Prier que Dieu vienne
Depuis le début de l’ère chrétienne, les gens prient MARANA THA ! Viens, Seigneur ! Je me demande pourquoi prier que Dieu vienne. Et je me demande pourquoi il n’est toujours pas venu.
Dans l’évangile selon Matthieu, chapitre 24, versets 37 à 44, nous n’avons pas une mauvaise nouvelle, puisqu’il s’agit de la venue de Dieu. Bon, d’accord, ça parle de déluge, de gens qui seront pris alors que d’autres seront laissés, de voleur qui doit venir et cambrioler… Mais tout de même, il y a une bonne nouvelle : dans cette histoire, il s’agit de la venue du Seigneur ! La bonne nouvelle comporte une partie « mauvaise nouvelle », bien sûr. C’est toujours le cas avec l’Évangile.
Que Dieu vienne… une bonne nouvelle ?
Par exemple, quand Jésus dit « tes péchés sont pardonnés », c’est une bonne nouvelle, mais ça veut dire qu’il a mis le doigt sur tes péchés. Et ça, ça ne fait pas du bien. Parce que tu sais quels sont tes péchés, et parce que tu préférerais qu’on les mette sous le tapis. Mais Dieu les voit, il te les montre, et il te dit « voilà, c’est pardonné ».
La bonne nouvelle fait quand-même souffrir, hein, ce n’est pas du coton douillet et chaud. La venue du Seigneur, c’est du même acabit : il vient, c’est une délivrance, mais on assiste alors à des événements douloureux.
La vie c’est pas du bubble-gum
J’ai lu l’autre jour un petit texte qui m’a paru juste. Ça dit :
« Dieu a dit à Noé qu’il y aurait un déluge, mais la sécheresse a duré. Dieu a dit à Abraham qu’il serait père d’une nation, mais la stérilité a duré encore 25 ans. Joseph a rêvé de son élévation, mais le lendemain ses frères l’ont jeté dans un puits. Dieu a dit à Moïse qu’il délivrerait son peuple de l’Égypte, mais le cœur de Pharaon s’est endurci. David a été choisi comme roi, mais Saül est resté au pouvoir jusqu’à sa mort. Ne panique pas. C’est le processus normal. »
Ce que ce petit texte pointe du doigt, c’est la dynamique de l’espérance. Ce n’est pas la dynamique du processus facile et sans douleur. Tout résultat nécessite un effort, on n’accouche pas d’un enfant sans avoir part aux difficultés de la grossesse.
Dieu ne vient pas sans que ça nous secoue. Et dans les faits, si Dieu – le libérateur – vient, alors tout ce à quoi nous tenons est ébranlé.
Nous tenons à nos richesses, mais à quoi vont-elles servir une fois le jour du Seigneur advenu ? Nous tenons à notre tranquillité, mais que se passera-t-il quand le Seigneur viendra ? Voulons-nous qu’il nous laisse tranquille, ou voulons-nous qu’il nous prenne avec lui ?
Tout ceci peut nous sembler abstrait – et ça l’est – mais cela a des implications bien concrètes : toutes nos idoles seront détrônées lorsque le Seigneur viendra. Et Jésus nous encourage à les détrôner dès aujourd’hui, pour que la justice du royaume soit visible.
Nous ne prions plus pour que Dieu vienne
MARANA THA ! Viens, Seigneur !
Je l’ai dit, les communautés prient cette prière depuis le début de l’ère chrétienne. Mais dans notre Église nous ne la prions pas – ou alors très rarement. Pourquoi ?
Peut-être parce que nous ne sommes pas pressés de voir le Seigneur venir. Nous tenons un peu trop à nos idoles. Ça se comprend. Mais je ne crois pas que ce soit ça, la vraie raison.
Nous avons nos idoles, ça c’est sûr, il n’y a qu’à voir la manière dont nous réagissons lorsque nous abordons la question de l’argent, ou de l’héritage, ou de nos placements financiers. Quand on répète ce que Jésus disait, à savoir qu’on ne peut pas à la fois servir Dieu et l’argent, on opine de la tête, mais au fond notre angoisse de manquer prend le pas sur la vérité de l’Évangile.
Donc nous avons nos idoles, et nous ne voulons pas trop les détrôner. Mais ce qui me semble être la cause de l’abandon de cette prière, c’est simplement que nous ne pouvons plus y croire.
Viens, Seigneur, viens ! Deux millénaires que cette prière est formulée et que Dieu ne vient pas. Je plaisante souvent en citant l’apocalypse, qui fait dire à Jésus : je viens bientôt. Quand ma chérie me dit « on mange bientôt » je lui demande « bientôt, c’est dans combien de temps ? » J’ai pas envie de me faire avoir une deuxième fois !
Prier ? Mais Dieu n’est pas venu !
Pourquoi, alors que les communautés chrétiennes ont prié pour que Dieu vienne, Dieu n’est-il pas venu ? Pourquoi, quand on prie, Dieu n’exauce pas ? Pourquoi ? A quoi ça sert de prier, au fond ? Est-ce que c’est juste formuler des vœux pieux comme « Seigneur soutiens nos dirigeants ? Et console les pauvres ? » A quoi ça sert, bon sang ?
C’est le pasteur James Woody, de Montpellier, qui a fait naître en moi cette réflexion. Rendons à James ce qui appartient à James, et ici je fais une relecture de son message sur la prière (spoiler alert).
Prier… ce qui est en jeu
Il commence par décortiquer un texte de l’évangile selon Marc, que l’on traduit ordinairement par « ayez foi en Dieu ». Et James Woody montre que le texte dit plutôt « ayez la foi de Dieu ».
Ce qui compte, ce ne sont pas mes efforts pour croire en l’incroyable. Je n’ai pas à me forcer de croire que Dieu peut me faire pousser un troisième bras ou guérir instantanément le VIH. Ce genre de foi ne serait, au fond, qu’une œuvre de plus, et nous savons que les œuvres ne produisent pas la foi : c’est l’inverse.
En revanche, nous dit James Woody, avoir une foi de Dieu, c’est être au bénéfice de la foi de Dieu. Il s’agit de se laisser gagner par la confiance de Dieu. De s’ouvrir à Dieu. D’accueillir Dieu, qui a confiance en nous, Dieu qui a foi en l’humanité.
Ça signifie au fond que pour Dieu, nous sommes des êtres capables d’agir pour accomplir ce qui est bon, parce que nous sommes des êtres responsables face à la vie qui nous arrive.
Tu remarqueras que quand on prie en ayant à l’esprit « ayez foi en Dieu » on entend que le doute n’est pas le bienvenu. Or, la Bible voit le doute comme un outil au service de la foi : le contraire de la foi ce n’est pas le doute, c’est la méfiance. Attention : douter, ce n’est pas se méfier.
Prier, ce n’est pas échapper au réel
La prière ne permet pas de faire disparaître les problèmes, comme si la montagne allait se jeter dans la mer, tu vois ?
La prière nous aide à mieux discerner les problèmes et les enjeux, et elle nous aide à travailler pour régler les problèmes.
La prière nous rend responsables pour que nous puissions surmonter les difficultés (c’est ça, au fond, l’image de la montagne qui se jette dans la mer).
Enfin, et surtout, James Woody fait la différence entre prier et demander.
Prier Dieu, c’est faire la lumière en nous
L’enseignement de Jésus distingue la prière de la demande.
Dans le Notre Père, il y a bien une demande, mais elle intervient après la prière. Prier, c’est « évangéliser nos envies, pour les métamorphoser en désir de Dieu ». Prier, c’est simplement se tenir devant dieu. On expose à Dieu tout ce que nous avons dans le cœur : nos désirs, qu’ils soient bons ou mauvais, nos projets, etc.
Quand tu lis les psaumes, tu remarques quelles sont les émotions et les désirs du psalmiste. Parfois ça nous semble ignoble. Mais le psalmiste ne se censure pas : il « évangélise » ce qui est en lui, si je puis dire. Ou il le sanctifie, si tu préféres : vider notre sac à Dieu, c’est lui faire confiance – c’est le mot de la foi – et c’est nous décharger sur lui de tout ce qui nous pèse.
Si je prie comme le psalmiste quand il dit « écrase les enfants de mes ennemis sur le roc », ce n’est pas une demande, suggère James Woody. C’est une prière. C’est comme dire : « vois ce désir violent qui habite mon cœur, j’aimerais les tuer tous ». La demande viendra après, et elle demandera la paix du cœur.
Il n’y a pas de place pour le tabou avec Dieu : tu peux tout lui dire, même l’inavouable.
Distinguer entre prier et demander
Comment distinguer la prière de la demande, alors ?
Demander, c’est dire ce qui est souhaitable dans la perspective de Dieu. C’est – après avoir remis toutes nos préoccupations à Dieu – recevoir de lui sa volonté, et lui demander « que ta volonté soit faite ».
Et ce n’est pas un slogan ou une phrase dite à la légère, c’est seulement quand on a bien vidé tout notre sac – comme Jésus à Gethsémané, quand il dit « je ne veux pas y aller, éloigne de moi cette coupe » – que tu peux dire « que ta volonté soit faite ».
Ne fais surtout pas comme si tu n’avais pas de mauvais désir. Tu en as, c’est normal. Si tu fais comme si tu n’en avais pas, tu ne peux pas être nettoyé. Tant que tu penses que la volonté de Dieu c’est de punir les enfants de tes ennemis – c’est une image – tu n’es pas dans la demande conforme à la volonté de Dieu. Ta demande doit être en phase avec le Royaume. Et pour ça, il faut être nettoyé de l’intérieur.
L’avent : attendre que Dieu vienne
L’avent, c’est cette préparation à la venue du Messie. C’est l’attente fervente du jour du Seigneur.
Qu’est-ce que nous attendons, quand nous prions Viens, Seigneur ?
Est-ce que nous désirons voir nos ennemis mourir sous les coups redoutables de la vengeance de Dieu ? Est-ce que nous voulons nous réjouir de voir des âmes torturées en leur criant : « Ah ! Si vous aviez accepté Jésus vous seriez sauvés ! »
Est-ce que nous attendons la fin de nos souffrances ? Est-ce que nous attendons cette récompense qui nous sera donnée avec cette parole : « tu as combattu le bon combat » ?
Ou bien, en priant Viens, Seigneur viens, nous nous attendons à ce que Dieu vienne régner en nous, sur nos désirs et sur nos actions, pour que nous soyons vraiment ces témoins de vie – et pas ces témoins de mort – ces témoins de vie que Dieu désire nous voir devenir, ayant pour horizon la réalisation de son royaume d’abord dans nos cœurs, puis dans le monde qui nous entoure ?
En ce premier dimanche de l’avent, peux-tu joindre ta prière à la mienne pour dire :
Oui, Seigneur, mes désirs sont là,
je rêve moi aussi de gloire et de puissance,
je rêve de vengeance,
et je rêve de récompense.
Mais ma demande, Seigneur, c’est que tu viennes faire lever ton jour en moi,
et que je rayonne de toi, pour l’avancement de ton royaume.
Je ne souhaite pas que le monde finisse,
mais je souhaite que ton royaume advienne dans ce monde.
MARANA THA ! Viens, Seigneur, viens !
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