Osée, Osée… c’est osé !
Osée, c’est l’un des plus anciens prophètes à avoir un livre à son nom. Il exerce son ministère entre 750 et 720 avant notre ère. A cette époque, le pays est divisé en deux royaumes : au nord Israël, avec Samarie pour capitale, et au sud Juda, avec Jérusalem pour capitale. La situation est tendue : les Assyriens préparent la conquête et, en 722, ils emmènent une partie du Royaume du Nord en exil. C’est dans ce contexte que s’inscrit le livre d’Osée, surtout dans ses trois premiers chapitres. Et grâce à ce terrible jeu de mots de daron, nous allons voir que ce que nous livre le prophète Osée, c’est une promesse osée !
Un ordre osé
Dieu ordonne à Osée d’épouser une prostituée, Gomer, avec qui il a 3 enfants. Il faut avouer qu’en Eglise, on a souvent du mal à parler de ces choses. On se sent mal à l’aise. Visiblement, les écrits bibliques n’ont pas hérité de nos tabous !
Contre toute attente, Dieu demande à son prophète de s’unir avec une femme qui se prostitue, alors que dans notre esprit, un homme de Dieu ne devrait pas fréquenter des personnes « moralement répréhensibles ». Peut-être que les catégories morales de Dieu ne sont pas les mêmes que les nôtres ?
Les 3 enfants qui vont naître de cette union, c’est Dieu qui va leur donner des noms. Ou plutôt, il va dire à Osée quels noms leur donner. Là aussi c’est assez dérangeant.
Les noms de ces enfants annoncent le jugement de Dieu sur le Royaume du Nord : le premier s’appelle Jizréel (ce qui veut dire « Dieu va disperser », ou « Dieu va semer »), parce que Dieu va disperser le peuple d’Israël – c’est l’annonce de l’exil. Le deuxième enfant est une fille, qui s’appelle Lo-Roukhama, ce qui veut dire « pas de pitié », ou encore « la non-aimée » – parce que Dieu annonce au peuple d’Israël qu’il va cesser de l’aimer et qu’il n’aura pas pitié de lui. Enfin, le troisième enfant s’appelle Lo-Ami, ce qui veut dire « pas mon peuple ». Je cite : « Vous, les gens d’Israël, vous n’êtes pas mon peuple, car moi je ne suis rien pour vous » (Osée 1.9).
Le jugement au programme
On a là, avec les enfants d’Osée, un programme peu réjouissant de ce que Dieu projette de faire avec Israël, au 8ème siècle avant Jésus-Christ. Ces noms expriment la rupture entre Dieu et Israël.
Dieu dit que l’infidélité d’Israël est de la même nature que l’infidélité de cette femme qui est retournée se prostituer après s’être mariée à Osée.
Le livre contient des paroles très dures, mais aussi de grandes promesses. Osée raconte que Gomer retourne se prostituer parce qu’elle croit que ses amants lui donnent tout ce dont elle a besoin. Dieu déclare alors : « C’est moi qui lui donnais le blé, le vin et l’huile fraîche ». Donc Dieu prend une décision, c’est ce que nous avons compris avec les noms des enfants : le pays va être détruit, des habitants seront dispersés, et Israël ne sera plus considéré comme le peuple de Dieu. Le jugement a pour objectif de faire prendre conscience à Israël que Dieu l’aime énormément, mais le jugement est sévère. Et si on regarde ce texte avec nos valeurs d’occidentaux du 21ème siècle, c’est tout simplement insupportable. Pourtant, nous pouvons dépasser notre dégoût pour trouver dans ce livre de quoi nourrir notre foi.
Un être propriétaire
Qui est le dieu Baal ? C’est une divinité de l’orage, le plus souvent. Dans la Bible, il y a une rivalité très forte entre Dieu et Baal. Mais en même temps, il y a beaucoup de points communs entre eux. Au point de voir que Dieu lui-même est parfois appelé Baal dans la Bible. Ça c’est troublant. Heureusement, nos traductions cachent ça, comme ça on n’est pas trop perturbés.
Mais il y a une deuxième chose encore plus troublante, c’est qu’en hébreu, le terme baal signifie « le maître ». Celui qui possède. Le propriétaire, quoi. Et donc, féministes, accrochez-vous à votre écran, baal désigne le mari, puisque le mari a acheté sa femme et qu’il en est le maître. En effet, au chapitre 3, Osée dit avoir acheté Gomer « pour une certaine somme d’argent et 600 litres d’orge ». Le baal, c’est bien le mari-propriétaire.
Ce qui est très intéressant, c’est que ce Dieu des Hébreux se présente vraiment comme le baal d’Israël, c’est-à-dire son mari-propriétaire. Ésaïe 43.1 dit : « Ne crains rien car je te rachète, je t’appelle par ton nom, tu es à moi » ; Ésaïe 54.5 : « Ton baal, c’est lui qui t’a créé » ; ou encore Jérémie 3.14 : « je suis votre baal ». Il y a donc, dans la bible hébraïque, une perception de Dieu comme ça : il est celui a qui le peuple appartient, celui qui a tous les droits sur son peuple. Droit de vie et de mort, celui qui domine, et dont l’image parfois flirte avec celle du tyran pervers-narcissique.
La propriété, c’est du vol
Mais voilà ce qui se passe dans notre texte. La femme s’est détournée de son mari. Pour nous, elle devrait se repentir, se convertir et revenir vers son mari. Ce serait moral. C’est la dynamique de la loi-repentance-pardon. Celle qui a fauté doit se repentir !!! Pourtant le texte prend un tournant inattendu : au lieu d’exiger la repentance et l’obéissance, comme le ferait le baal, Dieu dit : « Je vais la séduire à nouveau » (Osée 2.16). Ce n’est pas l’épouse qui fait le premier pas, mais Dieu. C’est ainsi que le christianisme comprend la venue de Jésus : Dieu vient vers nous, par amour, pour restaurer la relation.
Voilà donc que Dieu cesse (enfin) de se comporter comme un baal.
Le texte annonce alors la promesse d’une restauration (Osée 2.16-25), et je me concentre maintenant sur le verset 18 : « En ce jour-là, Israël, dit le Seigneur, tu m’appelleras ‘mon mari’ et non plus ‘mon Baal’. Je ferai disparaître de son vocabulaire les noms même de Baal et des autres dieux de cette espèce : on ne les prononcera plus. Alors je conclurai en faveur de mon peuple une alliance avec les animaux, etc. ».
Voilà un passage que je vous invite à relire régulièrement, pour votre méditation personnelle, parce que c’est une parole prophétique qui donne des désirs et des aspirations pour les temps que nous vivons aujourd’hui, en Église, bien sûr, mais aussi dans la société dans laquelle nous sommes.

Une promesse
Dans ce verset 18, je note deux choses. Premièrement, Lo-Ami, « celui qui n’est pas mon peuple », Lo-Roukhama, « celle pour qui je n’aurai pas de pitié », et Jizréel, « celui que je disperserai », ces trois noms qui qualifient Israël au chapitre 1 d’Osée, redeviennent dans ces versets « mon peuple », « le bien-aimé » et « le rassemblé ».
La condamnation, prononcée par Osée, n’est pas définitive. Ce qui est définitif, c’est le regard d’amour que Dieu pose sur son peuple, et c’est ça qui, au final, est notre espérance indestructible : Dieu aime sa création tout entière, au point de faire une alliance avec le peuple, de nouveau, ainsi qu’avec tous les animaux. C’est le message de la grâce qui nous est faite, et que Jésus-Christ fait entendre à toutes les nations, par l’intermédiaire de ses disciples de toutes les époques. Dieu nous aime, il veut que nous nous comportions comme des êtres aimés de Dieu, mais quand nous glissons et que nous redevenons égoïstes, Dieu revient pour nous attirer à lui. Il va revenir nous séduire, dit le texte. Nous pourrons toujours le rejeter, malheureusement c’est toujours possible, et nous aurons à vivre les conséquences de nos rejets, mais Dieu ne cesse jamais de nous aimer.
Une transformation incroyable
Deuxièmement, « tu m’appelleras ‘mon mari’ et non plus ‘mon baal’ ». En hébreu, le mot traduit par « mari » dans ce verset, ce n’est pas baal, mais c’est Isch, qui signifie ‘homme’. Littéralement : « tu m’appelleras ‘mon homme’ ». Cet mot renvoie au tout début de la genèse, où Dieu crée l’homme (isch) et la femme (ischah) égaux l’un devant l’autre. C’est comme si Dieu disait à Israël : « Tu m’appelleras ton vis-à-vis ». Le projet initial de Dieu n’était pas la domination, mais une relation d’égalité et de communion. C’est après que ça s’est gâté et que l’homme est devenu le baal – le mari, le propriétaire. Mais ce n’était pas la volonté de Dieu pour les humains.
Là, dans Osée, Dieu dit qu’il ne sera plus le baal. Il sera l’homme, celui qui est le vis-à-vis, à égalité, de l’être humain. C’est un grand renversement.
Ce texte m’a retourné. J’y ai vu que Dieu ne veut pas être un maître tyrannique, mais un vis-à-vis, un partenaire dans l’amour. Il change l’ordre des choses, il restaure nos relations et veut nous apprendre à aimer comme lui. Voilà l’Évangile : un Dieu qui nous aime le premier, qui vient à notre rencontre, qui nous attire à lui, et qui fait de nous des hommes et des femmes libres, appelés à vivre la vie divine. Je prie pour que son amour touche nos cœurs, et que nous saisissions pleinement les conséquences de cet amour dans nos vies.
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