La Nativité, ou le théâtre selon Luc
La Nativité, racontée par Luc, est une vraie pièce de théâtre.
L’Évangile selon Luc se focalise sur le temple de Jérusalem : son histoire commence avec la vision de Zacharie dans le temple, et elle finit après la résurrection de Jésus lorsque les disciples retournent louer Dieu dans le temple.
L’auteur de l’Évangile selon Luc à le sens de la mise en scène, et ça se sent dans la manière dont il raconte l’histoire de la naissance de Jésus. En effet, le récit se présente comme une grande pièce de théâtre, comme si, dès l’origine, cette histoire avait été communiquée par la mise en scène, et non par l’écrit.
On peut imaginer un grand théâtre en plein air, comme ça pouvait se faire dans l’Antiquité, et des acteurs qui prennent place sur scène. Et c’est peut-être parce que ça a été écrit comme une saynète qu’on peut voir, chaque année, partout dans le monde, des gens rejouer la scène de la Nativité.
La Nativité, d’abord des histoires racontées
On estime généralement qu’à l’origine, on racontait des histoires, en famille, et en Église.
Les disciples de Jean-Baptiste racontaient l’histoire de Anne, Zacharie et Jean-Baptiste. Certains disciples de Jésus racontaient l’annonce faite à Marie. D’autres chantaient le cantique de Marie, que Dominique nous a lu pour la louange. D’autres encore racontaient la naissance de Jésus avec l’histoire des bergers. Et tant d’autres histoires, qui étaient racontées au coin du feu.
Toutes ces histoires se sont mises à circuler, certaines se sont rencontrées, et Luc en aurait compilées certaines, écartées d’autres, il les aurait agrémentées de détails, de cantiques et de dialogues, permettant ainsi de coudre les histoires entre elles pour en faire une grande pièce de théâtre.
L’annonce de l’ange à propos de Jean-Baptiste rappelle l’histoire d’Abraham et Sarah, avec l’enfant de la promesse, Isaac. Faire intervenir un ange (mais pas n’importe quel ange : Gabriel, celui qui rappelle aux auditeurs et aux auditrices juives de l’époque l’histoire du prophète Daniel, qui parle de la fin des temps et de la venue du Messie) permet de donner un sens particulier au récit de Luc.
Bref, une étude passionnante reste à faire de tous ces emprunts que Luc fait au premier testament pour raconter son histoire de la naissance de Jésus. Sans même parler des emprunts à la tradition prophétique, placés ici pour nous convaincre que la naissance de Jésus avait depuis toujours été prévue par Dieu.
Le théâtre de Luc, entre littéral et symbolique
Les personnes qui assistaient à ces mises en scène du récit prenaient-elles son contenu au sens littéral, où bien le voyaient-elles comme une pièce qui contenait une belle histoire à interpréter ? Je suis convaincu que le public de ce spectacle, ainsi que ses premiers auteurs, le voyaient comme une mise en scène qui expliquait la source de la vie qui habitait Jésus.
Mise en scène ? Oui. Par exemple, si on enlevait le chapitre un, personne n’irait imaginer que Joseph n’était pas le père de Jésus. Dans le reste de son évangile, rien ne laisse croire que Jésus n’est pas le fils de Joseph.
Luc, comme un écrivain, à façonné tous les personnages présents dans la prime enfance de Jésus à partir des personnages des écritures hébraïques. Il a accentué et ajouté tout cela parce qu’il avait un but théologique. Et là, une autre étude passionnante serait de comparer ces textes avec les récits mythologiques qui circulaient dans l’Antiquité grecque et romaine.
La question qui se pose, c’est : est-ce que ce récit est vrai ?
Si par là on se demande s’il faut lire ce récit à la lettre pour en dégager une vérité historique, alors non bien sûr ! Mais si on questionne le sens de la vie de Jésus et des symboles qui sont présents dans le récit, alors la réponse est oui.
Ces récits saisissent la vérité pour les yeux de la foi. Cette vérité touche le cœur d’hommes et de femmes à chaque génération.
Dans notre univers étranger et parfois hostile, quand de fragiles êtres humains fixent l’étendue de l’espace et se demandent s’ils sont seuls, le message de ces récits vient proclamer qu’au-delà de notre finitude, il y à l’infini vers Dieu qui nous embrasse et que ce Dieu s’est approché de nous dans la personne de Jésus, et que, à travers cette vie divine, les êtres humains reçoivent l’assurance qu’ils ont de la valeur.
Le récit de la Nativité, un théâtre qui a du sens
Avec Luc, le spectacle qui se jouait autrefois devant des publics limités dans une communauté juive chrétienne, se joue maintenant devant des millions de personnes de toutes origines ethniques à travers le monde entier. Utilisant des images venant d’abord du récit de naissance dans Luc, nous chantons nos chants de Noël comme : d’un arbre séculaire, ô peuple fidèle, les anges dans nos campagnes, aujourd’hui le roi des cieux, il est né le divin enfant, voici Noël ô douce nuit, et tant d’autres qui viennent nourrir notre imaginaire.
C’est aussi des peintures, des tableaux de maîtres, qui marquent notre imaginaire de Noël. C’est aussi des spectacles, du cinéma, mais surtout des histoires qui ont été véhiculées par la littérature, et je pense ici aux évangiles apocryphes, ces récits de la vie de Jésus que les communautés chrétiennes ont fini par rejeter. La plupart de nos images de Noël viennent de ces textes, d’ailleurs, mais nous n’en avons pas conscience.
Au final, nous aussi, nous sommes attirés dans l’étable où le temps et l’éternité se rencontrent, où l’humanité et la divinité communiquent, et nous invitons toujours cet enfant, né au milieu des merveilles d’un chœur céleste, à naître de nouveau, mais cette fois-ci en nous, afin que nous aussi puissions être des incarnations de la présence de Dieu dans notre monde.
Les cieux et la terre se sont réunis dans un bébé né à Bethléem.
Nous ne sommes pas seuls.
Nous ne sommes pas simplement l’accident d’un processus d’évolution inintelligent. Nous sommes une famille particulière, famille qui accueille l’amour de Dieu.
D’abord, nous avons nos parents, nos frères, nos sœurs, puis nos grands-parents, nos oncles, nos tantes, etc. Une famille. Puis nous avons celles et ceux qui nous sont proches, et qui parfois sont comme notre famille. Puis nous sommes inclus dans la famille protestante. La famille protestante fait partie de la famille chrétienne, avec d’autres religions chrétiennes. Et la religion chrétienne n’existerait pas sans le judaïsme, qui vient encore d’ailleurs… Puis en allant encore plus loin, nous faisons, tous et toutes, partie de la grande famille humaine, dont on dit que Dieu en est non seulement le Père, comme dans la prière que nous récitons si souvent, mais qu’il en est aussi la mère.
Notre humanité est jugée digne d’être le véhicule dans lequel l’amour de Dieu peut demeurer.
Envoi
L’Esprit Saint plane au-dessus de chacun de nous pour nous assister dans le processus de naissance du Christ en nous. Pour que, nous aussi, nous puissions chanter « gloire à Dieu au plus haut des cieux » et que, nous aussi, nous puissions témoigner de la vie divine qui est en nous, comme elle était dans Jésus, ce petit bébé qui est né dans une famille particulière, et qui est devenu notre grand-frère, à tous et à toutes.
L’Esprit Saint nous aide à être ses témoins, et à dire aux gens qui nous entourent : si tu viens au temple, alors tu entendras une parole qui pourra donner un sens à ta vie, une parole qui te fera découvrir (ou redécouvrir) que Dieu est la source de ton être, et qu’il t’accueille parce que tu es son enfant, quel que soit ton âge.
Il t’accueille parce qu’il t’aime comme on ne t’a jamais aimé.
Il t’accueille et il t’intègre à sa famille, parce qu’il tient à toi comme à la prunelle de ses yeux.
A l’approche de Noël, nous nous souvenons que le récit de la naissance de Jésus nous parle de la grâce à l’œuvre dans nos vies et de l’amour inconditionnel de Dieu. Et ça, c’est pas du cinéma !
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Comments (1)
Jean-Michel Ulmann
13 décembre 2021 at 10:06
Bonjour Lionel,
merci de cette joyeuse prédication de Noël. Je ne crois plus au Père Noël. Je crois que chaque jour notre Père Eternel nous fait cadeau de sa grâce.
Amitiés
jmu