Luxembourg et malgré les difficultés du contexte, c’était un très bon moment, dans une super communauté. C’est aussi l’année où je me suis séparé de la mère de mes deux filles, et l’année où j’ai commencé à habiter avec Léa, ma fiancée. Beaucoup de changements, quoi. Parmi vous, des gens m’ont beaucoup soutenu.

Puis – je finis mon histoire là-dessus – la commission des ministères de notre Église me propose de venir faire mes premières armes à Chartres. Entre le conseil presbytéral et moi ça a très vite matché. Léa et moi nous sommes installés dans le presbytère, et j’ai commencé mon ministère ici, dans ce petit temple situé à l’ombre de la cathédrale, à deux rue des Enfants du Paradis. Et je trouve que cette paroisse, avec ces paroissiens et ces paroissiennes-là, c’était sans doute le meilleur endroit pour commencer mon ministère.

Aujourd’hui, me voilà devant vous pour recevoir cette bénédiction particulière qui va marquer mon entrée officielle dans le rang des pasteurs de l’Église protestante unie de France.

Annonce de la grâce

La chorale chante Hallelujah pour introduire le moment du culte.

Merci à vous d’être là aujourd’hui pour vous réjouir avec moi et avec la communauté de l’Église protestante unie de Chartres, Beauce et Perche. C’est un moment important pour nous, et c’est très important que vous soyez là. Parmi nous, il y a des gens qui viennent de Vendée, de Bretagne, du Sud de la France, d’Alsace, et de je ne sais où encore ! Ça me touche beaucoup.

Le monde se divise en deux catégories : ceux qui savent ce qu’est une reconnaissance de ministère, et ceux qui ne le savent pas. Et pour caricaturer, je dirai qu’une reconnaissance de ministère, c’est comme une cérémonie d’investiture. Disons que ça officialise le fait que je suis pasteur de l’Église protestante unie de France et que j’y prends officiellement mes fonctions.

Je suis heureux de vous voir en si grand nombre. Je suis heureux aussi d’avoir avec nous une chorale locale, les Gospel Friend’s, qui vont nous accompagner tout au long de ce culte avec des chants gospel, surtout en anglais. Mais tout sera affiché là-haut, ne vous inquiétez pas, vous pourrez chanter à pleine voix, comme c’est l’usage dans nos communautés protestantes. C’est la première fois que cette chorale chante dans un culte protestant, je suis d’autant plus touché de les voir ici.

Je remercie d’avance toutes les personnes qui vont venir ici pour participer au déroulement du culte. Ça a été très dur de faire un choix parmi toutes les personnes que j’aurais voulu voir intervenir. Mais j’ai voulu faire entrer un chameau dans une botte de paille. Non c’est pas comme ça qu’on dit je crois. Un éléphant dans un dé à coude, c’est mieux. Bref, j’ai voulu que soient représentés les niveaux de l’Église (national, régional, consistorial, local et œcuménisme local), tout en marquant mon histoire dans cette Église depuis mon arrivée en master à Paris, en respectant la parité femmes/hommes et laïcs/ministres. Et je crois que j’y suis presque arrivé. Mais assez de parlotte. Il est temps d’entrer dans le vif du sujet.

Et pour commencer ce culte, je vous invite à vous lever et à entendre cette parole qui débute tous nos cultes : la grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu et de son fils Jésus-Christ, notre Seigneur.

Louange

La chorale chante Amazing Grace avec l’assemblée.

Christiane Labadille est catholique. Elle organise les rencontres du Groupe Œcuménique Biblique (GBO) de Chartres. Le GBO, ce sont des personnes de confessions chrétiennes différentes qui se retrouvent pour discuter ensemble de textes bibliques, ou bien de sujets qui leurs tiennent à cœur.

A titre d’exemple, l’an dernier, le groupe a travaillé la question de la sainteté dans le livre du Lévitique (oui, voyez combien ça peut parfois être pointu !), et cette année ces personnes discutent du livre de Christine Pedotti : Jésus, l’homme qui aimait les femmes”, où l’on observe la manière dont Jésus, à une époque où le féminisme n’existait pas et où on ne discutait pas trop de l’égalité des sexes, mettait en valeur les figures féminines.

De temps en temps, je participe à ces rencontres.

Christiane Labadille avait préparé une prière, dans laquelle elle a remercié Dieu pour les bonnes choses que nous vivions dans les relations entre nos Églises.

La chorale chante This little light of mine/Une flamme en moi avec l’assemblée.

Reconnaissance de ministère – introduction

Samuel Amedro, pasteur de l’Église protestante unie de France et président du conseil régional de notre Église pour la région parisienne, est chargé d’animer la liturgie de reconnaissance de ministère.

Voici à peu près les parole qu’il prononce :

La mission commune de l’Église est confiée à l’ensemble de ses membres. Par son baptême, chaque chrétien est appelé à vivre sa foi et à en témoigner dans la solidarité avec tous ses frères et sœurs. En appelant des hommes et des femmes, Dieu les donne à l’Église pour exercer des ministères divers et complémentaires. Tous ensemble, ils témoignent de la fidélité du Christ à ses promesses et de la richesse de ses dons.

Lionel Thébaud s’est préparé à exercer le ministère de pasteur au sein de l’Église, ministère de l’annonce de la Parole de Dieu et de la célébration des sacrements qui inclut un ministère de communion. Aujourd’hui, selon l’usage qui remonte aux origines de l’Église, nous allons procéder à son ordination – reconnaissance de ministère. Cet acte insère son ministère dans l’ordre de l’Église, c’est-à-dire à sa juste place pour que l’Église soit édifiée, qu’elle remplisse sa mission et que la Parole soit proclamée ; il signifie à la fois la spécificité du ministère pastoral et son insertion dans la diversité des ministères.

Écoutons ce que l’Écriture sainte nous dit de la mission que le Seigneur confie à son Église, et des promesses qui s’y rapportent. Pour illustrer son ministère, Lionel a choisi le passage de la lettre de Paul aux Philippiens, chapitre 4, verset 4, ce qui lui correspond bien.

La joie est sans doute l’un des éléments les plus importants et les plus communicatifs de la foi. Lionel est persuadé que lorsque nous comprenons bien les implications de la foi dans notre vie, une joie profonde et durable s’installe, la joie de savoir que Dieu est avec nous dans les moments les plus sombres comme dans les moments les plus lumineux.

Reconnaissance de ministère – louange

Nous te louons, nous te bénissons, Dieu notre Père. Dans ton amour libérateur, tu nous appelles, malgré notre faiblesse, à être tes serviteurs, porteurs de lumière et d’espérance, solidaires de toute l’humanité.

Nous te louons, nous te bénissons, Seigneur Jésus-Christ. Tu es venu en serviteur réconcilier tout homme avec ton Père. Tu as donné ta vie pour nous rendre notre humanité véritable et notre dignité d’enfants de Dieu.

Nous te louons, nous te bénissons, Esprit Saint. Tu suscites l’Église ; tu la rassembles pour l’adoration ; tu l’envoies dans le monde ; tu lui donnes la force de vivre sa foi et d’en témoigner.

Nous te louons, nous te bénissons, Dieu trois fois Saint. Pour annoncer l’Évangile, pour servir les hommes, tu fais de nous les ouvriers de ton Royaume.

Pour construire la communauté, pour aider chacun à prendre part à sa mission tu donnes à ton Église les serviteurs dont elle a besoin.

La chorale chante Seigneur, tu cherches tes enfants avec l’assemblée.

Reconnaissance de ministère – présentation du pasteur

Après avoir dressé un portrait fidèle de mon parcours et de ma personnalité, Samuel Amedro dit ceci :

Après sa licence de théologie obtenue à la faculté protestante de l’université de Strasbourg, Lionel Thébaud a reçu sa formation théologique à l’Institut protestant de théologie à Paris en date du 29 juin 2020. Il a été autorisé par la Commission des ministères à entrer en proposanat et a été nommé sur le poste de Chartres, Beauce et Perche au 1er juillet 2020. En date du 7 mars 2022, la commission des ministères a prononcé son admission au ministère de pasteur.

Aujourd’hui, mon frère, dans la communion de l’Église universelle, nous te recevons comme serviteur du Christ au sein de l’Église protestante unie de France, dont nous écouterons la Déclaration de Foi. Tu proclameras le message de grâce qu’elle exprime, ainsi sera maintenue la prédication fidèle de Jésus-Christ selon le témoignage apostolique et conformément à la tradition de foi et de vie chrétienne que nous avons reçue de nos pères.

Puis Samuel lit la déclaration de foi de l’Église protestante unie de France.

L’assemblée chante Saint-Esprit, Dieu de lumière.

Reconnaissance de ministère – engagements

Lionel Thébaud, le ministère qui t’est confié par le synode national de l’Église protestante unie de France fait de toi, là où tu es placé, un témoin de l’universalité de l’Église. Dans la soumission mutuelle, tu travailleras fraternellement avec tous ceux qui ont part à l’œuvre du Seigneur.

Tu seras responsable de tes frères et de tes sœurs. Tu les encourageras par toute ta vie. Tu seras discret dans tes propos. Tu te garderas de tout ce qui pourrait faire tomber les plus faibles.

Disposé à accueillir et à écouter, tu seras auprès de chacun témoin de l’amour exigeant de Dieu et de son pardon qui libère. Tu garderas secrètes les confessions que tu recevras.

Tu seras vigilant dans la prière, persévérant dans l’écoute de la Parole, fidèle au repas du Seigneur, assidu aux assemblées de l’Église.

Tu poursuivras ta formation spirituelle, théologique, humaine. Ainsi, tu auras à cœur de renouveler l’élan de ton ministère.

Est-ce bien là ce que tu veux ?

  • Oui, je le veux. Jésus-Christ est le Seigneur. Qu’il me soit en aide

Toi que Dieu a appelé au ministère de pasteur, Tu annonceras la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ contenue dans l’Écriture sainte, et tu célébreras les sacrements institués par notre Seigneur, en conformité avec les confessions de foi reconnues par notre Église, afin que soit rassemblée la communauté chrétienne et que, par l’Évangile, elle soit nourrie, édifiée, envoyée sur les pas du Christ.

Tu chercheras la paix et la communion avec tous ; tu aspireras à vivre dans la vérité, la justice et la charité selon l’Évangile.

Avec le conseil presbytéral, tu seras au service de l’unité du corps du Christ et de sa mission. Tu rechercheras l’unité des chrétiens dans la communauté locale et dans l’Église universelle. Tu discerneras et encourageras toute forme de service nécessaire au peuple de Dieu pour sa mission dans le monde.

Tu le feras en collaboration avec tes frères et sœurs dans le ministère et avec tous ceux qui exercent une responsabilité dans l’Église.

Est-ce bien là ce que tu veux ?

  • Oui, je le veux. Jésus-Christ est le Seigneur. Qu’il me soit en aide

Frères et sœurs, vous venez de recevoir les engagements de Lionel.

Ensemble, nous sommes appelés à travailler pour Dieu. Nous prierons pour notre frère et nous le soutiendrons.

Est-ce bien là ce que vous voulez ? Manifestez-le en vous levant et en vous engageant à haute voix :

  • Oui, nous le voulons. Jésus-Christ est le Seigneur. Qu’il nous soit en aide.

Reconnaissance de ministère – imposition des mains

Lionel, nous allons t’imposer les mains.

L’imposition des mains est signe de grâce, d’accueil, d’engagement et d’envoi dans le ministère auquel tu es appelé.

J’invite à s’approcher ceux qui vont imposer les mains :

  • Émilie Le Bailly, présidente du conseil presbytéral de la paroisse de Chartres, Beauce et Perche
  • Gildas Yarisson-Doyari, membre du groupe de jeunes de la paroisse
  • Léa Steydli, la fiancée de Lionel,
  • Esther Thébaud et Yona Thébaud, les filles de Lionel
  • Stéphane Lavignotte, pasteur de la Mission populaire évangélique de France.
  • Corinne Lanoir, enseignante à l’Institut protestant de théologie
  • Christian Baccuet, pasteur de la paroisse de Pentemont-Luxembourg

Pendant que ces personnes posent leurs mains sur ma tête, Samuel prie :

Nous t’en prions, Dieu notre Père, par Jésus-Christ, notre Seigneur, accorde et renouvelle ton Saint-Esprit à notre frère que nous recevons et établissons comme pasteur dans ton Église.

Accomplis ta force dans la faiblesse de ton serviteur. Garde-le humble, fidèle et courageux pour annoncer ton Evangile, sans être retenu par la crainte des hommes ou poussé par le désir de leur complaire.

Donne-lui de savoir écouter et comprendre.

Accorde-lui les dons nécessaires à l’exercice de son ministère. Amen.

Lionel Thébaud, au nom du synode national et comptant sur la fidélité de Dieu, nous t’ordonnons au ministère de l’annonce de la Parole de Dieu et de la célébration des sacrements, nous te reconnaissons comme pasteur.

Que le Seigneur te bénisse, qu’il bénisse ton ministère auprès de ceux et celles vers qui tu es envoyé. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Église du Christ, réjouis-toi pour les ministères que le Seigneur te donne.

Et toi, Lionel, tu n’es pas seul. Réjouis-toi d’avoir part à l’annonce de l’Évangile.

Le Seigneur est fidèle !

Reconnaissance de ministère – message personnel

Je prends la parole, et dis :

Merci à vous de me reconnaître comme pasteur de l’Église protestante unie de France. Je vous promets d’essayer de garder en moi ce qui fait que vous appréciez mon ministère : la qualité de nos relations, la joie profonde qui m’habite, et la recherche, toujours, d’une certaine originalité qui prend en compte à la fois votre sensibilité et la mienne. Mais j’ai peur que ce que vous n’appréciez pas en moi fasse aussi partie du package, comme cette tendance à vous prendre à contre-pied, à remettre en question les évidences et à pointer du doigt ce qui ne va pas. Cependant, j’apprendrai – car on apprend toujours, n’est-ce pas – à mieux y mettre les formes. En tout cas, merci pour votre soutien. Ça me porte vraiment. Merci.

La chorale chante Oh! Freedom avec l’assemblée.

Prédication

Avant de lire le texte biblique, Christian Baccuet prie ainsi : Seigneur, nous allons ouvrir l’Ecriture. Que ton Esprit, comme il a inspiré ceux qui ont écrit les mots que nous allons lire, inspire notre écoute pour que nous y recevions ta Parole, parole de vie pour notre vie. Que ta Parole soit la vérité de notre foi, la source de notre amour, la fermeté de notre espérance. Amen.

Puis il lit le passage de l’évangile selon Matthieu, au chapitre 21; les versets 28 à 32.

Vous le connaissez…

Il a le visage rond, il sourit tout le temps, il porte un regard positif sur les personnes et les situations, il est toujours prêt à aider, son enthousiasme et sa capacité à s’émerveiller font plaisir à voir. On l’aime beaucoup…

Vous pensez à Lionel ?

Moi, je pensais à Oui-Oui, ce petit bonhomme ainsi nommé parce qu’il a un cou comme un ressort et que sa tête se balance sans cesse d’avant en arrière, comme pour dire « oui, oui ».

On pourrait penser à Lionel, c’est vrai ! Mais il y a deux grandes différences entre Oui-Oui et Lionel : Lionel ne dit pas « oui » tout le temps ; et Oui-Oui vit au pays des jouets mais pas Lionel. Ce n’est pas un jugement sur Chartres ! C’est le constat de ce qu’est la vie, en général compliquée, et le monde, souvent dur. Comme le chante quelqu’un que nous aimons fort tous les deux : « La vie c’est pas du bubble-gum Et rien qu’le fait de respirer Ça m’fout des crampes dans le sternum » (Thiéfaine, Taxiphonant d’un pack De Kro).

Lionel, tu le sais bien, toi qui es devenu pasteur après un parcours riche en péripéties, en expériences heureuses ou éprouvantes, en remises en question, en périodes de « oui » et de « non » qui se succèdent, voire se heurtent. Malgré ton sourire tu n’es pas « béni-oui-oui », naïf, soumis, prêt à avaler toutes les couleuvres. Tu as même une bonne dose de révolte en toi ! En toi, comme en la plupart d’entre nous, le « oui » et le « non » se mêlent.

C’est pourquoi j’ai eu envie d’entendre avec toi, aujourd’hui,la petite parabole que nous venons de lire. Car Jésus y parle de toi.

Jésus n’y parle pas de Oui-Oui. Jésus ne parle pas dans le monde des jouets, Jésus parle vrai. Il ne parle pas dans un monde imaginaire mais dans la réalité. Sa parole vient révéler ce qui se trouve dans la complexité de notre existence. Il nous place face à nous-mêmes et c’est en cela que sa parole est vérité pour nos vies.

Jésus raconte l’histoire de deux fils. Leur père leur demande d’aller travailler dans sa vigne. L’un des fils dit « non »… mais il va travailler quand même dans la vigne. L’autre dit « oui »… mais n’y va pas. Ce n’est pas Oui-Oui, mais Non-Oui et Oui-Non !

« Lequel des deux a fait la volonté de son père ? », demande Jésus. Les auditeurs d’il y a deux mille ans répondent ce que nous répondrions nous-mêmes aujourd’hui : le premier, celui qui dit non et qui va quand même faire ce que son père lui a demandé. Car lui, au moins, il va aider son père. Mais attention, cette réponse est risquée. Et cette parabole m’a longtemps irrité, pour trois raisons.

La première, c’est qu’elle peut servir de prétexte pour dire de certains qu’ils sont des « chrétiens sans le savoir », ceux qui disent non mais qui font le bien. Au-delà de l’aspect prétentieux d’une telle attitude de récupération, quelle liberté laisse-t-on à l’autre d’exister pour ce qu’il est ? La deuxième, c’est qu’on peut y entendre une incitation à l’activisme : ce qui compte, c’est d’agir… Mais cela est dangereux dans notre temps où « être » et « faire » sont souvent déconnectés, voire opposés ; il faut toujours faire plus, plus vite, plus efficacement ; nos compétences sont jugées et nos vies validées en fonction de ce que nous rapportons, et cela conduit à l’épuisement ou à la culpabilisation de pas y arriver… La troisième, c’est qu’on pourrait y entendre que les paroles ont peu d’importance. Mais on voit bien qu’il est dramatique de vivre dans un temps où la parole est dévaluée à force de communication, de mensonges, de promesses vides de sens, d’engagements non suivis des faits.

Détenir la vérité, se noyer dans l’activisme, prononcer des paroles vides… Trois risques majeurs de ministère pastoral ! Alors, comment comprendre cette parabole ? Je voudrais aujourd’hui, pour toi Lionel, en relever trois dimensions essentielles.

1 – Être en relation

Il y est d’abord question de relation.

La parabole commence par le dialogue entre le père et son premier fils (v. 28-29). « Mon enfant, va travailler dans la vigne aujourd’hui », dit le père. Ce premier fils sait que c’est son père qui lui parle, il entend résonner le « mon enfant ». Il est dans une juste relation de fils à père. Alors il peut répondre en vérité : « Je ne veux pas ». Sa réponse est sa propre parole, vraie, sincère, juste parce qu’elle se situe dans une relation bien ajustée.

La réponse du deuxième fils est en contraste : « Oui, maître » (v. 30). Cela est curieux ! Il ne dit pas « père », ou « papa », mais « maître » (κύριε) ! Il parle à son père comme un esclave parle à son maître ! C’est comme si sa relation était mal ajustée, comme si un maître lui donnait un ordre contraignant auquel il ne peut dire « non » sans craindre une punition. Alors comme un esclave, il dit « oui » mais son oui veut dire non. Son « oui » n’en est d’ailleurs pas un. Dans le grec de l’Évangile, ce qui est traduit par « oui » ou « bien sûr » dans nos Bibles, est le mot : « ego » (ἐγώ) ! « Moi » je veux bien. Comme s’il était plein de lui-même, satisfait, au centre, égocentré… Sa parole signe une relation faussée à lui-même et à son « maître », narcissisme et peur mêlés… Cette parole, dès lors, ne débouche sur rien.

Cette parabole des deux fils se joue sur une question de relation : être soi-même dans une juste relation à celui qui appelle, ou être dans une relation faussée et une parole qui ne fait pas de place à l’autre. Voilà qui résonne pour l’exercice du ministère pastoral. Un ministère de relation, qui fait place à l’autre, et qui donc fait place à soi-même. Un métier qui implique la personne, avec le risque d’un ego hypertrophié, d’où l’importance de savoir être avec, avec les autres et avec soi-même. C’est pourquoi il importe de veiller à sa propre relation à Dieu, non comme à un patron exigeant mais comme à un père aimant. Se ressourcer, écouter, être disponible, c’est la clef pour être dans un ministère bien ajusté. Alors, Lionel, place bien dans ton agenda des temps pour ta relation à Dieu !

2 – Prendre le temps

J’évoque ton agenda, parce qu’au cœur de la différence entre les deux fils de la parabole, il y aussi une question de rapport au temps.

Le premier fils a dit non mais le temps passe et « plus tard », il change d’avis, il est « pris de remords » (v. 28). Le verbe grec est metamellomai (μεταμέλομαι), qui signifie littéralement « s’inquiéter après » ou « envers quelqu’un », et plus largement « se repentir ». Ce qui caractérise ce fils, c’est l’espace-temps entre sa parole et son action, qui l’ouvre à un changement possible. Il sait qu’il est en relation avec son père, il sait que son père l’a appelé à travailler mais qu’il l’a laissé libre de son choix. Il sait donc qu’il peut ne pas rester enfermé dans sa première réponse, il peut en sortir, il est libre. Il a compris que son père lui offrait son amour en l’invitant à travailler dans la vigne. Il prend le temps – « plus tard » – et il accepte de changer – « pris de remords » – et il va dans la vigne.

Le deuxième fils, lui qui est dans une mauvaise relation à celui qu’il prend pour un tyran, est dans un rapport tout différent au temps. Le texte dit : « Il répondit : ‘Moi je veux bien, maître’, mais il n’y alla pas ». (v. 30). Il n’y a pas de « plus tard », il ne prend pas le temps de la réflexion, de la relation entre le dire et le geste. Il est dans une immédiateté qui l’enferme dans son hypocrisie.

Cette parabole des deux fils qui joue sur la relation – le père ou le maître ? – joue aussi sur le rapport au temps. Le temps qui donne la possibilité de bouger, de changer, d’avancer, de renoncer, d’écouter. Ou l’absence de temps, l’absence d’espace, l’impossibilité de vivre. Un temps figé ou un temps ouvert.

Voilà qui résonne pour l’exercice du ministère pastoral. Un ministère qui s’inscrit dans le temps, le temps long de Dieu, le temps de la relation, le temps de l’expérience, le temps d’évoluer, de mûrir. Prendre le temps, ce n’est pas perdre du temps, c’est laisser place à la vie.

Alors, Lionel, prend le temps de mettre en perspective ce que tu vis, de prendre du recul, de te renouveler, de rester ouvert à des engagements dynamiques, le « oui » au-delà du premier « non ». Accepte de te tromper et de te savoir pardonné. Suis le Christ comme on répond à l’appel de la vie !

3 – Provocation

C’est de vie qu’il s’agit fondamentalement dans cette parabole. L’histoire que raconte Jésus parle à un niveau profond.

C’est à des hommes qui cherchent à le piéger que Jésus raconte cette histoire, aux « grands prêtres » et aux « anciens du peuple » (v. 23), c’est-à-dire aux chefs religieux de son temps, à ceux qui sont habitués à dire oui à Dieu parce qu’ils le craignent comme on craint un maître, mais qui ne souhaitent pas bouger de leurs certitudes, de leur haute opinion d’eux-mêmes, les bien-pensants, et de leur jugement sur les gens qui leur paraissent perdus parce que mauvais croyants ou personnes de mauvaise vie. À ces hommes centrés sur leur ego, Jésus, vigoureusement, fait comprendre qu’ils sont comme le deuxième fils, que le oui de leurs lèvres n’est pas le oui de leur cœur, qu’ils sont facilement vides, lâches, hypocrites. Et pour que ce soit bien clair, il ajoute : « En vérité, je vous le dis, les collecteurs d’impôts et les prostituées vous devancent dans le Royaume de Dieu ! » (v. 31). Phrase provocante pour ces hommes qui sont persuadés d’être les meilleurs !

Au temps de Jésus, les prostituées et les collecteurs d’impôts étaient mis au ban de la société. Les prostituées en raison de leurs mœurs choquantes et parce qu’elles dérangent dans ce que nous avons de plus fragile, la sexualité. Et les collecteurs d’impôts parce qu’ils étaient au service des occupants romains et qu’ils profitaient de leur charge pour s’en mettre plein les poches. Pour les grands prêtres et les anciens du peuple, les prostituées et les collecteurs d’impôts étaient les personnes les plus éloignées de Dieu. Elles étaient pour eux le type même des personnes qui ont dit « non » à Dieu et par là même se sont exclues de la relations à Dieu et aux autres.

A l’inverse du regard des grands prêtres et des collecteurs, les évangiles nous disent que ce sont ces exclus qui viennent écouter Jésus, sont touchés par sa parole et relevés par lui (« relever » en grec, c’est un verbe qui dit « ressusciter »). Ce sont eux qui le suivent. Matthieu le disciple et Zachée le mal-aimé étaient collecteurs d’impôts, la femme qui verse du parfum sur les pieds de Jésus était une prostituée. C’est à ces personnes-là, dit Jésus, que Dieu dit « oui ». « Elles vous devancent dans le Royaume de Dieu », dit-il (v. 31). Elles sont mises en mouvement par la parole de Dieu. Elles ont un creux, un manque au fond d’elles-mêmes, alors elles peuvent bouger, entendre la voix de Dieu comme celle d’un père qui aime, qui permet de dépasser tous les « non » qu’on peut lui opposer, et aller travailler avec son amour dans le monde. « Elles vous précèdent »… Le verbe est au présent : elles sont déjà plus proches de Dieu que vous, parce qu’elles en vivent. Elles vous précèdent auprès de Dieu car vous, « vous n’avez pas eu de remords » (v. 32) – le même mot « remords » que pour le premier fils qui, lui, en a eu.

Provocation de la part de Jésus, c’est-à-dire parole qui bouscule et appelle au changement. C’est là le cœur de l’Évangile. C’est là le cœur de la mission de pasteur, le cœur de ton ministère, Lionel.

Tu es appelé à provoquer. Pas à tenter de faire le buzz en clivant – c’est plutôt déconseillé dans l’exercice du ministère ! Mais à être porteur de l’Évangile, de la parole de Jésus, de la présence du Christ, de son appel à recevoir l’amour de Dieu comme d’un Père, de son appel à suivre le Christ dans sa présence aux plus faibles, de son appel à toujours être renouvelé dans l’Esprit saint. Appel qui ne s’adresse pas à une élite mais à tous ceux qui, quels que soient les origines, le parcours, les choix de vie, les convictions, les refus ou les paroles vides, la souffrance ou l’exclusion, en ont besoin. Particulièrement ceux pour qui « la tristesse est la seule promesse que la vie tient toujours » (Thiéfaine, Eloge de la tristesse).

Provocation : vocation pour. Témoigner pour eux de l’amour inconditionnel de Dieu, pour chacun, pour chacune, qui relève, remet en route, permet de trouver sa place dans le monde, invite à travailler librement et joyeusement dans la vigne, dans l’Église, sur cette terre.

4. Une dynamique de confiance

C’est de foi dont il s’agit ici.

Jésus met en parallèle « faire la volonté du père » et « croire » (πιστεύω : pisteuo) : vous n’avez « pas cru » Jean-Baptiste, alors que les collecteurs de taxe et les prostituées « ont cru », et « vous qui avez vu cela […] vous ne l’avez pas cru davantage ». La foi, c’est la relation à Dieu qui ouvre à une relation renouvelée à soi-même et aux autres : pouvoir dire « je », accéder à soi-même par la parole d’un autre : son appel et ma réponse, dans le temps ouvert de la confiance. La foi, c’est une dynamique de confiance, l’invitation, sans cesse, au repentir, au changement, à la conversion, au nouveau départ. Et la confiance – cum fides – c’est la foi avec d’autres.

Cette parabole s’adresse à toi Lionel. Mais elle ne s’adresse pas qu’à toi. On ne peut pas être pasteur tout seul. Pasteur est un ministère d’Église. Et l’Eglise, c’est la communauté des frères et sœurs en Christ, tantôt disant non, tantôt disant oui, tantôt allant dans la vigne et tantôt fuyant l’appel. C’est nous tous, ensemble, chacun de nous avec les autres. Cette parabole s’adresse à chacun de nous.

Par cette parabole, Jésus nous dit que Dieu est pour nous comme un père et non pas comme un maître. Son appel à travailler avec lui à la construction d’un monde meilleur, de vies plus heureuses, de liens de paix entre nous, n’est pas un ordre mais une invitation, une parole vive qui nous laisse libres et nous rend responsables, joyeusement. Son appel ouvre à une relation vivante où aucun « non » n’est jamais définitif, où le pardon est toujours offert, où l’amour peut toujours ressusciter, où le « oui » de Dieu sur nos vies peut toujours être accueilli !

Et toi, Lionel, avec ton visage rond, ton sourire, ton regard positif, ta sensibilité, ton ouverture, et avec ton expérience de vie, tes combats et tes cicatrices, et surtout avec l’aide du Seigneur, puisses-tu nous aider à vivre ce « oui » de Dieu sur nos vies ! Amen.

La chorale chante Down by the Riverside, puis entonne He’s got the whole World in His Hands avec l’assemblée.

Partage de la sainte cène

Eric George, pasteur à Versailles, et Marie-Françoise Debreuille, présidente de l’Entraide protestante de Chartres, animent ce temps de sainte cène.

Avant de prononcer les paroles d’institution de la cène, et avant de missionner des membres du conseil presbytéral pour la distribution du pain et du vin, Eric Georges a expliqué ce que signifiait la cène pour nous, en protestantisme.

Bravo aux personnes qui ont fait en sorte que ce moment, toujours un peu long mais intense au niveau du sens et des émotions, soit fluide, alors que toutes nos habitudes étaient chamboulées.

L’assemblée chante Oh, Jésus priant le Père.

Annonces

Emilie Lebailly rappelle que nous avons un culte tous les dimanche à 10h30 au temple situé au 20, rue saint Thomas, à Chartres. Et elle invite les personnes présentes à s’attarder au buffet organisé après le culte, dans le hall du cinéma. Une boîte spéciale sera placée sur une table de manière à ce que les personnes qui le souhaitent fasse un don pour le pasteur qui vient d’être reconnu.

Offrande

Elle rappelle aussi que l’annonce de l’évangile est gratuite, mais la présence de l’Église protestante pour accompagner les personnes qui ont besoin d’elle n’est possible que par les dons de toutes celles et tous ceux qui participent à sa vie. L’Église ne reçoit aucune subvention et elle ne fait pas payer ses services.

Aussi, Émilie remercie les personnes qui auront à cœur de donner pour permettre à l’Église de continuer sa mission, en rappelant que chacun et chacune est libre de donner ou de ne pas donner, sans pression et surtout sans culpabilité.

Des corbeilles seront à disposition à la sortie de la salle de cinéma.

Intercession

Jean-Claude Pennetier (prêtre orthodoxe à Chartres et musicien de renom) , son épouse France (musicienne, chanteuse et actrice), Anne Petit (pasteure de l’Église protestante unie à Rambouillet) et Olivier Reber (pasteur de l’église évangélique La Bonne Nouvelle à Chartres) ont mené, chacun·e avec sa sensibilité, la prière d’intercession.

Envoi

Andreas Seyboldt, pasteur au centre 72, à Bois-Colombe, a prononcé la parole d’envoi comme suit (texte de Arnold Eberhard) :

Les difficultés ne devraient pas nous déprimer ou nous détourner. La cause qui nous a saisi est si grande que les petites faiblesses individuelles ne peuvent pas la détruire. C’est pourquoi je vous demande une seule chose : ne soyez pas si préoccupés de vous même. Libérez vous de tous vos plans et projets. Ils vous occupent beaucoup trop. Abandonnez-vous au soleil, à la pluie et au vent, comme le font les fleurs et les oiseaux. Abandonnez-vous à Dieu. Ne souhaitez qu’une chose : que sa volonté soit faite, que son règne vienne, que sa nature soit révélée. Alors, tout sera bien.

Bénédiction

Andreas bénit l’assemblée.

La chorale chante Oh, Happy Day !

Le mot de la fin

Reprenant la finale du film The Blues Brothers… j’ai dit :

Nous sommes en mission pour le Seigneur.

Je suis heureux d’avoir vécu ce moment avec vous aujourd’hui, et je veux vous remercier, vous qui avez fait le choix de venir nous rejoindre aux Enfants du Paradis. Merci à toutes les personnes qui ont accepté d’intervenir au cours de ce culte, et merci aux Gospel Friend’s. J’espère sincèrement que vous aurez passé un bon moment, et surtout n’oubliez pas que, qui que vous soyez, et quoi que vous fassiez pour gagner votre vie, tenir le coup et survivre, il y a toujours quelque chose que nous avons avons tous en commun. Vous, moi, eux, tout le monde, everybody.

(Et là, plusieurs m’ont suivi à chanter “Everybody needs somebody to love”… j’avoue que je ne m’y attendais pas !)

Maintenant, il est temps de passer dans le hall d’entrée pour manger un peu, boire un peu, et surtout discuter et nous réjouir ! Passez un très bon moment ! Que Dieu vous bénisse !

Conclusion (enfin)

Cette journée mémorable du 29 janvier 2023 a été très riche en émotions. Le stress grandissait avant l’événement, comme quand j’étais enfant et que j’attendais Noël : j’imaginais la chose sans cesse, je m’endormais en rêvant à l’événement, à la manière dont ça allait se passer, à la manière dont j’aimerais que ça se passe, et plus j’y pensais, plus l’excitation prenait de la place. Au point d’en avoir l’estomac retourné.

Ce n’est pas toujours mauvais, le stress. Pas toujours désagréable, d’ailleurs. Même quand ça empêche de dormir !

Et ce moment, que je voyais il y a encore 6 mois comme une simple formalité (un tampon sur un document)… pour lequel je ne voyais pas l’intérêt d’une cérémonie particulière… ce moment s’est transformé dans mon cœur, au fur et à mesure que je le préparais et que je regardais le tableau des personnes qui s’inscrivaient à l’événement, et que je lisais les mails des personnes qui regrettaient de ne pas pouvoir venir.

Je voyais que la reconnaissance de ministère était le lieu où les gens qui m’apprécient – et même ceux qui m’apprécient moins, d’ailleurs – me reconnaissent dans ce ministère de pasteur. Ce n’est pas seulement une dynamique institutionnelle, c’est aussi (et pour moi : surtout) une reconnaissance relationnelle. Voir ainsi des paroissien·ne·s, des pasteur·e·s, des partenaires, des ami·e·s, des membres de ma famille, des voisin·e·s, des commerçant·e·s, bref tant de personnes et de personnalités si différentes, aux parcours spirituels et culturels tellement divers, attachées à venir me témoigner de leur affection à l’occasion de ce tournant important pour moi, ça m’a bouleversé.

Quelques années en arrière, je n’aurai jamais cru ça possible.

Je n’aurais même jamais osé en rêver.

Je suis heureux d’avoir revu les gens de ma famille et d’avoir vécu ce moment avec eux. Heureux d’avoir été entouré de toutes ces personnes venues me témoigner cette affection, venues reconnaitre le ministère qui m’a été confié.

Aujourd’hui je suis infiniment reconnaissant à mon Église (c’est-à-dire à toutes les personnes qui composent cette Église protestante unie de France) d’avoir pris le risque de m’accepter tel que je suis, et de m’avoir accueilli dans le rang de ses ministres (même si – vous le savez bien – ça ne veut surtout pas dire que je serai “rentré dans le rang” !)

Merci aussi à toutes celles et tous ceux qui, de près ou de loin, ont été là pour m’accompagner, m’encourager dans cette voie, qui ont participé à rendre tout ça possible. Il y a là des personnes à remercier qui jamais ne liront ces mots, parce qu’ils sont morts, ou parce que notre relation est morte – c’est la vie. Mais je les porte quand-même avec moi.

Enfin, merci à cette paroisse de Chartres, Beauce et Perche, qui supporte mes excentricités avec joie, et qui met la main à la pâte pour dynamiser la communauté et la vie protestante locale. C’est une grande joie de travailler avec vous !

Et pour vraiment conclure cette conclusion, la relation avec la chorale The Gospel Friend’s étant très bonne, j’ai décidé de continuer l’aventure en chantant dans la chorale. J’espère avoir assez de temps, assez souvent, pour vivre avec ces choristes des moments de plaisir et de joie ! Merci à elles et à eux pour leur accueil chaleureux !

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