C’est Pâques ! C’est la résurrection !

4 avril 2021Lionel Thébaud

Le soir était déjà là,
et comme c’était le jour de la préparation,
c’est-à-dire la veille du sabbat,
Joseph d’Arimathée intervint.
C’était un membre respecté du conseil suprême,
et il attendait, lui aussi, la venue du règne de Dieu.
Il alla courageusement demander à Pilate le corps de Jésus.
Pilate fut étonné d’apprendre qu’il était déjà mort.
Il fit appeler le centurion et lui demanda si Jésus était mort depuis longtemps.
Renseigné par le centurion, il permit à Joseph de prendre le corps.
Joseph acheta un drap de lin,
il descendit Jésus de la croix,
l’enveloppa dans le drap et le déposa dans un tombeau taillé dans la roche.
Puis il roula une grosse pierre pour fermer l’entrée du tombeau.
Marie de Magdala et Marie la mère de José regardaient l’endroit où on l’avait mis.
Quand le jour du sabbat fut passé,
Marie de Magdala,
Marie mère de Jacques,
et Salomé achetèrent des huiles parfumées pour aller embaumer le corps de Jésus.
Le dimanche de grand matin,
au lever du soleil,
elles se rendent au tombeau.
Elles se disaient l’une à l’autre :
« Qui roulera pour nous la pierre à l’entrée du tombeau ? »
Mais quand elles lèvent les yeux,
elles voient qu’on a déjà roulé la pierre, qui était très grande.
Elles entrèrent alors dans le tombeau ;
elles virent là un jeune homme, assis à droite, qui portait un vêtement blanc,
et elles furent effrayées.
Mais il leur dit :
« Ne soyez pas effrayées !
Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié ;
il est ressuscité, il n’est pas ici.
Voici l’endroit où on l’avait déposé.
Allez maintenant dire ceci à ses disciples et à Pierre :
“Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.” »
Elles sortirent alors et s’enfuirent du tombeau,
car elles étaient toutes tremblantes et stupéfaites.
Et elles ne dirent rien à personne,
car elles avaient peur.

Marc 15.42-47 ; Marc 16.1-8


Est-ce que notre texte raconte la résurrection, comme on le dit si souvent ? Eh bien non, aucun texte ne nous raconte la résurrection – en tout cas pas dans nos bibles. On nous raconte que le tombeau est vide, ce qui n’est pas pareil. Mais n’allons pas trop vite. Qui dit tombeau, dit mort. Et avant de parler de notre texte, il est important de redire l’histoire, même si nous la connaissons.





Jésus est un homme qui a annoncé une vision de Dieu centrée sur la grâce et l’amour. Il a relativisé les exigences de la loi, il a brisé le pouvoir des autorités religieuses.

Il était une menace pour le pouvoir religieux, pour l’ordre et pour l’autorité. La menace que constituait cet homme était intolérable. Aussi, les chefs religieux, aidés par l’administration romaine, on arrêté Jésus et ont provoqué sa mort.

Tous ses disciples l’ont abandonné en fuyant, tous l’ont trahi. On a cloué ce Jésus à une croix, et il y est mort dans la souffrance. Il ne faut jamais oublier cet épisode. Ce n’est pas gai, mais cela montre que Dieu prend au sérieux les drames de nos histoires personnelles, et qu’il prend au sérieux l’humanité. La mort fait partie de nos existences, et la souffrance aussi.

Dieu prend tellement tout ça au sérieux qu’il souffre avec nous partout où nous souffrons, tout comme il se réjouit avec nous partout où nous nous réjouissons. Dans la religion réformée, on saute un peu trop vite à mon goût sur l’idée de la résurrection. Dans nos temples, nous avons une croix, mais on n’y voit pas le Christ. Nous avons tendance à effacer la mort et la souffrance. Mais c’est un fait : Christ a été cloué, il a souffert, et il est mort. Ne passons pas à côté.

Maintenant, nous pouvons tourner la page et voir ce qui se passe ensuite. Et c’est là que j’en viens à notre texte. D’abord, il faut enlever le corps de la croix. Ce qui n’est pas une activité plaisante. Puis il faut envelopper le mort et le déposer dans le tombeau. Enfin il faut fermer le tombeau. Il fallait vite faire ce travail, parce que le Shabbat arrivait.

Le Shabbat, c’est une période qui va du vendredi soir au samedi soir, durant laquelle on n’a pas le droit de travailler, dans la tradition juive. Donc si Joseph d’Arimathée ne s’était pas dépêché de faire ce travail, il aurait fallu attendre une journée avant de pouvoir le faire, et ça allait tout compliquer. Ce travail pénible aurait été beaucoup plus pénible à faire après le Shabbat.





Le Shabbat se passe donc, et le lendemain des femmes viennent au tombeau. Mais voilà qu’en arrivant, elles voient que la grosse pierre qui fermait le tombeau avait été roulée.

Preuve qu’à Pâques, personne n’observe les mesures de confinement.

En entrant dans le tombeau, elles voient un jeune homme, tout habillé de blanc, qui dit que Jésus est ressuscité, et qu’il attend ses disciples en Galilée. Ces femmes, dans le récit de Marc, ne voient pas Jésus : elle entendent que Jésus est ressuscité. Et après avoir entendu cela, elles s’enfuient, et elles ne disent rien à personne, parce qu’elles ont peur.

Marc, c’est le premier évangile à avoir été écrit. Dans les exemplaires les plus anciens de l’évangile selon Marc, qui a été écrit vers 70 après Jésus-Christ, le texte se termine ici. Ce n’est qu’entre les années 120 et 150 que des gens ont écrit d’autres finales, qui ont été admises dans la tradition chrétienne.

Pourquoi a-t-on écrit une suite ? Parce que la finale de Marc est gênante. D’abord, le ressuscité n’apparaît pas. Ensuite, les femmes fuient et se taisent, au lieu d’aller voir les disciples et leur annoncer que le ressuscité les attend en Galilée. La fin de notre évangile nous laisse dans le doute et ne nous donne aucune réponse. Nous sommes devant une décision à prendre, qui est la décision de la foi : Jésus est-il ressuscité, oui ou non ? L’écriture de la finale longue montre comment on s’est servi des autres évangiles pour essayer d’harmoniser un peu tout ça et donner des réponses rassurantes.





Pâques, c’est d’abord une fête juive, et cette fête raconte comment Dieu a libéré son peuple de l’esclavage, de l’oppression, de l’angoisse, bref, de l’Égypte. Dans ce récit de la sortie d’Égypte, on parle de la mort, on parle du danger, on parle de la peur. Si mourir est angoissant, vivre nous angoisse aussi. Et l’invitation que Dieu nous envoie, qui nous incite à vivre libres, n’est pas moins angoissante, car la liberté assumée fait sauter beaucoup de nos sécurités, beaucoup de tout ce qui vient nous rassurer.

D’une part, nous ne parvenons pas à faire confiance – la confiance, c’est le sens du mot « foi » : nous attendons que les autres méritent notre confiance. D’autre part, nous nous emmêlons les pinceaux quand nous considérons que vivre la foi veut dire que nous sommes prêts à croire n’importe quoi. Juste un exemple. Nous vivons une période terriblement difficile, parce que la situation sanitaire dure depuis trop longtemps et que, de semaine en semaine, nous attendons les annonces gouvernementales et présidentielles pour savoir comment nos vies vont changer. Et de fait, nos vies rétrécissent, nos relations s’espacent, et nos projets s’écroulent. Pour certaines personnes, avoir la foi ce serait faire comme si nos problèmes n’existaient pas. Pour certaines personnes, avoir la foi, ce serait d’y aller quand-même, et de se dire : « puisque je fais la volonté de Dieu il ne peut rien arriver de mauvais ».

Or, la Bible ne nous invite pas à adopter une telle attitude. Dans la Bible, tous les personnages qui marchaient dans les voies de Dieu ont connu des souffrances terribles et des morts non moins terribles. On ne peut pas les accuser de ne pas avoir eu la foi. De plus, on a vu des gens mettre leur vie en danger pour rien. J’ai entendu parler de sœurs missionnaires qui se sont noyées parce qu’elles étaient persuadées de pouvoir marcher sur l’eau. Ou de ces gens qui ont été malades par ce fameux coronavirus après avoir partagé la sainte cène sans prendre les précautions nécessaires, parce que « quand on prend le repas du Seigneur il ne peut rien nous arriver ». Être prudents, est-ce manquer de foi ?

Au fond, je me dis que notre foi ne doit pas se fixer pas sur les circonstances, mais qu’elle doit se fixer en Dieu. Bien sûr que la Bible parle de miracles et de choses qui sont difficiles à comprendre pour nos cerveaux limités. Mais elle ne nous invite pas à croire en des choses insensées. Elle nous invite à croire que Dieu est présent, de manière bienveillante, quelles que soient nos circonstances, pour dire avec Paul :



Je sais vivre dans la pauvreté aussi bien que dans l’abondance.
J’ai appris à être satisfait partout et en toute circonstance,
que je sois rassasié ou affamé,
que je sois dans l’abondance ou dans le besoin.
Je peux faire face à tout grâce au Christ qui m’en donne la force.


Voilà ce qu’est la foi à mes yeux : faire face à tout, avec Dieu.





Quel rapport avec Pâques ?

Eh bien à Pâques, Dieu nous a délivré·e·s. Il a tout fait pour nous démontrer qu’il nous aimait à ce point, que nous ne sommes plus condamné·e·s, mais pardonné·e·s. Plus abandonné·e·s, mais accompagné·e·s par Dieu lui-même. Pâques, c’est ce Jésus-Christ qui, bien qu’étant mort et mis au tombeau, disparaît. On ne sait plus où il est. Mais on entend cette parole qui nous dit : « Il vous attend là-bas, il veut vous voir, il a des choses à vous dire, il vous précède, vous le verrez ».

Pâques, c’est ce moment où nous sommes invité·e·s à faire confiance à Dieu et à croire que, quelles que soient nos circonstances, Dieu est là, avec nous, en nous, par son Esprit. Invité·e·s à entrer dans ce courage nouveau qui nous permet de dépasser notre désespoir. Nous ne sommes pas seul·e·s.





Jésus, le crucifié, est mort, mais il a été élevé à la droite de Dieu. Lui qui a été mis sur la croix et qui semblait perdu – car les religieux de son époque ont décrété qu’il n’était pas un homme agréé par Dieu – a été accepté par Dieu. Son message et sa vie ont été mis en valeur par Dieu lui-même, qui a dit de lui : « celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j’ai mis toute mon affection ».

Même si vous êtes disqualifié·e·s aux yeux des autres, Dieu vous reçoit, Dieu vous aime, Dieu vous bénit. Voilà ce qui, pour moi, est le sens de la résurrection. Vous pouvez aller de l’avant. Vous pouvez mettre votre foi dans ce regard bienveillant de Dieu sur vous, parce que c’est ainsi qu’il a regardé Jésus-Christ.

La finale originelle de l’évangile selon Marc n’a pas fini de faire couler de l’encre. Le récit de Marc est un récit d’ouverture, qui nous laisse la liberté de vivre notre foi. Je prie pour que vous puissiez vous emparer de la puissance du message de la résurrection, pour que vous parveniez à dénouer les nœuds qui vous serrent et pour que vous traversiez la vie avec l’assurance que Dieu vous aime, qu’il est de votre côté, et que vous puissiez vivre en tant que fils et filles aimé·e·s de Dieu.

Et ce, quelles que soient les circonstances, et quelles que soient vos frustrations.



Comments (1)

  • france

    5 avril 2021 at 10:44

    Merci pour de beau commentaire qui nous porte à la réflexion, nous nourrit , mais qui nous laisse néanmoins dans le questionnement….

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