Libérez Onésime !
Libérez Onésime ! Ce cri du cœur est celui de l’apôtre Paul, qui, de manière très diplomatique, demande à Philémon d’affranchir son esclave. Avant d’aller plus loin, il te faut lire cette belle lettre.
C’est bon ? Tu l’as lue ? Alors on y va.
Avoir un bon copain…
La lettre à Philémon est une lettre très courte : elle compte 25 versets. Ça se lit très vite, comme tu as pu le constater.
C’est en quelque sorte l’apôtre Paul qui écrit une lettre à un copain.
Imagine Paul en train d’écrire sa lettre… Quelqu’un vient lui dire : tu sais, ta lettre, dans 2000 ans, il y a des gens qui vont la lire parce qu’elle sera intégrée dans un gros livre qu’on appellera la bible, et qui servira de référence pour des milliards de chrétiens et de chrétiennes dans le monde entier…
Quelle tête tu ferais, toi, si on te disait que le mail que tu viens d’envoyer va inspirer des milliards d’êtres humains sur la planète ? Heureusement que Paul n’avait pas conscience de la portée de sa lettre. Ça lui aurait sacrément mis la pression.
Paul écrit donc à son ami Philémon, mais pas seulement : il s’adresse aussi à l’Église qui se réunit chez lui.
Quelques explications utiles
Une Église, dans l’esprit des chrétiens, ce n’est pas un bâtiment. Dans l’esprit des chrétiens, une Église, c’est des gens qui se rassemblent au nom du Christ.
Donc si vous êtes deux, ou trois, rassemblés au nom du Christ pour discuter ou pour faire quelque chose, vous êtes une Église. Il y a forcément un moment où, ensemble, vous allez parler de Dieu, et de Jésus, et où vous allez vous encourager à persévérer dans la foi.
Philémon, c’est quelqu’un qui un jour a entendu Paul parler de Jésus, et qui a compris que Dieu l’aimait. Il a donc changé de comportement et il a commencé à vivre avec Dieu. C’est pour ça qu’il a ouvert sa maison afin que l’Église se réunisse chez lui.
Paul, lui, a été mis en prison dans la ville d’Éphèse, parce que le message qu’il annonce dérange beaucoup les autorité politiques et religieuses. C’est donc dans sa prison, à Éphèse, que Paul écrit à son ami Philémon.
Philémon c’est un homme riche qui vit sans doute dans la ville de Colosses : on sait qu’il est riche, d’abord parce qu’il a une maison assez grande pour accueillir la communauté qui se réunit pour prier, mais aussi parce qu’il a – nous dit Paul – au moins un esclave.
A propos de l’esclavage
Quand on dit le mot « esclave », on pense à ces personnes d’origine africaine qu’on a arraché à leurs familles et à leur culture pour en faire des êtres moins bien traités que certains animaux. Mais à l’époque de Paul, l’esclave c’est tout simplement une personne qui appartient à quelqu’un d’autre.
Cette personne pouvait être traitée comme une chose, exactement comme ces esclaves auxquels nous pensons, mais elle pouvait aussi avoir une certaine position sociale. Les Juifs par exemple pouvaient avoir des esclaves, mais ils avaient l’obligation de les traiter avec respect.
On a dans la Bible quelques esclaves célèbres, et Joseph, par exemple, le roi des rêves, celui qui a été vendu par ses frères, a été esclave en Égypte et il était quasiment aussi puissant que le Pharaon.
Le statut d’esclave est un statut injuste, mais à l’époque de Paul, ce n’était pas forcément synonyme de maltraitance. Ce que je veux dire, c’est que quand on parle d’esclaves dans la Bible, on parle de plein de sortes d’esclavage possible, et pas forcément de l’image que nous avons, nous, occidentaux du 21e siècle, sur l’esclavage.
Onésime, un esclave
Le personnage principal de cette lettre ne s’appelle pas Philémon. Il ne s’appelle pas Paul, d’ailleurs.
Le personnage principal de cette lettre s’appelle Onésime.
Onésime, c’est un esclave.
On ne sait pas quel genre d’esclave était Onésime. Mais on sait qu’il était un esclave éduqué : ça veut dire qu’il n’était pas affecté à des tâches agricoles ou matérielles. C’était peut-être quelqu’un qui donnait des cours de grec aux enfants de Philémon, ou quelqu’un qui jouait de la musique, ou qui faisait de la comptabilité… Bref, on peut imaginer plein de choses.
Onésime s’est enfui. Il a quitté la maison de Philémon, et on ne sait pas pourquoi. Est-ce qu’il se faisait battre ? Est-ce qu’il a commis un crime ? On n’en sait rien.
Mais Onésime, en s’enfuyant, a trouvé refuge auprès de l’apôtre Paul.
On se demande pourquoi Onésime fuit de Colosses à Éphèse, c’est un long chemin (200km), et on se demande comment Onésime connaît Paul. C’est une histoire qui a plein de trous.
La conversion
Mais lorsqu’il trouve Paul dans la prison d’Éphèse, Onésime entend Paul parler de Jésus, et il comprend que Dieu l’aime. Il change donc de comportement et il commence à vivre avec Dieu. Et la première chose qu’il doit faire, en tant que chrétien, pour vivre avec Dieu, c’est de se réconcilier avec son maître.
Toi, quand tu te disputes avec quelqu’un, ou quand quelqu’un t’énerve, est-ce que tu vas le voir pour essayer de te réconcilier ?
En général, on laisse faire les choses, et les choses ne s’améliorent jamais. Plus le temps passe, et plus l’autre nous énerve. Et plus l’autre nous énerve, et plus on s’éloigne de lui.
Quand on est chrétien, on n’a pas le droit de faire ça. Être chrétien, ça veut dire former une communauté spirituelle, et ça implique de faire l’effort de nous rapprocher les uns les autres, et de nous réconcilier.
Et c’est parce que ce n’est pas facile, quand on est un esclave en fuite, de se réconcilier avec son maître, que Paul écrit à son ami Philémon.
Libère Onésime !
Et en gros, voilà ce que Paul dit à son ami :
« Philémon, tu es le maître d’Onésime, Onésime est ton esclave, tu es dans ton bon droit si tu le traites comme tu en as envie. Mais Onésime a donné sa vie à Dieu, il a reçu l’évangile de Jésus-Christ, et aujourd’hui il est mon frère et il est aussi ton frère. Je te demande d’accueillir Onésime non plus comme ton esclave, mais de l’accueillir comme un frère dans la foi. Comme ton égal. D’ailleurs, Onésime, j’aurai bien aimé le garder auprès de moi car il m’est très utile. Aussi, si tu pouvais l’affranchir, ça lui permettrait de venir librement m’aider dans mon ministère. »
Note ici le jeu de mots : Onésime – qui veut dire « utile » – m’est utile. En langage vraiment très clair, Paul demande à Philémon d’affranchir Onésime, c’est-à-dire de faire en sorte qu’Onésime ne soit plus son esclave.
Cette demande, elle n’est pas faite au nom d’une loi.
Paul ne dit pas que l’Évangile lui ordonne de libérer Onésime. Il ne fait pas cette demande non plus en usant de son autorité : en tant qu’apôtre il aurait sans doute pu lui dire « tu libères Onésime et puis c’est tout ».
Non, Paul lui demande de faire ça par amour. L’amour que Philémon a reçu de la part de Dieu, il doit apprendre à le déverser sur les autres, et là, dans ce cas particulier, sur Onésime. Note le jeu de mot : Paul demande à Philémon – qui veut dire « amical » – d’être l’ami d’Onésime.
Un amour qui libère
En fait, Paul argumente ainsi : « la foi que tu as pour le Seigneur Jésus et l’amour que tu as pour tous les saints » te poussent à considérer Onésime comme ton égal.
Ça te pousse à libérer l’autre de sa condition d’esclave.
Ce n’est pas juste de lui dire « tu es mon égal » et de continuer de le dominer. Si l’autre est ton égal, alors tu ne le domines plus : il est libre.
L’Évangile a des conséquences pratiques très concrètes, ce n’est pas simplement des valeurs chrétiennes ou des idées qu’on proclame. L’Évangile se manifeste par des actes.
Et là, Paul dit à Philémon que l’amour qu’il a reçu de Dieu doit avoir des répercutions concrètes dans la vie de son esclave. Mais comme Paul ne lui ordonne pas de libérer Onésime, Philémon est libre de le faire.
Ou pas.
Avec Paul, nous comprenons que nous sommes renvoyés à notre responsabilité personnelle et à notre propre créativité : la grâce nous est donnée, nous devons la déployer dans le domaine des relations par des actions concrètes, mais nous avons toute la liberté nécessaire pour la déployer de la manière qui nous semble la meilleure, pourvu que nous la déployions.
Pourvu que nous cherchions l’intérêt de l’autre, et pas notre propre intérêt. Pourvu que l’amour de Dieu soit bien redistribué.
La communion qui libère
Et alors, ce que je trouve très intéressant, l’argument « massue », si je peux dire, se trouve de manière très discrète dans le verset 17. Lisons-le ensemble : « Si donc tu me considères comme ton ami, reçois-le comme si c’était moi-même ».
Ce qui m’intéresse ici c’est l’expression « ton ami ». Le terme grec, c’est Koinonion, qu’on trouve souvent traduit par « compagnon » (celui avec lequel on partage le pain), ou, comme ici, « ami ».
Ce mot vient du terme KOINONIA, que tu as peut-être déjà entendu. Qu’on traduit par communion. KOINOS veut dire « commun », et le verbe qui en découle signifie « mettre en commun ».
Communier, au sens profond, c’est mettre en commun.
La communion fraternelle pour Paul ce n’est pas un concept abstrait qui reste au stade des pensées ou des émotions. Ça se traduit par des actes concrets de mise en commun, de partage, au cœur même des relations.
L’important…
Pour moi, c’est ça qui est important. Paul dit là à Philémon : toi et moi, nous sommes en communion. Ensemble, nous partageons la foi de Jésus-Christ. Ensemble, nous partageons l’Esprit de Dieu. Ensemble, nous partageons la vie divine, nous partageons son amour.
Parce que nous avons entendu parler de Jésus, et nous avons compris que Dieu nous aimait.
Nous avons donc changé de comportement et nous avons commencé à vivre avec Dieu.
Toi et moi sommes en communion, et maintenant, Onésime est lui aussi en communion avec nous. Nous avons ce même devoir de partage avec lui, puisque par la foi qui l’habite, il est devenu notre égal.
Ça, pour moi, c’était inattendu.
La première fois que j’ai lu cette lettre, je ne m’attendais pas à ce que l’amour que Dieu me donne me pousse à changer l’ordre des relations que j’avais avec les autres. Je ne m’attendais à ce que ça me pousse à considérer l’autre comme un égal – pas seulement en esprit, mais aussi en vérité, de manière très concrète.
Et l’autre, c’est tous les autres. L’autre, c’est le riche, c’est le pauvre, l’autre c’est le brigand, le voleur, comme la personne qui respecte la loi.
L’autre c’est l’étranger, l’autre c’est la femme, l’autre c’est l’enfant. Tous et toutes égaux avec moi.
Tous et toutes des personnes que je n’ai pas le droit de dominer. D’opprimer. De mépriser.
Tous et toutes, aussi, que je dois faire l’effort de relever, spirituellement et socialement, par les moyens qui sont à ma disposition.
Ce qu’on attend de toi
On ne sait pas ce qu’est devenu Onésime. On ne sait pas ce qu’est devenu Philémon. La lettre se termine sur une note d’espoir, attendant que Philémon fasse preuve d’amour envers son esclave devenu frère dans la foi. Cette lettre attend une réalisation, une mise en œuvre.
Et toi, aujourd’hui, comment peux-tu mettre cet enseignement en œuvre dans ta vie ?
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