La fête musicale – contre-projet de société

5 septembre 2020Lionel Thébaud

1981, année où l’on dit que la Gauche a accédé au pouvoir en France. En 1983, beaucoup de citoyen·ne·s français sont grandement déçu·e·s. C’est au cours de cette année 83 qu’un mouvement de contestation se forme au sein de la jeunesse des banlieues. Cette jeunesse est depuis longtemps révoltée contre les manigances politiques, qui promettent de prendre soin des plus pauvres mais qui ne mettent rien en œuvre pour faire disparaître la misère sociale. Alors les groupes de musique punk en France s’animent d’une énergie créative inédite : une révolution va battre le rythme dans les quartiers populaires.



Ces révolutionnaires vont organiser des attentats sonores, et vont transformer les concerts en grandes fiestas politiques. Leurs armes, c’est la musique, leurs munitions, c’est les paroles. La scène alternative s’infiltre dans les failles du système, met en place des fanzines, ouvre des radios libres et des squats, créée des maisons d’édition parallèle, bref, tout est fait pour contrecarrer le système économique et vivre autrement ensemble. Le projet de société n’est pas très bien ficelé, l’objectif est plus contestataire et festif que constructif, mais une créativité débordante est mise en œuvre pour vivre de manière alternative. On voit notamment des musiciens jouer dans plusieurs groupes, et à ce titre la Mano Negra est un exemple florissant.



Le mouvement est bien plus profond qu’on ne le dit d’ordinaire. Les groupes organisent des concerts sauvages qui ont souvent l’allure d’un savant mélange de cirque et de spectacle de rue. La fête semble être un vrai projet de société, et certaines chansons deviennent de vrais hymnes à la liberté :


  • Porcherie (avec son refrain « la jeunesse emmerde le Front National ») de Berurier Noir, qui reste un hymne de lutte contre l’extrême-droite française ;



  • Sortez les bulldozers des Shériffs, dont la scansion « tous ensemble, tous ensemble, hey! hey! » est fréquemment reprise dans les manifs, par exemple.



Le caractère engagé de :


  • Cayenne de Parabellum,



  • La ronde de nuit de Mano Negra,



  • La Marseillaise d’Oberkampf



  • ou encore Le rap des Rapetous d’OTH,



pour ne citer qu’elles, montre comment la société bourgeoise est rejetée en bloc. Ces chansons sont un catalyseur des attentes de la jeunesse révoltée.

La fin des années 80 voit le démantèlement progressif des squats et le retour de la droite au pouvoir, ainsi que la mort des petits labels, rachetés par les majors. Beaucoup de groupes ne résistent pas à l’appel de ces majors, après des années de travail intense sans reconnaissance. La dynamique instaurée par le rock alternatif trouve refuge dans le mouvement techno et les free parties, où la musique électronique a remplacé la force du chant. Mais aujourd’hui, force est de constater avec Manu Chao (ex-membre de la Mano Negra) que « Le business récupère tout, et surtout la contestation ».

Plus d’informations sur les liens entre la musique, la chanson et l’engagement social :




Cet article a été publié (sans les vidéos ni les photos) dans les numéro d’été 2020 de Présence, le journal de la Mission Populaire Evangélique de France, que vous pouvez feuilleter ici :


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