La vie est belle
La vie est belle, vous le savez sans doute, c’est le titre d’un film qui raconte comment un enfant traverse un camp de concentration, porté par les histoires folles de son père. La vie est belle, c’est l’histoire de la vie qui prend corps au beau milieu de la mort programmée. La vie est belle, c’est un poème déclamé devant tous les désespoirs.
Et le désespoir nous guette chaque jour.
Vous pouvez écouter un enregistrement de ce message ici, sur Radio Grand Ciel.
Nier la souffrance de l’autre
Ce qui me désespère moi, c’est de voir combien nous cherchons sans cesse à fuir les réalités de ce monde. Si vous êtes comme moi, alors vous n’avez pas envie d’entendre les gens vous parler de leurs angoisses. Dès que quelqu’un commence à dire : “J’ai peur de tomber malade” vous lui dites, avant même qu’il ait fini de parler : “oh mais tu es en bonne santé, il ne va rien t’arriver !” Et ces réflexes-là, qui vous habitent et qui m’habitent, me désespèrent.
Ils me désespèrent, parce que ce sont des paroles qui jettent un drap sur le problème de l’autre. Dire ces paroles, c’est faire entendre à l’autre que ses angoisses ne nous intéressent pas. Et c’est le forcer à nier que ses questions le hantent.
Quand vous jetez votre drap comme ça sur la personne qui vous parle, vous enfermez ses questions angoissantes dans son cœur. La personne se rend compte qu’elle ne peut pas parler de ce qui la hante. Qu’elle est seule avec ses démons, sans personne pour marcher avec elle.
Une lecture perverse de la Bible
Il y a une manière de lire la Bible qui nie l’autre. Par exemple, j’ai connu une femme dont l’enfant est mort tout jeune. Et vous savez, j’imagine, ce que des frères et des sœurs lui ont dit, au moment même où elle demandait : “pourquoi Dieu a-t-il laissé faire ça ?” On lui a dit : “Dieu a un plan. Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu”. Allez vous étonner, après ça, que cette femme se soit détournée de l’Église, et de la pratique de la foi.
Cette manière d’utiliser la Bible – c’est-à-dire de nier ce que nous ressentons au profit d’une parole qui coupe court à toute remise en question profonde – c’est exactement le contraire de ce que fait la Parole de Dieu. La Parole de Dieu, elle, vient nous toucher en plein cœur pour nous bouleverser, sans nous épargner la traversée de l’angoisse. La Parole de Dieu met précisément le doigt là où nous ne voulons pas être grattouillé, parce que c’est la seule manière de vivre la libération. Et dire “Dieu a tout prévu, ne t’en fais pas, oublie que tu as mal et que tu as peur” ça n’aide absolument personne. Ce qui aide, c’est de voir que Dieu assume lui-même nos malheurs et traverse notre vie avec nous. Ce qui aide, c’est de voir que Dieu nous travaille en profondeur et nous aide à lutter contre les démons qui nous hantent.
C’est de savoir que Dieu nous aime tellement qu’il nous fait confiance pour prendre notre vie en mains, qui nous aide. Dieu croit de tout cœur que nous allons réussir. Parce que l’amour est comme ça : il encourage, il accompagne, il souffre, et il n’empêche pas l’autre de vivre sa vie comme un être responsable.
Dieu a confiance en nous : un projet fou
Personnellement, je trouve le projet d’amour de Dieu formidablement insensé. Extraordinaire. Je pense à Judas, dont la bible dit qu’il aimait beaucoup l’argent, et pourtant c’est Judas que Jésus a nommé trésorier de l’association des apôtres. Dieu parie sur Judas, il se dit : « il risque d’échouer, mais je veux lui donner l’occasion de réussir ». Donc je lui confie cette responsabilité.
Cet amour, cette confiance que Dieu a placée en moi me trouble et me bouleverse. “Hey Dieu, tu vois pas que tu t’es trompé ? Tu n’as pas misé sur le bon cheval, là. Je sais comment je suis, et tu sais comment je suis, ce que je vais faire ce ne sera pas parfait, je vais me tromper et il y a de fortes chances que des gens auront mal, au bout du compte.”
Et Dieu me répond : “Tu vas te tromper, oui, c’est vrai. Tu ne peux pas faire autrement. Mais je préfère que tu te trompes par amour, plutôt que tu réussisses par orgueil”.
La mort est réelle
La vie est difficile, la mort rôde sans cesse, chaque jour vous pouvez trébucher et rester sur le carreau. C’est la réalité : l’espérance de vie à la naissance est de 71 ans dans le monde. Mais il y a des différences fortes entre les pays : les Japonais ont une espérance de 84 ans alors que les enfants nés au Sierra Leone vont vivre 50 ans en moyenne. Et bien sûr, l’espérance de vie n’est calculée que sur la base des enfants qui sont nés. On ne compte pas le nombre des grossesses qui n’arrivent pas à leur terme.
Chaque année, c’est 59 millions de personnes qui meurent. La mort est partout autour de nous : il y a les guerres et les accidents, bien sûr, mais il y a les maladies, qui représentent la première cause de mortalité. C’est très important d’en avoir conscience et de regarder cela bien en face.
Allez faire un tour en EHPAD, allez visiter des malades, en hôpital, par exemple, ou même chez eux, écoutez attentivement les gens vous parler de leurs souffrances et de leurs angoisses. Alors vous aurez une conscience aiguë de ces choses. Alors, vous cesserez de jeter un drap sur ces angoisses, mais vous traverserez ça avec l’Esprit de Dieu. Le psaume qui dit “dans la vallée de l’ombre de la mort je ne crains aucun mal, car tu es avec moi” prendra un sens bien différent.
Mais la vie est belle
Regardez la mort en face, régulièrement, et vous savourerez le goût de la vie. Gardez la conscience de la fragilité de la vie, et vous verrez combien Dieu est extraordinaire et combien son projet d’amour et de vie est un projet fou, et stimulant. Vous apprécierez alors qu’il vous appelle à changer le monde pour qu’il aille mieux. Et peut-être que vous vous mettrez en route pour mettre une petite touche de sel ici, un peu de poivre là, et puis tiens, pourquoi pas du jaune ici, et du rouge, et du vert et du bleu et soyons fou, un peu de violet et de rose dans les coins pour que tout ça rayonne encore un peu plus !
La mort fait partie de la vie. C’est toujours très difficile à traverser, mais la mort n’est pas un événement exceptionnel. Elle fait même partie de ce que Dieu assume. Jésus n’a pas refusé de voir la mort en face, alors que sa mort est injuste, ignoble et franchement, elle arrive bien trop tôt. Jésus était bien trop jeune pour mourir. Mais vous le savez très bien : il n’y a pas d’âge pour mourir. On peut mourir n’importe quand, il n’y a pas de règle. La question n’est donc pas « quand vais-je mourir ? » mais plutôt « quand vais-je vivre ? » Je veux dire, réellement vivre la vie que Dieu souhaite me voir vivre !
Vivons !
La vie est belle, ce n’est pas le slogan d’un optimisme naïf et béat. La vie est belle, c’est le cri des enfants de Dieu qui voient en même temps la misère du monde et le projet fou de l’amour de Dieu. Montrez à tous ceux et toutes celles qui vous entourent combien la vie est belle, en ne refusant pas de constater le malheur, tout en vivant de cette joie profonde qui vient briser les chaînes de la peur.
Avec ces choses à l’esprit, lisons les premiers versets de la première lettre de Jean.
La parole qui donne la vie existe depuis le commencement. Nous l’avons entendue. Nous l’avons vue de nos propres yeux. Nous l’avons observée. Et nos mains l’ont touchée. Cette vie s’est manifestée et nous l’avons vue ! Nous en sommes témoins et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons vu et entendu, c’est à vous que nous l’annonçons aussi ; ainsi vous serez comme nous dans la communion que nous avons avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Et nous, nous écrivons ceci afin que notre joie soit complète !
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Comments (2)
Jean-Michel Ulmann
6 février 2023 at 12:37
Magnifique prédication, monsieur le pasteur, non seulement consolante et claire mais hardie et stimulante.
Je la trasnmets à tous mes proches mortels.
Merci Lionel
jmu
Lionel Thébaud
8 février 2023 at 07:50
<3