L’espérance au milieu des ruines
Mais maintenant,
le Seigneur déclare :
Quand le royaume de Babylone aura sévi pendant soixante-dix ans,
j’interviendrai pour vous et je réaliserai le bien que je vous ai promis :
je vous ferai revenir ici, à Jérusalem.
Car moi, le Seigneur, je sais bien quels projets je forme pour vous ;
et je vous l’affirme :
ce ne sont pas des projets de malheur
mais des projets de bonheur.
Je veux vous donner un avenir à espérer.
Si vous faites la démarche de m’appeler et de me prier,
je vous écouterai ;
si vous vous tournez vers moi, vous me retrouverez.
Moi, le Seigneur, je vous le déclare :
Si vous me recherchez de tout votre cœur,
je me laisserai trouver par vous.
Je vous rétablirai,
je vous ferai sortir de chez tous les peuples et de tous les endroits où je vous ai dispersés.
Je vous rassemblerai et je vous ferai revenir en ce lieu d’où je vous ai emmenés en exil, déclare le Seigneur.
Jérémie, chapitre 29, versets 10 à 14
Ainsi, la promesse a été faite en raison de la foi,
afin que ce soit un don gratuit de Dieu
et qu’elle soit confirmée pour tous les descendants d’Abraham.
La promesse concerne donc non seulement ceux qui obéissent à la Loi
mais aussi ceux qui croient comme Abraham a cru.
Abraham est notre père à tous,
comme le déclare l’Écriture :
« J’ai fait de toi l’ancêtre d’une multitude de peuples. »
Il est notre père devant Dieu en qui il a mis sa confiance,
le Dieu qui rend la vie aux morts et qui appelle à l’existence ce qui n’existait pas.
Abraham a eu confiance.
Il a espéré, alors que tout espoir semblait vain,
et il devint ainsi « l’ancêtre d’une multitude de peuples »,
selon ce que Dieu lui avait dit :
« Tel sera le nombre de tes descendants. »
Il avait environ cent ans,
mais sa foi ne faiblit pas quand il pensa à son corps presque mourant
et à Sara, sa femme, qui était stérile.
Il ne perdit pas confiance et il ne douta pas de la promesse de Dieu ;
au contraire, sa foi le fortifia et il loua Dieu.
Il était absolument certain que Dieu avait le pouvoir d’accomplir ce qu’il avait promis.
Voilà pourquoi il est dit d’Abraham que, à cause de sa foi, « Dieu l’a considéré comme juste ».
Mais ces mots
« Dieu l’a considéré comme juste »
n’ont pas été écrits pour lui seul.
Ils ont été écrits aussi pour nous qui devons être considérés comme justes,
puisque nous mettons notre confiance en Dieu qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur.
Il a été livré à la mort à cause de nos fautes et Dieu l’a ressuscité pour nous rendre justes.
Romains, chapitre 4, versets 16 à 25
Dieu libère l’avenir
Le prophète Jérémie prononce une parole incroyable de la part du Seigneur : « Je veux vous donner un avenir à espérer ». Parole prononcée au milieu d’un peuple qui désire retrouver son pays, sa ville et son temple alors que tout a été détruit et qu’il est captif à Babylone. Parole prononcée alors même que tout espoir de retrouver sa vie d’avant a disparu. On est là dans quelque chose d’impossible, à vues humaines.
Plus tard, la parole prophétique va s’accomplir. La réalité, c’est que les choses ne peuvent plus redevenir comme avant, ceux qui vont retourner au pays vont en baver pour revivre dans le pays, parce que ce qui a été détruit est détruit à tout jamais, et leur conception de Dieu a beaucoup changé entre temps.
Mais Dieu leur avait prévu un avenir et des projets.
Avec de nouveaux défis à relever. Au cœur même de leur désespoir.
Abraham, lui, n’a aucun espoir de voir ses enfants. Il est trop vieux, et Sarah est trop vieille. Et puis elle est stérile. C’est fini. La situation est désespérée. Il n’y a plus rien à faire.
Et pourtant Dieu a prononcé une parole : tu auras une descendance nombreuse. Et Abraham a cru. Il a cru un moment que ce serait son serviteur qui lui assurerait une descendance. Mais un jour, Sarah a été enceinte. Dieu leur avait prévu un avenir et des projets.
Avec de nouveaux défis à relever.
Au cœur même de leur désespoir.
Deux exemples parmi tant d’autres dans la Bible, qui ont fait dire à Jacques Ellul que lorsqu’il y a encore de l’espoir, on ne se situe pas dans l’espérance.
L’espérance au milieu des ruines
Jacques Ellul, penseur protestant dont nous avons une présentation dans notre bulletin paroissial, a beaucoup écrit sur les questions écologiques, et ce, dès les années 30 ! L’idée-phare c’est que, je cite : « en modifiant radicalement la nature, c’est la liberté de l’homme que l’on met en péril ». Dans les années 50 il écrivait : « on ne peut poursuivre un développement infini dans un monde fini ». Et dans les années 80 il invitait à « penser globalement, agir localement ».
Ellul, donc, avait sonné l’alarme en expliquant comment la logique de notre système nous conduirait inévitablement à une impasse écologique dangereuse pour la survie de l’espèce humaine. Il n’était pas tout seul bien entendu, mais il était dans la minorité des lanceurs d’alerte de l’époque.
Aujourd’hui, le rapport du GIEC nous plonge dans le réalisme. Et si on regarde bien en face la réalité, pardonnez-moi de gâcher vos vacances, mais il n’y a aucun espoir.
Les États s’étaient engagés en 2013 à faire en sorte que le réchauffement ne dépasse pas une augmentation de 1,5°C d’ici à la fin du siècle. C’était déjà un objectif pas très optimiste, parce que le réchauffement aurait de toute façon bel et bien lieu. Mais les mesures qui ont été prises concrètement étaient largement en deçà de cet objectif, et nous savons maintenant qu’il sera impossible de le réaliser.
Nous savons que c’est foutu.
C’est le désespoir.
A vues humaines, il n’y a plus aucun espoir de laisser à nos enfants et à nos petits enfants quelque chose de valable sur cette terre.
Le désespoir produit deux comportements opposés : chez certaines personnes, ça va produire un esprit d’abandon. Puisqu’il n’y a plus rien à faire, baissons les bras et « mangeons et buvons, car demain nous mourrons ». Après moi le déluge. Bref, le désespoir peut conduire au défaitisme.
Et c’est là que les communautés chrétiennes ont un rôle. Car la deuxième chose que peut produire le désespoir, c’est l’espérance. L’espérance que Dieu veut continuer avec nous, qu’il n’a pas fini son travail. L’espérance que Dieu n’a pas dit son dernier mot. L’espérance qu’il va susciter un réveil des consciences tel que le destin de l’humanité va changer, comme il a changé le destin d’Abraham et Sarah, comme il a changé le destin des Israélites de l’Antiquité, comme il a changé le destin de tant d’autres personnes dans l’histoire biblique.
Ça veut dire que nous, chrétiens, chrétiennes, sommes invité·e·s à prendre notre destin en main et à assumer l’espérance que nous portons. Ça veut dire que nous n’allons pas baisser les bras, mais que nous allons continuer à faire nos petits efforts individuels.
Mais ça veut surtout dire que nous allons obliger les femmes et les hommes politiques à prendre les décisions qu’il convient de prendre, pour que nous entrions dans une nouvelle manière de vivre ensemble. Des politiques capables de prendre des décisions impopulaires, mais qui auront pour but de préserver concrètement notre lieu de vie. Des politiques capables de mettre des moyens dans tout ce qui peut nous aider à renverser la catastrophe écologique à venir. Des politiques qui, contrairement à tout ce que nous avons vécu jusqu’à ce jour, ne mettront pas leur énergie à jouer avec le peuple pour dresser une partie des gens contre les autres, mais qui joueront à fond la carte de la solidarité et de l’entraide, pour qu’ensemble nous puissions dépasser cette crise profonde, et vivre de notre espérance.
Au coeur du problème
Je ne prétends pas que les politiques n’ont rien fait – ce serait de la mauvaise foi. Beaucoup de choses, en fait, ont été mises en place : aujourd’hui nous trions nos déchets, nous essayons de consommer des produits moins polluants, nous compostons, nous économisons de l’énergie, et nous en faisons toujours plus.
Et on nous demande sans cesse d’en faire toujours plus, et on nous culpabilise parce que nous n’en faisons jamais assez.
Mais que font les États, eux, à part nous demander d’en faire toujours plus ? Est-ce qu’ils repensent notre système ? Est-ce qu’ils osent prendre le courage politique de redéfinir notre manière de vivre ensemble, en excluant de notre paysage tout ce qui contribue à augmenter les risques écologiques ? Est-ce qu’il y a des mesures sérieuses pour réduire les gaz à effet de serre par exemple ?
Très peu.
Parce que la seule solution serait radicale : il s’agirait de mettre fin à cette idée perverse qu’il faut sans cesse stimuler la croissance. Alors on aurait une véritable politique énergétique qui stoppe les gaspillages, certaines productions industrielles n’existeraient plus, les productions agricoles les plus polluantes, comme l’élevage, seraient limitées. Bref, on aurait un vrai courage politique et économique, plutôt que de faire porter la responsabilité de notre avenir sur nos petites épaules d’individus coincés entre nos moyens financiers et nos obligations en matière de consommation.
On nous rabâche que notre portefeuille est le meilleur bulletin de vote. Mais moi je dis qu’un consommateur ne consomme que ce qu’on lui offre à consommer. Tant qu’on nous vendra de la nourriture pourrie de pesticides, nous en consommerons, parce que la nourriture saine est trop inaccessible à notre portefeuille. Tant que les transports en commun ne seront pas moins chers et plus optimisés, nous achèterons des voitures et du pétrole. Tant qu’on nous obligera à travailler loin, nous nous déplacerons, etc.
Comment ça se fait qu’on a rien fait de concret et de pertinent sur ces questions environnementales ?
La réponse est simple : on s’en fout. L’argent est plus intéressant que la survie des espèces.
Il y a 2000 ans on constatait déjà cette même attitude avec l’Évangile : « la lumière est venue dans le monde mais les êtres humains ont préféré l’obscurité à la lumière. » La Bible affirme que nous préférons l’obscurité. Je ne sais pas si elle a toujours raison, mais là, franchement, je me dis que nos sociétés préfèrent l’obscurité à la lumière. Elles préfèrent continuer à faire du profit plutôt que de construire un monde plus vivable.
Le rapport du GIEC est important, parce qu’il nous dit où nous allons, mais au final celles et ceux qui tiennent les manettes de nos sociétés s’en fichent royalement.
Vivre avec l’espérance
Nous sommes une communauté chrétienne, animée par la foi chrétienne. La foi chrétienne ne conduit pas au néant : nous avons l’espérance pour horizon.
Jacques Ellul, encore lui, disait que l’espoir et l’espérance sont deux choses différentes. L’espérance est une vertu chrétienne, l’espoir est accessible à tout un chacun. Il ne dit pas que l’espoir c’est pas bien. Il dit juste que ça n’a rien de spécifiquement chrétien. Et parfois il trouve que l’espoir chez les chrétiens ressemble plus à une espèce d’optimisme béat qu’à une vraie prise en compte des réalités. On se rassure et on se console facilement en se disant : « tout ira bien ».
L’espoir, c’est la perspective d’une amélioration de la situation à vues humaines. Il relève de l’optimisme.
L’espérance surgit quand il n’y a plus d’espoir et qu’on s’en remet aux promesses de Dieu.
Nous n’attendons pas passivement que Dieu accomplisse ses promesses, mais nous nous engageons dans ce monde et nous traversons les épreuves de l’histoire parce que nous savons que Dieu nous accompagne par son Esprit d’amour. Cette différence entre espoir et espérance ne marche qu’en français. De ces deux noms communs, nous n’avons qu’un seul verbe : espérer.
Et espérer, c’est défataliser l’avenir.
C’est le message donné à Abraham, et c’est le message donné à Jérémie. Nous avons la responsabilité de prier et d’agir conformément à nos prières. Nous avons la responsabilité de nous engager pour la transformation du monde.
N’ayons pas peur, et relevons le défi, pour que ce monde devienne de nouveau un peu plus vivable !
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