Lettre lue à M. au moment de son baptême : le jardin de la bonne conscience

12 avril 2021Lionel Thébaud

En effet, le Christ lui-même a souffert à cause des péchés des humains,
une fois pour toutes,
lui l’innocent, pour des coupables, afin de vous amener à Dieu.
Il a été mis à mort dans son corps humain,
mais il a été rendu à la vie par l’Esprit saint.
Par la puissance de cet Esprit,
il est même allé proclamer la bonne nouvelle aux esprits emprisonnés ;
ce sont ceux qui, autrefois, ont résisté à Dieu,
quand celui-ci attendait avec patience,
à l’époque où Noé construisait l’arche.
Un petit nombre de personnes, huit en tout,
sont entrées dans l’arche et ont été sauvées à travers l’eau.
Ces événements étaient l’image du baptême :
celui-ci ne consiste pas à laver la saleté corporelle,
mais à demander à Dieu une bonne conscience.
Et c’est ainsi que vous êtes sauvés maintenant,
vous aussi grâce à la résurrection de Jésus Christ ;
celui-ci est allé au ciel et il se tient à la droite de Dieu,
où les anges et les autres autorités et puissances célestes lui sont soumis.

1 Pierre 3.18-22


Pâques vient de se terminer, et nous avançons vers Pentecôte, mais ne croyez pourtant pas que nous en ayons fini avec l’événement pascal.

Le texte biblique a été choisi par M. pendant la préparation de son baptême. Et ce texte nous plonge dans le sens de Pâques pour nous, chrétiens et chrétiennes. Quatre petits versets, mais qui contiennent beaucoup de matière, et comme toujours, nous ne pourrons pas tout dire. Comme toujours, nous serons frustré·e·s, parce qu’on aurait pu dire ceci, et puis mettre l’accent sur cela.

Ce que je vais écrire là sera donc bien incomplet. Ne m’en veuillez pas trop : ces versets sont très difficiles à comprendre (quelqu’un m’a même suggéré que l’auteur de la première lettre de Pierre était ivre !!!), et j’en appelle à deux avocats pour ma défense.

Le premier c’est Luther, qui a dit « c’est un texte étrange et un passage obscur comme aucun autre dans le Nouveau Testament. Je ne sais pas avec exactitude ce que Saint-Pierre veut dire ».

Le deuxième, c’est Calvin : « Saint-Pierre amasse ici beaucoup de choses un peu confusément ! »

Alors si Saint Luther et Saint Calvin s’expriment ainsi sur ce passage, comprenez que je ne m’en sorte pas ! Le choix que je fais est particulier : je vais commenter le texte en parlant de jardins, parce que c’est l’écho de la foi que M. a proclamée lors de son baptême.





C’est le printemps, et vous voulez commencer à faire votre jardin. Vous achetez des jeunes plants. Avant de les mettre en terre, pour vous assurer qu’ils ne vont pas manquer d’eau, vous allez les mettre dans une bassine d’eau, jusqu’à saturation, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de bulles d’air qui remontent à la surface. Et après, vous les planterez.

Dans les premiers temps de l’Église, le baptême était réalisé en plongeant le corps entier dans l’eau – comme ça se fait encore aujourd’hui dans certaines églises. Nous avons symbolisé ce plongeon par un peu d’eau versée, mais le sens est exactement le même : il s’agit de dire que nous sommes morts, pour renaître à une vie nouvelle. Il s’agit de dire que l’on est passé de la mort à la vie, que l’on est une nouvelle créature. Comme le jeune plant, nous restons dans l’eau jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’air ! C’est une plaisanterie, bien entendu. Mais comme le jeune plant, nous intégrons un nouveau lieu : nous sommes plantés dans la terre du jardin. Nous sommes intégré·e·s dans la famille chrétienne.

M. a toujours été aimé de Dieu. Se faire baptiser, pour lui, c’est donner une réponse à l’amour de Dieu. Mais le baptême est aussi le signe d’une naissance nouvelle, une vie qui est plus forte que les puissances de mort. C’est le signe de l’appartenance à un autre ordre, une vie basée sur un autre esprit que l’esprit du monde : l’Esprit de Dieu, qui nous incite à entrer dans l’amour radical et dans le pardon (pardon de soi, pardon des autres). C’est enfin un signe de purification : d’une vie ancienne où Dieu n’avait pas sa place, nous entrons dans une vie nouvelle que nous menons avec Dieu, qui nous accompagne activement, qui chemine avec nous. C’est cet aspect purificateur que l’auteur de la première lettre de Pierre évoque en parlant de Noé.

Il faut avouer que ce passage est très problématique. Parce que dans le récit de Noé, les gens, qui sont mauvais, meurent dans le baptême, mais ne ressuscitent pas, tandis que Noé et les siens vivent, parce qu’ils n’ont pas été baptisés par l’eau du déluge. Des fois les auteurs du Nouveau Testament, pour illustrer leurs propos, utilisent des images qui ne semblent pas très logiques. Ce que l’on peut dire, c’est que Noé (et sa famille) a été sauvé à travers l’eau du déluge, et que M. (et sa famille spirituelle) a été sauvé à travers l’eau du baptême. Selon l’auteur de cette lettre, bien sûr, pour qui le baptême est lié au désir de mener une vie droite, conforme à la volonté de Dieu. Le baptême est le signe de la résurrection, c’est Pâques, encore une fois, et il a pour effet de nous amener dans le chemin d’une vie juste.





L’eau du baptême nous rappelle la création, racontée dans Genèse 1 : les eaux sont séparées, repoussées aux frontières, et la terre qui apparaît devient porteuse de vie, faisant naître un jardin, dans lequel l’être humain est créé. L’être humain a pour mission d’entretenir ce jardin et d’en jouir.

Dans ce jardin, nous dit le mythe biblique, il y a l’arbre de la vie, mais il y a aussi l’arbre de la connaissance du bien et du mal, et vous connaissez l’histoire : l’humain va s’enfermer dans la peur et la culpabilité. Cette peur et cette culpabilité nous fait du mal : nous nous excluons de l’amour de Dieu, et nous nous condamnons.

C’est là que le jardin de Gethsémané résonne en moi. Géthsémané, c’est ce fameux jardin dans lequel Jésus a prié, après son dernier repas, et avant son arrestation. Gethsémané, ça veut dire « pressoir à huile ». Sans doute un jardin plein d’oliviers. Que Luc identifie au mont des oliviers. Bref, là, dans ce jardin, Jésus ressent de la tristesse et de l’angoisse. Il sait quelles souffrances il va endurer. « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe de douleur. Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne ». Ce que dit Pâques, c’est que Dieu, nous a libéré de la peur et de la culpabilité.

La lettre de Pierre dit « le Christ a souffert à cause des péchés des humains, une fois pour toutes, lui l’innocent, pour des coupables, afin de vous amener à Dieu ». Il n’y a plus aucune condamnation pour celles et ceux qui vivent en Jésus-Christ. C’est là que le baptême est la demande d’une bonne conscience devant Dieu.

Entendons-nous bien : la demande d’une bonne conscience, ce n’est pas prétendre que nous n’avons rien fait de mal. Nous sommes incapables de ne pas faire le mal. La demande d’une bonne conscience ce n’est pas non plus promettre de ne plus jamais faire le mal. Nous sommes incapables de ne pas faire le mal. La demande d’une bonne conscience, c’est de prier pour que Dieu nous accorde une conscience éclairée par son Esprit. C’est la demande d’une conscience qui cherche à percevoir ce que nous sommes pour Dieu, et ce qu’il est pour nous. C’est la demande du discernement de sa grâce.

Demander cette conscience, c’est nous mettre au défi de faire du mieux que nous pourrons, avoir l’attitude la plus juste possible, motivé·e·s par l’amour de Dieu. La demande d’une bonne conscience, c’est prendre sa vie en mains, sous le regard bienveillant de Dieu. C’est vivre avec Dieu.

Ça me fait penser à cette histoire, dans laquelle un rabbin dit à son disciple :
– La veille de ta mort, tu dois être en ordre avec ta conscience.
– Mais, objecte le disciple, je ne connais pas le jour de ma mort !
– Exact, reprend le rabbi, c’est pourquoi tu dois le faire tous les jours.
La conscience, cette balance intérieure qui cherche en permanence à s’accorder à la volonté de Dieu, permet de traverser la vie sous l’arc-en-ciel de la grâce de Dieu (phrase piochée chez Corina Combet-Galland).





Et alors voici le troisième jardin auquel je pense, après avoir marché dans le jardin d’Eden et le jardin de Gethsémané : celui décrit dans le livre de l’Apocalypse. A la fin de l’histoire, on voit de nouveaux cieux et une nouvelle terre. Ce qui existe est régénéré, un peu comme une conséquence de la résurrection : c’est nouveau, mais c’est une nouveauté qui prend corps dans ce qui existait.

Et à notre grande surprise, ce n’est pas un jardin qui est décrit, mais une ville. Parce que l’être humain ne veut plus vivre dans un jardin depuis longtemps : c’est la vie urbaine qui nous attire. Quand nous vivons à la campagne, c’est pour vivre avec tout le confort de la ville.

Cependant, dans cette ville, nous retrouvons – au milieu de la place de la ville – un fleuve et l’arbre de la vie, qui donne des fruits en abondance. L’arbre de la vie, qui était dans le jardin du début. Cette place de la ville, c’est comme nos jardins municipaux au fond. C’est encore un jardin.

Je cite Apocalypse 21.3-4 : « Voici, la demeure de Dieu est parmi les êtres humains ! Il demeurera avec eux et ils seront ses peuples. Dieu lui-même sera avec eux, il sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n’y aura plus de mort, il n’y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. En effet, les choses anciennes ont disparu. » On trouve dans la description de ce jardin municipal la victoire de Dieu sur les puissances mortifères, on y trouve aussi l’idée de la nouveauté de vie. En bref, on y trouve la symbolique du baptême.

Il y a bien d’autres jardins dans la Bible. Mais ce que je retiens de notre parcours, c’est que Dieu est un grand jardinier qui connaît bien les graines qu’il a semées, qui connaît bien ses plantes, et qui connaît bien le sol dans lequel il nous a planté. Il sait de quoi nous avons besoin : eau, lumière, chaleur, nutriments, soins de toute sorte. Nous pouvons lui faire confiance.

Et notre baptême est gravé dans notre mémoire, de manière à ce que nous puissions, chaque jour, renouveler le vœu que nous avons fait à ce moment-là : le vœu de vivre notre vie sous son regard, le vœu de faire ce que nous comprenons de sa volonté du mieux que nous pouvons.

Le vœu de vivre avec lui, et non pas sans lui.

La demande d’une bonne conscience devant Dieu.



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