Au café, une jeune femme parle au téléphone. C'est peut-être Dieu qui appelle ?

Comment Dieu nous appelle-t-il ?

30 janvier 2022Lionel Thébaud

Dieu nous appelle… Il nous veut à son service… Nous avons une vocation… Dans les milieux chrétiens, on parle souvent d’appel, de vocation… mais nous ne savons pas exactement définir ces termes. On ne sait pas vraiment ce que ces mots signifient, et c’est encore plus flagrant quand un pasteur ou une pasteure réfléchit au sens de sa démarche de formation pour exercer le ministère. Nous mettons dans ces termes ce que notre imaginaire nous dicte.

Pour nous aider dans cette réflexion, qui ne sera en aucun cas une réponse à la question de ce qu’est l’appel, lisons le premier chapitre du livre du prophète Jérémie.

Dieu parle à Jérémie : l’appel

Ce livre rapporte ce qu’a dit et fait Jérémie, fils de Hilkia.
Jérémie était l’un des prêtres habitant Anatoth, dans le territoire de la tribu de Benjamin.
La parole du Seigneur lui fut adressée dès la treizième année du règne de Josias,
fils d’Amon et roi de Juda.
Puis le Seigneur lui parla à l’époque où Joaquim, un fils de Josias, était roi de Juda.
Il lui parla encore jusqu’à la fin du règne de Sédécias, un autre fils de Josias,
plus exactement jusqu’à la onzième année de ce règne, au cinquième mois,
lorsque la population de Jérusalem fut emmenée en exil.
La parole du Seigneur me fut adressée :
Je te connaissais avant même de t’avoir façonné dans le ventre de ta mère ;
je t’ai mis à part pour me servir avant même que tu sois né.
Et j’ai fait de toi mon porte-parole auprès des peuples.
Je répondis :
Hélas ! Seigneur Dieu, je suis trop jeune pour parler en public !
Mais le Seigneur me répliqua :
Ne dis pas que tu es trop jeune ;
tu iras trouver tous ceux vers qui je t’enverrai et tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai.
N’aie pas peur d’eux, car je suis avec toi pour te délivrer.
Voilà ce que le Seigneur me déclara.
Puis il avança la main, toucha ma bouche et me dit :
Voici : je mets mes paroles dans ta bouche.
Tu vois, aujourd’hui je te charge d’une mission qui concerne les peuples et les royaumes.
Tu vas déraciner et démolir, casser et détruire, mais aussi reconstruire et replanter.
Alors la parole du Seigneur me fut adressée :
Que vois-tu, Jérémie ?
– Une branche d’amandier, l’arbre qui veille, répondis-je.
– Bien vu, me dit le Seigneur ; je veillerai en effet à réaliser ce que j’annoncerai.
Une seconde fois la parole du Seigneur me fut adressée :
Et maintenant que vois-tu ?
– Une marmite bouillonnante, répondis-je ; elle penche vers le nord.
Et le Seigneur m’expliqua :
C’est du nord, en effet que le malheur se déversera sur tous les habitants du pays.
Car, je le déclare, j’appellerai tous les clans et les royaumes du Nord.
Du coup ils viendront placer les trônes de leurs rois devant les portes de Jérusalem.
Ils encercleront ses murailles, ils attaqueront toutes les villes de Juda.
J’exécuterai ainsi la sentence que j’ai prononcée contre les habitants du pays à cause de tout le mal qu’ils ont fait :
ils m’ont abandonné,
ils ont offert des sacrifices à d’autres dieux,
des dieux qu’ils se sont fabriqués,
et auxquels ils rendent un culte !
Toi, Jérémie, prépare-toi. Debout !
Transmets-leur tout ce que je t’ordonnerai de leur dire.
Ne tremble pas devant eux, ou sinon c’est moi qui te ferai trembler devant eux.
Dès aujourd’hui je te rends résistant comme une ville fortifiée,
comme une colonne de fer, comme un mur de bronze, devant tout le monde :
devant les rois de Juda, les ministres, les prêtres et les habitants du royaume.
Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi,
car je suis avec toi pour te délivrer.
C’est moi, le Seigneur, qui le déclare.

Jérémie, chapitre 1, versets 1 à 19.

Le récit de vocation de Jérémie

Nous avons affaire ici à ce que nous appelons un « récit de vocation ». Dans la Bible, il y a différents schémas qui illustrent la vocation, mais voici comment ça se présente chez Jérémie :

1. Dieu désigne son envoyé

2. Celui-ci refuse sa mission

3. Dieu n’accepte pas ce refus

4. Dieu confirme la vocation par un signe

On retrouve ce schéma dans les récits de vocation de Moïse, Gédéon et Ézéchiel. Tiens, regardez : Moïse… et Jérémie. Comparons ces versets de Jérémie et Deutéronome :

On voit combien le prophète Jérémie était considéré : les rédacteurs ont trouvé que Jérémie était le prophète annoncé par Moïse !

Par conséquent, si Moïse a été le premier prophète d’Israël, pour les rédacteurs du livre de Jérémie, en quelque sorte, Jérémie est le dernier prophète, car son ministère offre à son peuple une chance – la dernière chance – d’éviter le jugement de Dieu.

Comment ?

En appelant le peuple à la repentance.

L’appel de Jérémie : contexte

Je rappelle brièvement le contexte.

Après les règnes de David et de Salomon, le Royaume éclate, avec au nord, le royaume d’Israël, et au sud, le royaume de Juda.

L’invasion assyrienne avale le royaume du Nord en 722, ce qui donne lieu à la déportation d’une partie de la population et ce qui transforme ce royaume en vassal de l’Assyrie. L’invasion babylonienne fait tomber Jérusalem (qui se trouve dans le royaume de Juda) en 587 : le temple est détruit, et une partie de la population (les plus riches) est déportée.

Jérémie est un prophète qui se lève dans cette période troublée, où beaucoup d’intrigues ont lieu pour lutter contre l’envahisseur babylonien. Certains fomentent des projets d’alliance avec l’Égypte, mais Jérémie appelle son peuple à reconnaître la souveraineté des Babyloniens et à revenir à Dieu.

Jérémie exerce son ministère avant la déportation en Babylonie. Après, on a du mal à suivre ses traces – peut-être exerçait-il encore mais ce n’est pas certain, historiquement parlant.

Je te connais

Tout d’abord, Dieu dit à Jérémie qu’il le connaissait déjà bien avant son existence. Avant que Jérémie soit conçu, Dieu avait déjà des projets pour lui.

C’est un des mystères dont Dieu a le secret, et c’est un verset que nous connaissons bien, puisque nous l’utilisons souvent pour insister sur le fait que Dieu contrôle nos vies, qu’il sait tout et qu’il a absolument tout prévu.

On peut aussi entendre cette parole comme une image destinée spécifiquement à Jérémie, pour le rassurer sur l’amour que Dieu lui porte, et pour lui faire comprendre que Dieu aimerait beaucoup l’embaucher dans son équipe.

Dans la Bible on trouve des passages qui semblent nous parler d’un Dieu qui sait tout, qui contrôle tout, qui prévoit tout et qui pourvoit à tout, mais on a aussi beaucoup de passages qui nous montrent un Dieu qui se repent, qui est surpris par des choses qu’il n’avait pas prévues, qui ne sait pas tout, qui ne peut pas tout… bref, on a plusieurs images de Dieu dans la Bible, qui ne sont pas toujours très cohérentes entre elles et qui sont parfois tellement opposées qu’elles sont inconciliables.

Il faut se rappeler que la Bible ne nous offre pas un système, au sein duquel tout serait logique et cohérent. La Bible nous offre plutôt un espace de dialogue, au sein duquel les questions sont largement plus nombreuses que les réponses.

Donc quand Dieu dit à Jérémie qu’il le connaissait depuis longtemps et qu’il désirait l’avoir dans son équipe, j’y vois l’expression d’un désir sincère, mais j’y vois aussi une manière de convaincre Jérémie. Un peu à la manière des Inconnus :

Ici c’est exactement cette scène que je vois dans le dialogue de Jérémie avec Dieu. C’est ton destin : je t’ai destiné à ça depuis très longtemps, tu ne peux pas me le refuser.

Je ne veux pas être appelé par Dieu !

Ensuite, Jérémie lui oppose un « non merci ».

Enfin, je vais un peu vite : il n’ose pas lui dire non. Jérémie n’ose pas parler en vérité à Dieu. Il n’ose pas dire « ce que tu me proposes ça ne me va pas du tout, j’ai d’autres projets pour ma vie ».

Il cherche une excuse.

Remarquez que son excuse est valable – souvent nos excuses sont valables. Mais comme nos excuses ne sont jamais l’expression de notre vrai problème, elles sont facilement écartées. Toujours.

Ici, il dit « ah Seigneur, c’est vraiment pas de chance. Mais mon âge fait que je ne peux pas remplir ta mission : dans ma culture, on ne parle pas en public quand on est trop jeune ».

Eh oui, il y a des cultures où il faut être vieux pour prendre la parole en public. Là, Dieu rejette son excuse et dit : « Tu iras où je te dirai d’aller, et tu diras ce que je te dirai de dire ».

Bon, ça ne laisse pas beaucoup de place au libre-arbitre et au désir personnel de Jérémie ça. J’ai depuis toujours un projet pour toi, tu obéiras à mes ordres, un point c’est tout.

De toute façon, tu n’as pas le choix, je te l’ai déjà dit : j’ai prévu ça avant même que tu ne soies. C’est ton destin !

Dieu appelle à ne pas avoir peur

« N’aie pas peur d’eux, car je suis avec toi pour te délivrer ».

Qui sont-ils, ces gens dont Jérémie ne doit pas avoir peur ?

Le seul lien logique nous emmène au v. 7 quand il dit « je t’enverrai vers qui je t’enverrai », ce qui, vous l’admettrez, est quand-même très vague.

Ça me fait penser à cette parole de Dieu à Abram : « va vers le pays que je te montrerai ». On ne peut pas dire que Dieu, dans ces récits, soit très explicite. Pour le suivre, il faut avoir une sacrée dose de confiance !

Il faut attendre le verset 18 pour comprendre que Dieu va envoyer son prophète vers les rois de Juda, les ministres, les prêtres et les habitants du royaume. Et que ces gens combattront Jérémie.

« Je t’appelle à parler à des gens qui te voudront du mal ». Ah ben vraiment, c’est cool… Parle Seigneur, ton serviteur écoute ! Me voici, envoie-moi ! Hahaha…

Mais Dieu se veut rassurant, il dit à Jérémie « je suis avec toi pour te délivrer ». On entend l’écho de l’évangile, qui offre des paroles de libération, pour nous aider à assumer nos vies sous le regard de Dieu.

Dieu donne son ordre de mission

La suite nous indique que la mission de Jérémie est de déraciner, de démolir, de casser et de détruire.

Mais ce n’est pas tout.

Sa mission sera aussi de reconstruire et de replanter.

Le ministère de Jérémie, c’est d’annoncer une parole qui vient d’en-haut.

Cette mission de déraciner, démolir, casser et détruire n’est pas à entendre d’une manière terroriste : Jérémie n’est pas autorisé à prendre une hache et à casser tout ce qui lui semble faire obstacle à Dieu dans le monde qui l’entoure.

Une télé ? Hop un coup de hache.

Une statue ? Hop un coup de hache.

Un ennemi ? Hop un coup de hache.

Non.

Il peut garder ses pulsions pour lui. Vous pouvez garder vos pulsions pour vous.

Dieu utilise ces termes comme des images pour exprimer ce que va faire la parole de Jérémie.

Il va déraciner les vraies raisons du manque de foi de son peuple. Il va démolir les murs qui empêchent la vraie solidarité au sein de son peuple. Il va casser les idées reçues de son peuple. Il va détruire les illusions de son peuple.

Et il va reconstruire du sens en lien avec la foi. Et il va replanter de l’espérance dans le cœur de son peuple.

Comment cet appel de Dieu peut résonner en nous

Voilà l’appel de Jérémie, voilà sa vocation, et voilà – pour nous qui faisons une relecture de ce texte en lien avec l’évangile de la semaine dernière – ce qui fait notre vocation, en tant que chrétien, en tant que chrétienne.

Je vous livre un témoignage personnel – c’est quelque chose d’assez exceptionnel, mais je pense que ça peut nous aider.

Quand j’ai donné ma vie à Dieu, c’était en 1997, et ce que j’ai ressenti au fond de moi, c’était comme une parole qui venait des souterrains de mon être, ça disait : « tu crois que tu es parti de la maison, tu es persuadé d’avoir claqué la porte et abandonné toute relation avec moi, mais tu as toujours été là, au fond de mon cœur. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. »

Ça a bouleversé ma vie.

J’ai essayé, dans mon parcours spirituel, de me conformer aux traditions des Églises que j’ai fréquentées. J’ai essayé de croire les théologies qu’on me disait être vraies. Mais cette parole souterraine, celle qui venait de la source de mon être, ne cessait de bouillonner : « Malgré tout ce que tu as fait, je n’ai jamais cessé de t’aimer ».

Et dans tout ce que j’ai vécu en église, toutes les difficultés que j’ai rencontrées, j’ai été confronté à des questions très fortes. J’ai maintes fois cru que j’avais perdu la foi, parce que mes croyances étaient ébranlées. Notamment mes croyances sur le statut des Écritures.

Mais au fond, il y a quelque chose qui jamais n’a pu se détacher de mon être, c’est que Dieu était là, plein d’amour, à traverser ma vie avec moi. C’est qu’il m’aimait, peu importe ce qu’était ma vie. Et qu’il voulait que je vive ma vie, sous son regard bienveillant.

C’est le message qui m’habite depuis que mon cœur a été touché par Dieu.

Et c’est pourquoi c’est sous cet angle particulier que je lis nos textes.

C’est la parole que Dieu m’a adressé au moment où il m’a appelé, et c’est ce qui guide ma vie. Depuis que j’ai compris ça, je ne me sens plus ballotté à droite et à gauche, soumis aux modes des croyances et des doctrines.

Gardez-vous en mémoire la manière dont Dieu a réveillé votre conscience ? Chérissez-vous les paroles qu’il a prononcées sur vous lorsqu’il a appelé votre cœur à le servir, là où vous êtes, tel·le·s que vous êtes ? Ce sont sur ces paroles que se fonde votre service.

Vous n’êtes pas forcément appelé·e·s à déraciner, démolir, casser et détruire, reconstruire et replanter, mais vous êtes forcément appelé·e·s à servir Dieu dans votre vie, ici et maintenant, de la manière dont il vous l’a indiquée.

Et quoi qu’en disent les pasteur·e·s, les frères et les sœurs qui vous entourent, quoi qu’en disent les rois, les reines, les ministres, les prêtres et les habitants du royaume, Dieu est avec vous pour vous délivrer de la peur.

Alors, est-ce que vous acceptez sa mission ?

Comments (1)

  • Delphine

    7 février 2022 at 12:38

    Merci pour cette prédication.Au delà de l’appel, ce que je lis une fois de plus dans ton texte c’est la place, le statut des écritures bibliques.Je suis en plein questionnement sur ”la validité ” de ces écrits.
    A la lecture de tes textes, j’ai le sentiment de saisir plusieurs choses qui me permettent d’y voir plus clair et m’apaisent.
    Pour moi, la Bible dans son ensemble est la narration d’un récit avec, en son centre,Dieu tel qu’on nous le présente.
    Envisager les choses sous cet angle m’apaise et me réconcilie avec les écrits car je ne lutte plus pour essayer comprendre l’incompréhensible et surtout j’ai cessé de lutter pour savoir si tout cela est bien la vérité vraie 😉
    De nos jours, aucuns politiques, aucunes sociétés n’est en mesure de nous donner un récit d’espérance qui donne envie de se retrousser les manches pas même les écolos (de mon humble avis) cause pourtant pour laquelle j’ai envie de me battre.
    Alors merci pour cette ouverture d’esprit.
    Delphine

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