La dynamique de l’Espérance

11 septembre 2022Lionel Thébaud

Je veux parler d’espérance.

Pardon, pas d’espérance, mais de l’Espérance. Avec un grand E.

Je veux parler de l’Espérance, parce qu’autour de nous les mauvaises nouvelles nous assaillent. Parce que nous avons l’impression, parfois, que nous manquons d’air. Parce que nous aimerions bien que la vie soit un peu plus légère.

Parce que nous avons des vies bien trop pleines et que nous manquons déjà de temps pour faire tout ce que nous devons faire. Moi, quand je commence à me dire « tiens, j’aimerais bien aller au ciné » ou « je voudrais passer du temps avec des amis », je sais que je vais devoir le prendre sur mon sommeil.

Le sentiment d’étouffer, parfois, ça vous connaît ? Moi aussi. Alors il me faut parler de l’Espérance.

L’Espérance… Ne pas confondre !

Et d’abord, donc, il ne faut pas confondre l’Espérance avec… euh… avec autre chose. Je m’explique (un article à lire en parallèle ici).

Quand on entend qu’il y a la guerre, quand on sait ce qu’on sait sur la crise climatique et les difficultés qui nous attendent, quand on s’attend à avoir un examen scolaire, quand nos parents nous ordonnent de ranger notre chambre… On se dit qu’on va peut-être avoir de la chance et qu’on va nous oublier. Qu’on va passer à travers les mailles du filet.

On se dit que peut-être, d’un coup, comme par magie, on va pouvoir avoir toutes les réponses aux questions que le prof nous pose même si on n’a pas pris le temps de réviser.

Par magie, oui, c’est ça : nous avons des réflexes qui relèvent de la pensée magique.

La pensée magique contre l’Espérance

Il m’est arrivé d’avoir dépassé les limites de vitesse depuis que je suis pasteur en Eure et Loir, et de m’être fait flasher par les radars. C’est vraiment pas de bol, parce que je fais attention à respecter les limites, mais dans ce département c’est tellement mal indiqué que je ne sais jamais à quelle vitesse je dois rouler.

Je me suis fait prendre à 88 km/h dans une zone à 80. En recevant l’amende j’ai espéré pouvoir demander un recours. Magique. Une fois l’illusion passée, retour à la réalité : j’ai payé l’amende. Point.

Pensée magique aussi quand on espère que nos enfants – ou nos petits-enfants – réduiront les émission carbone que nous avons générées. On aimerait bien que ce soit le cas, on aimerait bien aussi gagner au loto, mais la réalité nous rattrape – toujours : nous devons payer l’amende !

Ce que nous espérons n’a pas grand-chose à voir avec l’Espérance chrétienne. Nous mélangeons souvent les choses. Nous prenons nos petits désirs pour de l’Espérance, mais c’est une erreur. J’ai été élevé par des adultes qui me répétaient : tu ne dois pas prendre tes désirs pour des réalités.

Je me demande si nous n’avons pas fait ça, collectivement : entretenu l’illusion que tous nos désirs pouvaient être réalisés. Nous avons prié « que ta volonté soit faite » et nous avons pensé « que notre volonté soit faite » !

Nous devons prendre en compte nos désirs – et je le dis clairement : nos désirs sont importants, il faut les écouter – mais ça ne veut pas dire que nos désirs soient bons à mettre en œuvre. C’est là que nous avons besoin d’être touché·e·s par une parole de Dieu. C’est là que nos cœurs doivent être assez souples pour se convertir, pour que nous fassions demi-tour et que nous soyons véritablement porteurs et porteuses de l’Espérance.

L’Empire

Alors pour me convertir, pour faire demi-tour, je me tourne vers Paul et son message à l’Église de Rome. Ça fait longtemps qu’il a écrit cette lettre au Romains, c’était vers l’an 60 après Jésus-Christ. La société n’était pas du tout la même qu’aujourd’hui.

Dans le monde de l’Antiquité d’alors, les armées romaines avaient envahi toute la région. Le pouvoir politique de l’époque tenait les peuples dans une main de fer, et toute opposition était réprimée. Les autres civilisations s’étaient écroulées, parce qu’elles avaient été vaincues par les Romains ! Pourtant, il y avait de belles civilisations !

Et puis il y avait la culture juive, avec ses cultes, ses particularités dont on rencontre quelques saveurs dans nos textes du premier et du nouveau testament… tout ça, disparu. L’autonomie du peuple juif, disparue ! Il fallait désormais recomposer avec le pouvoir en place, et demander l’autorisation de pouvoir fêter Pâques ou Pourim…

Les choses anciennes sont passées, toutes choses sont devenues nouvelles, et ces choses nouvelles, ça ne nous plaît pas, parce que ce ne sont pas des bonnes nouvelles.

Ben oui, c’est la vie.

Et dans ce contexte du premier siècle, on n’a pas l’impression que ça va s’améliorer : on parle beaucoup de fin du monde, on écrit l’apocalypse, on parle d’un effondrement galactique, avec un grand combat final entre le bien et le mal. On parle beaucoup des souffrances à venir.

Je vous rappelle juste ce passage, que nos évangiles mettent dans la bouche de Jésus : cliquez ici pour lire l’évangile selon Matthieu, chapitre 24, versets 37 à 42.

Pas très positive attitude, tout ça.

L’Espérance ???

Et l’Espérance, alors ?

Eh bien justement. L’Espérance, c’est précisément là qu’elle se joue : quand il n’y a plus aucune issue, quand l’espoir de s’en sortir a disparu. On n’est pas dans la pensée magique ou dans l’illusion que nous allons passer entre les mailles du filet.

L’Espérance ne nie pas le réel : le réel, c’est là, et il n’y a rien à faire pour échapper à l’amende quand on s’est fait flasher. Bien sûr, il peut y avoir un truc exceptionnel – le radar est en panne, ou bien l’entrepôt qui conservait la contravention a brûlé (je vous jure que j’y suis pour rien!), mais c’est de l’ordre du miracle, et le miracle biblique n’agit pas comme ça sur commande pour satisfaire nos moindres désirs.

La dynamique de l’Espérance c’est un miracle beaucoup plus grand que le simple fait d’ouvrir la mer en deux. La dynamique de l’Espérance, c’est de traverser le malheur en gardant cette foi qui a été déposée dans nos cœurs, cette assurance que Dieu traverse ce malheur avec nous, qu’il nous soutient, et qu’il nous donne la force et le courage de mettre en œuvre ce qui est nécessaire pour aller de l’avant, du mieux que nous pouvons.

Quand les Assyriens ont envahi Israël, quand les Babyloniens ont dévasté Jérusalem et son temple, quand les Romains ont déstructuré le peuple juif et détruit (pour la deuxième fois) leur temple, obligeant Juifs et chrétiens à fuir le pays, que s’est-il passé ? A chaque fois, il se sont organisés pour survivre. Ils ont redéfini leur religion et leur manière de vivre ensemble. Ils ont retissé des liens de solidarité. Ils ont travaillé à traverser ces malheurs dans le but de rester des communautés vivantes.

La voilà, la dynamique de l’Espérance.

Une dynamique

L’Espérance, c’est cette force qui nous est donnée en raison de la foi, qui vise à continuer de vivre (pas simplement survivre !) en mettant en pratique l’amour de Dieu et du prochain, dans les situations que nous traversons. Souvenez-vous :

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort… je ne crains aucun mal car tu es avec moi.

Le psaume 23 ne dit pas : « tu me permets d’échapper à la vallée de l’ombre de la mort ». Non, « quand tu marches dans la vallée »… eh bien Dieu est là, avec toi, il traverse cette vallée avec toi, il te fait du bien et il te nourrit dans ces circonstances-là.

La dynamique de Romains 15.1-3

Alors, quels sont les conseils de Paul concernant la dynamique de l’Espérance ?

Nous qui sommes forts, nous avons une obligation :
prendre à cœur les scrupules des personnes faibles
et ne pas chercher ce qui nous plaît.
Que chacun de nous cherche à plaire à son prochain pour son bien,
de manière constructive.
En effet, le Christ n’a pas recherché ce qui lui plaisait.

Vous comme moi, nous cherchons des paroles agréables, positives, et qui nous font du bien. Nous cherchons le confort. Nous cherchons à ne pas être trop dérangé·e·s dans notre quotidien. Et c’est une bonne chose de chercher des choses agréables.

Mais Paul nous avertit : l’objet de nos recherches, ce n’est pas ce qui nous plaît. Nous devons rechercher le bien de l’autre, et surtout, la personne forte doit chercher à plaire à la personne faible (en général, c’est l’inverse qu’on exige).

Et quand nous cherchons le bien de l’autre, nous mettons de côté notre propre confort. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre en plus du sourire de la crémière. Ce n’est pas un sacrifice, c’est un renoncement. C’est différent.

L’Espérance dans Romains 15.4

Tout ce que nous trouvons dans l’Écriture
a été écrit dans le passé pour nous instruire,
afin que, grâce à la persévérance et au réconfort qu’elle nous apporte,
nous possédions l’espérance.

L’Espérance nous est donnée quand nous écoutons comment les anciens ont traversé les moments très difficiles, et comment Dieu a été avec eux pour les aider à reconstruire une vie différente.

Et Romains 15.5-7

Que Dieu,
la source de la persévérance et du réconfort,
vous rende capables de vivre en bon accord les uns avec les autres
en suivant l’exemple de Jésus Christ.
Alors, tous ensemble et d’une seule voix,
vous louerez Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
En résumé, accueillez-vous les uns les autres,
comme le Christ vous a accueillis,
pour la gloire de Dieu.

Paul nous parle là de convivialité et de solidarité. Si nous mettons en œuvre la convivialité et la solidarité, alors nous pourrons louer Dieu ensemble. C’est un beau programme, non ? C’est la raison d’être de l’Église, ça : la convivialité et la solidarité comme annonce concrète de la bonne nouvelle du royaume de Dieu et de son Espérance. Le but, la raison d’être de notre vie paroissiale, c’est de créer les conditions qui nous permettent de vivre le royaume de Dieu ici et maintenant, dans les circonstances qui sont les nôtres, et de nous préparer à vivre ce royaume dans les circonstances qui vont bientôt être les nôtres.

Bénédiction finale : la dynamique de l’Espérance

Et Paul termine avec cette bénédiction :

Que Dieu, la source de l’espérance,
vous remplisse d’une joie et d’une paix parfaites par votre foi en lui,
afin que vous soyez riches d’espérance par la puissance de l’Esprit saint.

C’est sur ces mots que, moi aussi, je termine cet article, en priant qu’il nourrisse votre réflexion et votre pratique de la foi.

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