Joseph, Marie et Jésus, dans une crèche de Noël

Être père, simplement

11 décembre 2022Lionel Thébaud

Qui est Joseph ? Et surtout, qui était Joseph, par rapport à Jésus ? On peut dire qu’il était son père, tout simplement. Mais que signifie être père ? En ce troisième jour de l’Avent 2022, voyons ce que le récit nous enseigne.

Commençons par lire dans l’évangile selon Matthieu, chapitre 1, versets 18 à 24. On ne sait presque rien de lui : sa famille (il descend du roi David et on sait que son père s’appelait Jacob – tiens ça me rappelle quelqu’un), son métier (il travaille le bois), sa ville (Nazareth) et c’est tout.

On ne connaît pas son âge par exemple. C’est intéressant parce qu’il existe une tradition qui fait de Joseph un homme âgé. Dans notre imaginaire, on voit Joseph comme un vieillard, et Marie comme une jeune adolescente (voir mon dernier article sur Marie ici). Ça fait vraiment très bizarre.

Seulement à l’époque, dès qu’un enfant atteignait l’âge de 12 ans, on faisait tout pour qu’il soit promis en mariage dans les 3 années qui suivent. Ça veut dire qu’en règle générale, ces jeunes personnes étaient promis au mariage à 15 ans ! Les filles comme les garçons !

On ne connaît absolument pas l’âge de Joseph dans cette histoire, mais on peut raisonnablement penser que Joseph avait à peu près le même âge que Marie… c’est-à-dire environ 15 ans. Ça change beaucoup notre manière de voir les choses !!!

Ce qu’on nous dit de Joseph

Ce joseph-là, je l’ai dit, on ne sait pas grand-chose de lui. On parle beaucoup plus de Marie – alors que, déjà, on en parle pas beaucoup-beaucoup.

Joseph, on en parle dans le texte que nous venons de lire, on en parle quelques versets plus loin, quand on nous raconte que Joseph fait encore un rêve dans lequel un ange lui dit de fuir en Égypte, parce que le roi Hérode veut massacrer tous les bébés, puis quelques versets plus loin quand, encore dans un rêve, un ange dit à Joseph de venir habiter en Israël, et Joseph vient avec sa famille s’installer à Nazareth, une ville de Galilée.

Et après, l’évangile selon Matthieu ne raconte plus rien à propos de Joseph.

Et ce qui est étonnant, ce n’est pas seulement qu’on parle peu de Joseph, ce n’est pas non plus qu’on ne parle de Joseph que dans les évangiles selon Matthieu et selon Luc (c’est-à-dire dans les deux évangiles qui parlent de la naissance de Jésus, et pas dans Marc et Jean), mais c’est que Joseph, lui, ne parle pas du tout.

A aucun moment on ne voit Joseph dire quelque chose.

Il est muet.

Joseph, un homme qui parle peu.

Joseph, un père reconnu

Mais s’il parle peu, et si on parle peu de lui, on montre que les gens le connaissaient. Au moins un peu.

Par exemple, dans l’évangile selon Matthieu, chapitre 13, on a des gens qui demandent, à propos de Jésus : « n’est-ce pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, etc. » Dans Luc 4 : « n’est-ce pas là le fils de Joseph ? ». Et en Jean 6 : « N’est-ce pas Jésus, le fils de Joseph ? Ne connaissons-nous pas son père et sa mère ? »

Alors ça je trouve ça très intéressant, parce que nous avons d’un côté des textes qui disent que Joseph n’est pas le père de Jésus, et de l’autre des textes qui disent que Joseph est le père de Jésus. Ça, c’est un signe pour nous : les gens ne savaient pas qui était le vrai père de Jésus.

Et ce que j’aimerais, maintenant, c’est regarder quel sorte de père était Joseph, pour qu’on entende ce que ça nous dit, à nous, d’être père. Tout le monde sera au bénéfice de cette prédication : d’une part les garçons et les hommes apprendront comment on peut être père, tandis que les filles et les femmes pourront rappeler aux mecs ce que c’est qu’un vrai père.

Joseph et ses rêves

Je reprends le récit.

Joseph fait un rêve.

Qu’est-ce qui se passe, quand vous faites un rêve ? Vous vous dites : tiens, Dieu m’a parlé ?

Dans l’Antiquité, on pensait que les dieux parlaient dans les rêves. Donc Joseph est persuadé que Dieu lui a parlé.

Cette histoire nous fait penser à un autre rêveur. Vous avez une idée ? Voyons… si je vous dis que son père lui avait donné un très joli manteau ? Si je vous dis que ses frères étaient jaloux de lui, et qu’ils l’ont vendu comme esclave ? Si je vous dis qu’il a interprété les rêves du Pharaon ?

Vous connaissez cette histoire racontée dans la Bible, n’est-ce pas ? Joseph, le roi des rêves !

Eh bien voilà deux Joseph : un joseph du premier testament, qui fait des rêves et qui interprète les rêves du Pharaon, et un Joseph du nouveau testament, qui fait des rêves dans lesquels Dieu lui parle de ce qu’il doit faire. Quand on lit en Matthieu, au chapitre 1, que le père de Joseph s’appelait Jacob, on croit rêver !

Refuser d’être père

Dans cette histoire, Joseph est dérouté par une naissance imprévue. Il se rend compte que ce n’est pas lui le père du bébé.

Joseph s’est demandé quelle attitude il devait adopter.

Il a pris le temps de fouiller pour chercher quelle était la volonté de Dieu à ce sujet. Et la loi est claire : si une femme est enceinte de quelqu’un d’autre que de son mari, alors elle est considérée comme adultère et elle doit être condamnée. C’est la loi de l’époque, et devant cette situation, Joseph avait le droit de livrer Marie à la loi.

Mais comme Joseph est un être sensible, il décide de se séparer de Marie de manière très discrète, afin que Marie ne soit pas exclue de la communauté, afin qu’elle puisse vivre à peu près normalement.

Joseph voulait respecter la loi (c’est ça que ça veut dire, quand il est écrit que Joseph était juste : pour les Juifs, le Juste était celui qui obéissait à la loi), mais il ne voulait pas que Marie soit punie, comme la loi le prévoyait.

Joseph est un homme qui mesure les conséquences de ses actes.

Il a pris le temps de réfléchir, il a pris le temps d’écouter sa tête – c’est pour ça qu’il voulait se séparer de Marie, et il a pris le temps d’écouter son cœur, et c’est pour ça qu’il ne voulait pas qu’elle subisse la punition prévue par la loi.

Rêver d’être père

Donc, il s’endort en pensant à ces difficultés, et il fait un rêve, dans lequel l’ange parle à Joseph.

Quand tu te réveilles, tu cherches à interpréter le rêve que tu as fait, en te demandant « qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? ».

Des fois tes rêves ne veulent rien dire du tout.

Tu es là, en train de courir avec des fleurs dans les cheveux jusqu’à ce qu’un aigle vienne te prendre par les épaules et te fait visiter les étoiles. Wow. Ça ne veut rien dire du tout.

Mais des fois, tes rêves disent quelque chose des situations que tu vis. Ils te disent ce que ton être veut réellement faire.

Là, dans son rêve, Joseph entend un ange lui dire de ne pas renvoyer Marie. C’est très étonnant. Parce que dans une société donnée, il y a des choses qui se font, et des choses qui ne se font pas. Et rester avec une femme qui porte l’enfant de quelqu’un d’autre, clairement, ça ne se fait pas à cette époque-là.

C’est un peu comme aujourd’hui : on ne fait plus la bise à tout le monde. Même des personnes qu’on connaît, on ne leur fait plus tellement la bise, parce qu’on a compris que c’était vachement bien, la bise, pour se refiler des maladies. Mais il y a 3 ans, ça ne se faisait pas de refuser la bise à quelqu’un qui te tendait la joue. On préférait risquer d’attraper la grippe plutôt que de dire : « tu sais, je n’aime pas faire la bise aux gens ».

C’est comme ça : il y a des choses qui se font, et d’autres qui ne se font pas.

Parfois il faut transgresser les règles.

Le père et la loi

Le rêve dit à Joseph que respecter la loi, c’est bien, mais au fond, son cœur ne désire pas renvoyer Marie.

Joseph – qui a peut-être bien 15 ans, je le rappelle – accepte d’assumer cet enfant, alors qu’il sait que cet enfant n’est pas le sien.

Joseph découvre que ce que son cœur désire vraiment, c’est non pas d’obéir aux lois morales de son époque, mais plutôt de faire preuve d’amour. Il apprend que la volonté de Dieu se situe là, dans cet acte d’aimer, et il en assume les conséquences.

Les ragots qu’on a pu dire sur eux n’a pas empêché Joseph de donner un nom à l’enfant – ce qui veut dire qu’il reconnaît cet enfant comme étant le sien. Je ne suis pas ton père biologique, mais je te reconnais comme mon fils.

Joseph devient le père de Jésus, en lui donnant un nom. Grâce à Joseph, Jésus trouve sa place dans la famille. Le père Joseph va permettre à ce petit garçon de devenir un homme.

Joseph, cet homme quasi insignifiant dans le texte biblique, devient cet homme indispensable pour que Jésus soit le Sauveur.

On considère souvent que Joseph a été obéissant. En effet, il a suivi la voix de Dieu, qui a émergé dans son cœur, quitte à s’opposer aux lois et aux traditions.

Suivre la voix de Dieu, c’est permettre à Jésus de prendre place au milieu de nous. Le défi de l’obéissance, c’est de donner à Jésus un espace où se reflètent le pardon et la tendresse de Dieu (Daniel Marguerat).

Avec la prière du Notre Père, Jésus nous offre de prier un Père accessible et compatissant. Un père à l’écoute. Un père plein d’amour. Un père qui nous a adoptés, et qui nous accueille sans cesse tel·le·s que nous sommes.

Être un père, simplement

Joseph ne parle pas, on l’a vu, mais il agit. Joseph sait être un homme, sans être autoritaire ou dictateur.

Il est un homme sensible.

Il n’est pas le père de Jésus, mais il en devient le père, en assumant la responsabilité éducative d’un enfant qu’il a choisi d’adopter.

Joseph, au fond, c’est un personnage qui peut nous aider aujourd’hui à repenser ce que signifie « être père ». Dans notre culture, où le père était une figure tellement autoritaire qu’on n’osait pas lui dire non, notre culture où le père est devenu un personnage absent et inconsistant, nous avons l’occasion de réfléchir à ce texte vieux de 2000 ans pour tenter de comprendre ce que ça peut être, un papa.

Et j’écris ça sans oublier que père, c’est un rôle, c’est une fonction, bien plus qu’une identité.

Joseph était attentif aux besoins de sa famille, mais il n’a pas cherché à s’imposer. Il évaluait la situation et cherchait à être juste, tant au niveau de ce qui devait se faire qu’au niveau de ce que son cœur lui disait de faire. Et quand son cœur lui disait quelque chose, c’est son cœur qu’il suivait. Avec une grande sincérité.

Le fait que Joseph ait accueilli un enfant qui n’était pas le sien nous ouvre la voie vers d’autres manières d’être papa dans notre société. Il y a de la place pour des pères qui ne sont pas géniteurs.

La paternité est possible même quand on ne peut pas enfanter ou quand quelqu’un d’autre à été à l’origine de l’enfant. Parce que ce qui compte, dans le rôle de père, c’est l‘amour.

Joseph nous affranchit de l’obligation d’être géniteur ou décideur.

Joseph et le sens de Noël

Joseph, c’est un personnage qui nous enseigne que Noël est la fête de cet enfant Jésus, l’enfant qui ne peut naître et grandir que si des êtres humains comme vous et moi l’accueillent, partent à sa rencontre, et lui offrent un toit, une famille, une communauté.

Je crois que l’enseignement de la paternité de Joseph peut nous encourager à bien accueillir Jésus dans nos vies, que nous soyons des femmes ou bien des hommes.


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