Changez de vie !
Dans l’évangile selon Luc, au chapitre 13, les versets 1 à 4 racontent que le gouverneur romain de Judée ordonne un massacre, et qu’on demande à Jésus : « Comment interpréter ces faits ? » Comme souvent, Jésus ne répond qu’en partie : après avoir abordé un autre fait divers, celui de Siloé, il déplace la question. Jésus commence par une réponse claire : ni les Galiléens, ni les passants de Siloé n’ont mérité leur sort. Cependant, la suite nous déconcerte : « changez de vie, sinon vous mourrez tous comme eux » !
Pas plus coupables que les autres
Il est important de définir les malheurs dont le texte parle. Il s’agit de faits qui arrivent aux êtres humains sans qu’on puisse établir une responsabilité des victimes. Jésus ne nous dédouane pas des conséquences de nos actes mauvais. Si nous nous mettons nous même dans une situation tordue, nous en assumerons les résultats.
La population galiléenne est mal vue par les habitants de Jérusalem et il est assez probable que ceux qui interpellent Jésus ont en tête l’idée tordue que les malheureux ont fait quelque chose qui a déplu à Dieu, et que leur mort est une punition.
Or Jésus coupe court à toute condamnation morale : « Pensez vous qu’ils étaient de plus grands pécheurs ? Pas du tout ! » Ils ont été massacrés par Pilate, par un pouvoir politique aveugle et sadique. Pilate, c’est Poutine, ou tout pouvoir tyrannique. Ne pensons pas que les Ukrainiens soient de moins bons chrétiens que nous, ou que les pays du Sahel qui s’effondrent sous les coups du terrorisme, loin des médias occidentaux, aient mérité leur sort ! Jésus est formel : les violences politiques ne sont pas une conséquence des péchés du peuple.
L’exemple de la tour de Siloé
De même, les 18 victimes de l’effondrement de la tour de Siloé n’étaient pas plus coupables que les autres habitants de Jérusalem. Ici, ce sont probablement des passants juifs qui ont été tués. Appartenir au « peuple élu » ne les a pas protégés.
La tour de Siloé représente tous ces malheurs qui frappent au hasard : un tremblement de terre, une maladie, un accident, cette fatalité qui vous tombe dessus. Et Jésus interdit toute interprétation « divine » de la catastrophe. Ce qui me semble être une bonne nouvelle : Dieu ne nous guette pas pour nous punir.
Alors si nous y sommes pour rien, pourquoi Jésus répète-t-il cet avertissement terrible : « si vous ne changez pas radicalement, vous disparaîtrez tous pareillement » ?
Quels changements de vie ?
Changer… On retrouve ce terme dans l’évangile selon Matthieu, au chapitre 3 : « Changez car le royaume des cieux s’est approché », metanoïa en grec (meta comme dans métamophose / noïa lieu où résident la pensée et la volonté). Jésus en appelle à une transformation du cœur, de l’attitude intérieure, de notre conduite, ce qu’on traduit par « conversion » ; un changement à la racine de l’être. De notre être.
Avec l’épisode des Galiléens massacrés et avec l’accident de la tour de Siloé, Jésus nous invite à changer :
– notre discours sur Dieu
– nos certitudes
– notre rapport au temps
Changez votre discours sur Dieu
Lorsqu’un malheur nous frappe, nous pensons souvent : « mais qu’est-ce que j’ai fait à Dieu pour mériter ça ? » Une telle pensée rabaisse Dieu au rang des dieux gréco-romains, rancuniers et pervers. Ne parlons pas mal de Dieu.
Souvenons-nous du récit d’Elie, dans le premier livre des Rois, au chapitre 19. Le prophète est pourchassé par la reine Jézabel, il s’enfuit et se cache. Il est si désespéré que Dieu lui-même s’approche de lui. Mais quand il s’approche, Dieu n’est ni dans la tornade, ni dans le séisme, ni dans l’incendie qui Le précèdent. Il est dans le « souffle fragile ». Il est dans une Parole d’amour qui se donne et relève.
Changez vos certitudes
Ensuite plutôt que d’accuser les autres ou d’accuser Dieu des malheurs, Jésus nous invite à changer nos certitudes. Une bonne « pratique religieuse » (comme celles des Galiléens qui offraient leurs sacrifices) n’est pas une assurance porte-bonheur. Jésus ne nous promet nulle part d’être épargnés : il nous promet d’être à nos côtés dans les difficultés. Et si nous lui laissions une place dans notre vie ?
C’est le sens de Siloé. Siloé était une des tours d’enceinte de Jérusalem. Ce rempart était censé protéger les habitants, pourtant la tour les a tués. Ainsi nos « forteresses », nos précautions peuvent s’avérer inutiles. Un bon compte en banque, une pratique régulière du sport, un régime bio, de bonnes études pour nos enfants, ne nous permettront pas toujours d’échapper aux soucis. Tout cela a sa pertinence et son utilité, mais cela ne va pas nous sauver.
Changez votre rapport au temps
Enfin nous avons à changer notre rapport au temps. Les passants de Siloé vaquaient à leurs occupations, ils avaient la vie devant eux. Et tout s’est arrêté brutalement. Il y a là un avertissement pour nous. Le Paume 90 prie : « Fais-nous comprendre Que nos jours sont compté, et nous aurons un cœur sage ». Prenons le temps de poser chaque journée devant Dieu, et demandons-nous : quelle place ai-je laissé à l’Évangile aujourd’hui ?
Car si nos péchés ne sont pas responsables de tous les malheurs du monde, nous avons bien une responsabilité vis-à -vis des victimes de ces malheurs. Que puis-je faire moi pour atténuer les souffrances du monde ? Suis assez disponible pour ces autres qui souffrent ? Disponible en temps, disponible par mes biens ? Paul écrit, dans sa lettre aux Galates (6, 9 et 10) : « Ne nous lassons pas de faire le bien ; car si nous ne nous décourageons pas, nous aurons notre récolte au moment voulu. Ainsi, tant que nous en avons l’occasion, faisons du bien à tous. »
Ne croyons pas que Dieu nous demande des œuvres extraordinaires.
« Quiconque donnera à boire une simple coupe d’eau fraîche à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense », dit Jésus, d’après l’évangile selon Matthieu (10.42).
Pour résumer : changez de vie !
Dans ce texte difficile, Jésus nous appelle à :
– ne pas juger les autres (les Galiléens) en fonction de ce que nous croyons en comprendre.
– ne pas toujours chercher un coupable ni chez le voisin, ni en Dieu.
– renoncer à nos assurances et à nos précautions (Siloé) pour lui faire une place dans notre journée, pour donner du sens à notre vie. « Toi, suis moi », dit Jésus à chacun de nous.
Comme Nicodème, qui demandait à Jésus : « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? », nous devons naître de nouveau. Naître à l’amour de Dieu et du prochain, c’est une bonne façon de ne pas disparaître !
Merci Lionel d’avoir publié ce texte sur ton blog !
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