Un paon qui déploie ses plumes. Symbolise l'orgueil et la vanité

Quand tu seras humble comme moi… ou la véritable humilité !

6 février 2022Lionel Thébaud

Il faut être humble, il faut se faire tout petit lorsque l’on a la foi. Parce que sinon, Dieu ne nous voit même pas. D’ailleurs, si on ne se fait pas tout petit, nous ne pouvons pas entrer par la porte du Royaume de Dieu. Nous le savons, nous l’avons entendu : il faut se faire petit comme un petit enfant, il faut considérer que l’autre est plus grand que nous ne le sommes, il ne faut pas se mettre en avant…

Mais est-ce que c’est vraiment ça, l’humilité ?

Quand je lis les récits que nous avons de Jésus, quand je lis ses paroles, je vois quelqu’un qui se fait serviteur, certes, mais je ne vois pas quelqu’un qui s’humilie et qui se présente autrement que ce qu’il est vraiment. Certaines de ses paroles paraissent même très « gonflées », comme « moi et le Père nous sommes un », « nul ne vient au Père que par moi », ou « qui de vous me convaincra de péché ? »

Et si l’humilité n’était pas ce que nous croyons ? Si l’humilité, c’était autre chose que de nier ce que nous sommes ? S’il ne s’agissait pas de paraître petit, mais – tout simplement – d’être qui nous sommes vraiment, sans vantardise, et sans honte ?

Sauf erreur de ma part, toi qui me lis, tu as déjà été un enfant. J’en mettrai ma main à couper.

Et il se peut qu’il te soit arrivé d’avoir été le meilleur ou la meilleure : tu as eu une bonne note à un contrôle, ou tu as battu l’équipe adverse au foot, ou encore tes ami·e·s ont trouvé que tes vêtements étaient les plus beaux, bref, tu rentres de l’école rempli·e de fierté. Et là, surprise, on te répond : « ce n’est pas la peine de te vanter ».

Si tu as la chance d’avoir un joli visage, de beaux yeux ou de beaux cheveux, on va gentiment te faire comprendre que s’il faut en prendre soin, il ne faut surtout pas les mettre en valeur.

Si tu as une intelligence aiguisée, ne le montre pas trop.

Tu connais toutes ces choses, sûrement : on te dit que tu dois rester humble. Parce que sinon, tu étales ton orgueil devant tout le monde, et ça, c’est pas bien. Si tu ne caches pas tes qualités, tu es qualifié·e de personne orgueilleuse.

Être humble ou être orgueilleux… définition

Le mot « humble » vient d’un mot latin qui signifie « humus ». L’humus, la terre, le terreau, la décomposition des feuilles qui vient enrichir un sol, voilà les images qui s’attachent au mot « humble » : c’est près du sol. Ça ne s’élève pas. C’est, je dirais, très terre à terre…

Le mot « humiliation » a exactement la même racine. Humilier quelqu’un, c’est le rendre humble (c’est-à-dire le forcer à se faire petit). S’humilier soi-même, c’est se forcer soi-même à se faire petit. L’humiliation est une violence qu’on s’inflige ou qu’on inflige aux autres.

Qui humilie les autres ? Ce ne sont jamais les petits qui humilient les autres : pour avoir le pouvoir d’humilier, il faut d’une part se sentir supérieur, et il faut d’autre part se sentir en danger. Celui qui se sent en sécurité n’a pas besoin d’humilier l’autre.

Mais s’humilier soi-même peut avoir deux causes : la première, qui à mon avis est la plus fréquente, c’est la peur du regard de l’autre. On a tellement peur d’être perçu·e comme quelqu’un d’orgueilleux qu’on bride nos compétences et nos qualités, on se fait violence pour qu’on ne vienne pas nous dire : « mais tu te prends pour qui ? ».

La deuxième cause me semble beaucoup plus évangélique. C’est une bride que l’on met à nos aspirations pour ne pas prendre la grosse tête.

Mais jamais l’évangile ne nous demande de brider les autres. Nous ne sommes pas autorisé·e·s à user de la force pour humilier l’autre.

L’orgueil, c’est le sentiment exagéré qu’on a de sa valeur.

Alors on nous fait croire que pour lutter contre l’orgueil, on doit paraître petit. Insignifiant. Ce serait ça, être humble : paraître petit. On ne doit donc pas montrer nos qualités. Et dans la tradition catholique, l’orgueil compte parmi les péchés capitaux. Mais…

Il n’y a pas de mal à montrer aux autres qui l’on est vraiment. Le mal, c’est de se montrer autre que ce que l’on est. Quand on se montre tel qu’on est, on est pas orgueilleux.

Un roi n’est pas orgueilleux parce qu’il dit qu’il est roi. Un mendiant n’est pas humble parce qu’il dit qu’il est pauvre.

Jésus et l’humilité

A ce stade, il faut que j’explique sur quelles bases bibliques je m’appuie pour dire ces choses.

Donc, pour nous aider dans cette réflexion, je vais convoquer un homme qui pour moi est un modèle d’humilité : Jésus-Christ. Je crois, moi, que Jésus-Christ a été l’homme le plus humble de la terre, et je vous propose de réfléchir sur l’humilité de Jésus pour comprendre ce qu’est véritablement l’humilité à laquelle nous avons été appelé·e·s.

Et je crois qu’au bout de notre petit voyage, nous ne devrions plus avoir la même conception de l’humilité que ce truc que nous ont laissé les générations précédentes. Si, toutefois, nous voulons suivre la voie de Dieu pour nous.

Jésus prit la parole et dit :
« O Père, Seigneur du ciel et de la terre,
je te loue d’avoir révélé aux tout-petits ce que tu as caché aux sages
et aux personnes instruites.
Oui, Père, dans ta bienveillance, tu as voulu qu’il en soit ainsi.
Mon Père m’a remis toutes choses.
Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père,
et personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et ceux à qui le Fils veut le révéler.
Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau
et je vous donnerai le repos.
Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire,
car je suis doux et humble de cœur,
et vous trouverez le repos pour tout votre être.
Le joug que je vous invite à prendre est bienfaisant
et le fardeau que je vous propose est léger. »

Evangile selon Matthieu, chapitre 11, versets 25 à 30.

Une humilité qui questionne

Jésus-Christ n’a jamais caché ses propres qualités. Par exemple, il dit : « Mon Père m’a remis toutes choses. Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et ceux à qui le Fils veut le révéler. » Bon, on pourrait se dire que Jésus se vante d’être le seul à connaître le Père et à pouvoir le faire connaître. C’est pas très sympa pour ses camarades de promo.

Ensuite il dit : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. » Oui, d’accord, donc monsieur prétend pouvoir me soulager de mes difficultés ? Bien sûr. Il se prend pour Dieu, peut-être ?

Et il ajoute « je suis doux et humble de cœur »…

Il se prend pour Dieu, il prétend être le seul à être en relation avec Dieu et à pouvoir nous mettre en relation avec lui, et il se dit humble ?

Jésus n’a pas peur de dire qui il est, même si, en disant ça, les gens pensent qu’il se prend pour Dieu. Il dit aussi « moi et le Père nous sommes un », ou « qui de vous me convaincra de péché ? ». Et la Bible nous rapporte beaucoup d’autres paroles de ce type.

Est-ce que c’est de l’humilité ça ?

Imagine un instant que moi je tienne ce langage. Tu penserais que mes chevilles ont triplé de volume ! Cependant, je suis sûr que les paroles de Jésus ne sont pas des paroles de vantardise.

Si Jésus dit la vérité en tenant ces propos, et si en même temps Jésus est vraiment humble, alors ça veut dire que c’est ma conception de l’humilité qui n’est pas bonne.

Le paraître : une fausse humilité

Je crois que Jésus n’avait pas besoin de paraître. Il était, tout simplement.

Et si ça ne plaisait pas aux autres, il en était sûrement désolé, mais ce n’était pas son affaire.

Il n’allait pas paraître autre que ce qu’il était, parce qu’il savait que le monde ne pourrait changer vraiment que si tout le monde était vraiment lui-même. En vérité.

Quand Jésus était en colère, il exprimait sa colère. Quand Jésus était triste, il pleurait. Quand Jésus avait besoin d’être seul, il disait aux gens qui l’entouraient qu’il devait s’isoler. Quand il avait besoin de dormir, il dormait.

Et il n’hésitait pas à prendre du bon temps, à manger avec les mangeurs, à boire avec les buveurs, et à multiplier le vin pour que tout le monde fasse la fête ! Bref, il était, tout simplement.

Il l’avait dit : je suis qui je suis. Avant qu’Abraham fut, je suis. Et il nous demande d’être, à nous aussi.

En fait, Dieu n’a pas l’air de vouloir que nous nous cachions. Il ne veut pas que nous nous faisions passer pour plus importants que ce que nous sommes. Mais il ne veut pas non plus que nous nous faisions passer pour moins que ce que nous sommes.

Il ne veut pas, par exemple, que nous prétendions ne pas avoir beaucoup d’argent lorsque nous sommes riches. Il ne veut pas que nous prétendions ne pas être très intelligent, quand il nous a donné un cerveau suffisant pour réfléchir.

Il ne veut pas que nous nous faisions passer pour des moins que rien, alors que nous sommes ses enfants.

Dieu veut que nous soyons vrai·e·s. Que nous soyons sans masque. Sans arme, ni armure.

Je crois que la personne qui prétend être moins que ce qu’elle est, est habitée du même orgueil que celle qui se prétend plus que ce qu’elle est.

Vouloir être le plus petit ou la plus petite, c’est faire preuve d’orgueil. C’est mettre son orgueil dans le fait d’être petit. Comme si on disait à l’autre : « quand tu seras humble comme je suis humble, alors tu auras de la valeur ».

Etre humble

Humble, ça veut dire être près du sol, mais près du sol ce n’est pas la même chose pour une girafe et pour une fourmi, n’est-ce pas ?

Si tu es une girafe, tu es une girafe, et tu ne peux pas faire comme si tu n’avais pas de longues pattes et un long cou.

Mais si tu es une girafe, tu peux te mettre plus près du sol pour communiquer avec une fourmi. Tu peux aussi prendre la fourmi et la mettre à ton niveau pour communiquer avec elle. Tu peux faire ce qu’il faut pour être d’égal à égal.

Si tu as les qualités de la girafe, tu n’y es pour rien. Tu ne peux pas légitimement te vanter d’être gigantesque. Tu es comme ça, tu l’as reçu, c’est tout. Tu es pas girafe par tes efforts.

En revanche, il serait stupide de ne pas manger les feuilles qui se trouvent tout en haut des branches sous prétexte que tu dois rester humble.

Apprenons – il n’y a pas d’âge pour apprendre – à être humbles de la même manière que Jésus.

Nous sommes fils et filles de Dieu.

Il nous a rendu·e·s justes.

Il nous as rempli·e·s de son amour.

Il nous a donné son Saint-Esprit.

Il nous a créé avec des capacités particulières.

Il aime nous voir prendre du plaisir dans la vie.

Il aime nous voir mettre nos dons au service des autres.

Il aime nous voir nous épanouir et nous accomplir.

Apprenons à accepter qui nous sommes réellement, et à dire simplement ce que nous sommes. Sans chercher à paraître. Sans chercher la reconnaissance.

Sans chercher à briller plus fort que les autres, mais sans chercher à briller moins fort. Ce n’est pas des autres dont il est question, ce n’est pas les autres qu’il faut dépasser (en vanité ou en humilité).

Tu dois briller de la lumière que Dieu t’a donnée, parce qu’on ne met pas la lumière sous le boisseau, nous dit Jésus.

« C’est ainsi que votre lumière doit briller aux yeux de tous, afin que chacun voie le bien que vous faites et qu’ils louent votre Père qui est dans les cieux. »

J’ajoute même que, parfois, nous avons du mal à encourager les autres, parce que nous avons peur qu’ils prennent la grosse tête.

Ne t’inquiète pas de ça.

Tu sais ce que ça fait de ne pas être encouragé. Tu sais quelle insécurité ça produit en toi.

Inverse la vapeur et encourage les autres, montre-leur que tu crois en eux et en leur capacité à ne pas se laisser emporter par la vanité. Fais tous les efforts nécessaires pour considérer les autres comme tes égaux, malgré leurs particularités.

Ainsi, tu aideras les autres à briller de la lumière que Dieu a mise en eux.

S’ils dérapent, s’ils prennent la grosse tête, ce ne sera pas à cause de tes encouragements, mais bien à cause de la mauvaise orientation de leur cœur. Mais toi, garde votre cœur plus que tout autre chose : brille et fais briller.

Ton humilité est là où tu es, pas dans l’image que tu veux donner de toi.

Comments (1)

  • Jean-Michel Ulmann

    6 février 2022 at 19:02

    Marci Lionel. Ta prédication de ce jour (si bien illustrée), éclaire ce dimanche et tout ce qui s’en suit.

    « Dans le domaine de l’intelligence, la vertu d’humilité n’est pas autre chose que le pouvoir d’attention ».
    Simone Weil (La pesanteur et la grâce)

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